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Décès du Prof. Bernard Böschenstein

Le Département de langue et de littérature allemandes et le Programme de littérature comparée de la Faculté des lettres de l’Université de Genève ont le regret et la grande douleur de vous faire part du décès de notre collègue et ami Bernhard Böschenstein, le 18 janvier, à l’âge de 87 ans.

Fils du journaliste Hermann Böschenstein, correspondant étranger de divers journaux suisses, Bernhard Böschenstein est né à Berne en 1931. Durant les années précédant la Deuxième Guerre mondiale, il a passé une partie de son enfance à Berlin et à Paris. Un des fruits de cette éducation cosmopolite était son plurilinguisme; c'est avant tout sa parfaite maîtrise du français qui ne laissait d’impressionner. À partir de 1950, il a étudié la germanistique, les langues et littératures romanes et le grec ancien à Zürich, Paris et Cologne. C’est à Zürich qu’il a soutenu sa thèse sur l’hymne de Friedrich Hölderlin «Der Rhein» («Le Rhin»), sous la direction d’Emil Staiger.
Après avoir été assistant à la Freie Universität de Berlin et à l’Université de Göttingen et chargé de cours à l’Université de Harvard, Bernhard Böschenstein fut nommé en 1965 professeur ordinaire de littérature allemande moderne à la Faculté des Lettres de l’Université de Genève. Il a enseigné à notre Faculté jusqu’en 1998, année de sa retraite. Dès le début de cette longue période, lui et son épouse Renate Böschenstein-Schäfer ont travaillé avec succès à augmenter les effectifs du Département d’allemand et à assurer son ancrage dans notre Faculté. Ainsi, Bernhard Böschenstein n’a pas tardé à entretenir des liens collégiaux et amicaux étroits avec Marcel Raymond, Jean Rousset et Jean Starobinski, représentants éminents de l’École de Genève. Parallèlement, il a promu la connaissance de la littérature et culture allemandes au-delà des limites académiques en tant que président de la Société genevoise d’études allemandes, mandat qu’il a exercé pendant plus de vingt-cinq ans, tout en faisant preuve d’un grand rayonne-ment international : ainsi, il a été professeur invité aux universités de Lausanne, Bâle, Zürich, Fribourg, mais aussi Cornell, Princeton, Heidelberg, Pise ainsi qu’à l’École polytechnique de Zürich.
En ce qui concerne ses domaines de recherche, il faut avant tout mentionner la poésie de Hölderlin, à laquelle il a consacré des travaux de recherche qui eurent tôt fait d’as-seoir sa réputation internationale. Ils reflètent sa capacité à situer cette poésie difficile tant dans la tradition classique que dans son contexte européen moderne tout en en faisant ressortir les beautés incomparables à travers des analyses stylistiques précises dont la virtuosité n’est pas dénuée de qualités poétiques. Il n’est donc pas étonnant que Bernhard Böschenstein ait été rédacteur en chef du «Hölderlin Jahrbuch» pendant 35 ans, mais aussi président de la Société Hölderlin, qui lui a accordé le titre de membre honoraire. Outre Hölderlin, Jean Paul et Goethe (en 1975, l'Institut Goethe lui a décerné la médaille Goethe), les grands poètes de la première moitié du XXe siècle, tels Stefan George, Hugo von Hofmannsthal et Rainer Maria Rilke, mais aussi les symbolistes et surréalistes français, ainsi que la poésie de Paul Celan, avec qui il s’était lié d’amitié, ont été des domaines privilégiés de ses recherches.
Bernhard Böschenstein était en effet l’un des meilleurs connaisseurs de la poésie européenne du XXe siècle. Marqué par la tradition de l'école de Stefan George, il n’a pour-tant jamais cessé de se démarquer des tendances nationalistes de certains tenants de cette école. Hostile à toute étroitesse d'esprit, en particulier celle relevant du nationalisme, il s’est efforcé tout au long de sa carrière de travailler à la bonne entente des mondes culturels français et allemand, entre autres comme traducteur (lui aussi admirable) de poésie française. Genève, canton suisse entouré de deux départements français, lui a donc semblé être le lieu idéal pour la mise en œuvre de ce dialogue qui réunissait de manière exemplaire la reconnaissance et le dépassement des différences culturelles de ceux et celles qui y participaient.
C’est pourquoi, vers la fin de son mandat genevois, il a préparé à notre Faculté la réorganisation de la Littérature comparée comme programme interdépartemental. Son engagement infatigable en faveur de cette discipline s’explique par son souci de dépasser les limites des littératures dites nationales ; sa manière de concevoir la germanistique était toujours d’orientation comparatiste.
Avec lui, les études de lettres ont perdu un collègue et ami qui, par sa générosité, sa culture, son érudition, son expérience internationale, ses dons linguistiques et aussi son humour savait communiquer son enthousiasme pour la poésie et les arts à tous ceux et celles qui avaient la chance de le connaître. Ses amis et étudiants en Suisse et dans le monde entier peuvent en témoigner. Ils garderont et honoreront sa mémoire avec une immense gratitude.

Markus Winkler

23 janv. 2019

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