Prix 3R: des cultures de peau humaine pour étudier le psoriasis
Le Prix 3R de l’UNIGE distingue cette année des travaux sur le psoriasis où des modèles in vitro d’épiderme humain ont remplacé les souris de laboratoire.
© Olivier Zimmermann / UNIGE. Pr Sébastien Castelltort, (Vice-Recteur recherche et durabilité, UNIGE), Dre Maria Shutova (Prix 3R 2024), Pre Patrycja Nowak-Sliwinska, (Présidente du Jury du Prix 3R), lors de la cérémonie de remise du prix, le 4 juin 2024.
«Réduire», «Raffiner», «Remplacer»: sur la base de ces trois principes, le Prix 3R de l’Université de Genève (UNIGE) récompense chaque année une recherche dont le modèle expérimental permet une avancée scientifique importante dans une optique de respect de la condition animale. Le prix a été décerné cette année à une chercheuse du Département de médecine et du Centre de recherche sur l’inflammation (GCIR) de la Faculté de médecine. Le jury a récompensé une étude où les modèles de souris habituellement utilisés pour l’étude du psoriasis ont été intégralement remplacés par des cultures in vitro de peau humaine.
Créé en 2016, le Prix 3R de l’Université de Genève (UNIGE) distingue des projets de recherche qui participent à l’avancée des connaissances en sciences du vivant, tout en contribuant à «réduire», «raffiner» et «remplacer» (3R) le recours aux modèles animaux. Remis annuellement, il est doté de 5000 francs dédiés à la poursuite des travaux des chercheurs et chercheuses primées. Le 9e Prix a été décerné le 4 juin 2024 à l’occasion de la remise des Prix de la Faculté de médecine.
Le jury a récompensé cette année Maria Shutova, maître-assistante au Département de médecine et au Centre de recherche sur l’inflammation de la Faculté de médecine de l’UNIGE, pour ses travaux sur les mécanismes moléculaires à l’œuvre dans le psoriasis, une maladie chronique, auto-immune et inflammatoire de la peau. Les personnes qui en souffrent — entre 3 et 7% de la population — voient leur qualité de vie affectée tant par les manifestations de la maladie qui recouvrent le corps de plaques rouges douloureuses que par les effets secondaires des traitements actuels.
Intitulée « Inflammation modulates intercellular adhesion and mechanotransduction in human epidermis via ROCK2 » et publiée dans iScience, cette étude décrypte les mécanismes inflammatoires qui, dans le psoriasis, dérégulent la réponse immunitaire de l’épiderme.
Des épidermes reconstitués plus fidèles que des modèles animaux
Les recherches sur le psoriasis ont habituellement recours à des modèles de souris de la maladie. Or, les importantes différences biologiques entre la peau humaine et celle des souris en font des modèles imparfaits. C’est pourquoi Maria Shutova et ses collègues ont travaillé au développement d’un modèle expérimental plus fiable. Des cellules de peau humaine non différenciées et d’épiderme humain reconstruit leur ont permis de reproduire fidèlement les processus de différenciation et de stratification de la peau humaine. Les scientifiques ont ensuite modélisé l’inflammation typique du psoriasis en stimulant leurs cellules en culture avec un cocktail de cytokines — de petites protéines impliquées dans la communication cellulaire et les réactions immunitaires.
Décrypter les problèmes de communication des cellules
Grâce à son modèle, l’équipe de recherche a découvert que dans le psoriasis les cellules épithéliales ne sont plus capables de détecter et interpréter correctement les stimuli qu’elles reçoivent pour les traduire en signaux électrochimiques appropriés. Les cytokines inflammatoires induisent alors l’activation d’une voie de communication cellulaire particulière et une réponse inflammatoire. Une enzyme, ROCK2, semble en cause. Or, les scientifiques ont pu identifier une petite molécule capable d’inhiber cette enzyme, KD025, ouvrant ainsi l’espoir d’un nouveau traitement.
Ces résultats, beaucoup plus pertinents pour la pathologie humaine que ceux obtenus avec des modèles non humains, valident un nouveau modèle expérimental. Entièrement in vitro et largement applicable et reproductible pour étudier les phénomènes inflammatoires de la peau, il remplace avantageusement l’utilisation d’animaux dans ce contexte. «En s’appuyant sur les nouvelles technologies et le partage des connaissances, la Dre Shutova a brillamment intégré le principe des 3R et propose une solution utile à d’autres laboratoires de recherche», salue Daniele Roppolo, directeur de l’expérimentation animale de l’UNIGE.
L’UNIGE proactive dans la promotion du 3R
Le jury du Prix 3R était composé cette année de cinq chercheurs et chercheuses de l’UNIGE: Patrycja Nowak-Sliwinska (Présidente du jury 2024 et Prix 3R 2020), Pascal Senn (Prix 3R 2022), Thierry Soldati (Prix 3R 2019), Ivan Rodriguez et Martina Valentini. Six dossiers de candidature ont été déposés. «Cela démontre que les efforts importants de la Direction de l’expérimentation animale et du Rectorat pour promouvoir le 3R portent leurs fruits», se réjouit Elsa Giobellina, déléguée à la protection des animaux de l’UNIGE.
L’UNIGE mène des campagnes d’information régulières pour faire connaître aux chercheurs et chercheuses les sources de financement, les récompenses existantes et les possibilités de formation pour les projets 3R, au sein et hors de l’université. Elle organise également des séminaires 3R et est aussi membre du Centre de compétences suisse 3R (3RCC) qui promeut au niveau national une recherche respectueuse de la condition animale.
5 juin 2024