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Le courant électrique, étincelle de la diversité cellulaire du cerveau

Des chercheurs de l’UNIGE ont découvert qu’en manipulant les propriétés bioélectriques des cellules souches qui génèrent les neurones, il était possible de changer la composition cellulaire du cerveau au cours du développement.

© UNIGE. La diversité des neurones corticaux peut être visualisée par différents marqueurs, par leur morphologie et leur connectivité.

 Le cortex cérébral est la région la plus développée chez les mammifères et permet des fonctions intellectuelles avancées telles que la perception consciente du monde, l’anticipation, ou encore le langage. A chaque activité correspondent des circuits composés de neurones bien précis. Pour comprendre comment ces circuits se forment lors du développement, des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE), en collaboration avec une équipe américaine, se sont intéressés aux progéniteurs cérébraux, les cellules mères des neurones. Comment ces progéniteurs savent-ils quels types de neurones fabriquer à chaque moment du développement ? En mesurant l’activité électrique de ces cellules, les neuroscientifiques ont constaté qu’à la manière d’une pile qui se charge, le voltage des progéniteurs augmente au fur et à mesure du développement de l’embryon et de la complexité des neurones à créer. Afin de tester le rôle de cette charge électrique, les chercheurs l’ont diminuée et augmentée artificiellement in vivo, dirigeant à loisir quel neurone était créé! Ces résultats, à lire dans la revue Cell, révèlent pour la première fois l’importance des propriétés bioélectriques cellulaires dans la création de la diversité neuronale.

Présent chez tous les mammifères, le cortex cérébral est une structure complexe composée d’une multitude de types de neurones qui s’assemblent pour former des circuits contrôlant le mouvement ou la perception. Les différents types de neurones sont créés les uns après les autres au cours de l’embryogenèse par des cellules souches nommées progéniteurs, présentes dans les profondeurs du cerveau. «Nous nous sommes demandés comment ces progéniteurs savent quel type de neurones ils doivent fabriquer à chaque moment du développement de l’embryon», expose Denis Jabaudon, professeur au Département de neurosciences fondamentales de la Faculté de médecine de l’UNIGE.

A chaque charge électrique correspond un type de neurones
Pour cette étude, l’équipe de l’UNIGE a choisi d’aborder la question sous un nouvel angle. «D’habitude, ce sont des facteurs génétiques qui sont les stars du fonctionnement cellulaire, explique Ilaria Vitali, chercheuse au sein de l’équipe. Ici, nous nous sommes intéressés à d’autres acteurs, les propriétés électriques des progéniteurs.»

En effet, si le rôle de l’activité électrique dans le fonctionnement des circuits du cerveau est bien établi, on ne savait jusqu’ici presque rien sur l’effet de l’électricité sur les propriétés des progéniteurs cérébraux. Utilisant une pipette mesurant moins de deux microns de diamètre pour percer la membrane cellulaire, les scientifiques ont mesuré chaque jour la charge électrique des progéniteurs d’embryons de souris. «Nous avons constaté qu’alors que le fœtus grandit et que les types de neurones fabriqués se complexifient, le voltage des progéniteurs augmente de plus en plus», explique Denis Jabaudon.

Choisir le type de neurones que l’on veut créer
Afin de confirmer cette observation, les scientifiques ont modifié génétiquement des cellules embryonnaires. «Nous avons exprimé à la surface des progéniteurs des canaux synthétiques laissant passer des particules chargées électriquement, ce qui nous a permis de manipuler à notre guise leur voltage et de charger ou décharger ces cellules», explique Sabine Fièvre, co-première auteure de l’étude et chercheuse dans l’équipe de l’UNIGE. Et effectivement, si les progéniteurs sont artificiellement chargés en début d’embryogenèse, ils fabriquent alors précocement des neurones apparaissant normalement à la fin du développement de l’embryon. «Et inversement, si nous déchargeons les progéniteurs, ceux-ci fabriquent à nouveau des neurones apparaissant normalement plus tôt lors du développement de l’embryon!», s’enthousiasme Denis Jabaudon.

Ces résultats démontrent pour la première fois que l’activité bioélectrique des progéniteurs joue un rôle capital dans la fabrication des différents types de neurones. Ceci pourrait expliquer les effets de certaines maladies du développement liées à une activité électrique anormale, comme par exemple l’épilepsie.

13 août 2018

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