Méthodes et problèmes

La perspective narrative

Jean Kaempfer & Filippo Zanghi, © 2003
Section de Français – Université de Lausanne

I.2. Sens large: point de vue et énonciation

Toutes traditions confondues, c'est le terme de point de vue qui est le plus couramment utilisé. Au sens large, certains parlent de point de vue pour qualifier les récits dans leur ensemble. Tout texte narratif témoigne d'un point de vue particulier. Il y a autant de points de vue que de textes. On comprend aisément que le terme n'a que peu d'intérêt dans ce sens. Mieux vaudrait ne l'employer que lorsque l'on peut voir, dans un texte, se dégager un point de vue avec une fonction manifeste et cohérente (Rousset, 30).

On parlerait alors de point de vue pour désigner ce que les Anglo-Saxons appellent le ton d'un texte (tone). On pourrait y ranger l'ironie de Flaubert - par exemple lorsqu'il fait le portrait du pharmacien Homais, dans Madame Bovary. Dans ce sens, le terme renvoie surtout au point de vue du narrateur sur son histoire ou ses personnages et englobe ce que certains critiques appellent les intrusions d'auteur: [Il] jeta un coup d'oeil sur son costume, un peu plus riche que ne le permettent en France les lois du goût (Balzac, Gambara). En un sens voisin, on verrait se dégager un point de vue, une vision du monde, de la cohérence et de la tonalité des images, des métaphores repérables dans un texte.

Dans un sens un peu moins étendu, enfin, on signalerait comme le font aujourd'hui encore les dictionnaires anglo-saxons (Abrams, 231-236) les différents points de vue tels qu'ils se dégagent d'un récit à la première ou à la troisième personne. Un récit en JE semble limiter le point de vue à celui de JE. Un récit en IL/ELLE permet d'offrir un point de vue plus large. Dans tous ces cas, cependant, ainsi que l'a remarqué Genette, le point de vue a partie liée avec le narrateur [La voix narrative, I], avec celui qui raconte l'histoire, et ressortit donc au problème de l'énonciation narrative.

Edition: Ambroise Barras, 2003-2004