Méthodes et problèmes

Versification

Laurent Jenny, © 2003
Dpt de Français moderne – Université de Genève

II.2.1. Différents types de mètres

Dans les vers traditionnels, on peut compter des séquences de syllabes brèves et longues ou pieds (vers quantitatif comme en grec ou en latin); on peut compter des séquences de syllabes accentuées et inaccentuées que l'on traite comme des longues et des brèves de pieds antiques (vers accentuel comme en anglais); on peut compter des syllabes considérées toutes comme équivalentes (vers numérique comme en français).

Tityre, tu patulae // recubans sub tegmine fagi (/-uu/-uu/-//uu/uu/-uu/--/ hexamètre dactylique)

Virgile

And kiss'd her thougtless babes with many a tear (u-/u-/u-/u-/uu- = iambes + anapeste)

Goldsmith

Beaux et grands bâtiments //d'éternelle structure (6//6)

Malherbe

Dans les vers traditionnels, il y a affinité entre le système phonologique de la langue et le type de vers qui y apparaît. Ainsi le vers quantitatif présuppose une langue où les différences de quantité syllabique jouent un rôle phonologique (c'est-à-dire permettent de différencier une paire de mots semblables sauf par la quantité d'une syllabe); de même le vers accentuel ne se conçoit que dans une langue où l'accent est fort, mobile et joue ce même rôle phonologique de distinction.

Les tentatives pour plaquer un système métrique d'une langue sur une autre répondant à d'autres principes phonologiques sont vouées à l'échec. Ainsi à la Renaissance, le poète Baïf, après d'autres, a tenté de transposer la versification quantitative des langues anciennes sur le français.

On sait que ce poète a eu l'idée, tout en conservant le syllabisme traditionnel, mais grâce à des combinaisons prosodiques de brèves et de longues semblables à celles des anciens, de rendre sensibles les rapports de durée que la prononciation établit entre les syllabes. Ces vers nouveaux, qui n'auraient plus besoin d'être ornés d'une rime, permettraient au choix du poète de reconstituer les mètres disparus des Grecs et des Latins, d'obtenir à volonté des hexamètres et des pentamètres, des asclépiades et des spahiques, des alcaïques et des sénaires iambiques. Ainsi tous les mots du texte, judicieusement traités syllabe par syllabe, offriraient aux musiciens des quantités certaines et seraient parfaitement intelligibles aux auditeurs.

Vers 1565, Baïf passe à la mise à exécution de son programme. Nous possédons de lui plusieurs de ces recueils de pièces ainsi composées (..). Les premières de ces œuvres sont écrites selon l'orthographe ordinaire, comme la suivante, qui est extraite des Chansonnettes. Chaque vers y est composé de deux trochées, d'un dactyle et d'une syllabe longue, selon le schéma (-u-u-uu-)

En voici le texte :

Babillarde, qui toujours viens
Le sommeil et le songe troubler,
Qui me fait heureux et content
Babillarde aronde, tais-toi.
...

Lote, 1988, 139-140

Edition: Ambroise Barras, 2003-2004