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Comment les astrocytes guident nos émotions

© A. Charlet. Image en fluorescence d’astrocytes de l’amygdale (immunomarquage, vert ; noyaux en bleu) et des récepteurs de l’ocytocine (visualisation de l’ARN, rouge). Ces cellules, encore peu étudiées, permettent de relayer et d’amplifier le message véhiculer par l’ocytocine, pour promouvoir un sentiment de bien-être.

 

Une étude internationale, à laquelle participe l'Université de Genève (UNIGE) vient de démontrer pour la première fois comment l’ocytocine, neuropeptide synthétisé au sein de l’hypothalamus, contrôle nos émotions. Elle est détectée par les astrocytes (astro - étoile et cyte - cellule), des cellules gliales encore peu étudiées, qui coordonnent et amplifient son action au sein du réseau neuronal pour diminuer l’anxiété et promouvoir notre bien-être. Ces importants résultats sont détaillés dans un article publié dans la revue Nature Neuroscience.

Le cerveau est composé de centaines de milliards de cellules, notamment des neurones qui ont été au centre de l’attention de la recherche et de la médecine, jusqu’à faire baptiser la science du système nerveux « neuroscience ». Cet enthousiasme vient du fait que les neurones ont la particularité d’avoir une activité électrique, attisant les espoirs des neuroscientifiques cherchant à décrypter le code neuronal dans le but de comprendre nos comportements les plus complexes. Si cette approche a connu des succès phénoménaux au cours de ces dernières décennies, il faut noter que le cerveau possède autant de neurones que de cellules gliales. Bien qu’initialement considérées comme de simples soutiens aux neurones, on assiste actuellement à un changement de paradigme : les cellules gliales, et plus particulièrement les astrocytes, collaborent étroitement avec les neurones pour traiter l’information sensorielle et émotionnelle. Ainsi, des substances neuroactives peuvent être détectées par les astrocytes, c’est le cas pour les neurotransmetteurs “classiques”, tels le glutamate ou l’adrénaline. Cependant, la participation des astrocytes dans la modulation des émotions par des neurohormones, telle que l’ocytocine, reste drapée de mystère.

Les scientifiques, parmi lesquels Christophe Lamy, chargé d'enseignement en anatomie à la Faculté de médecine de l'UNIGE, ont mis en évidence que les astrocytes peuvent détecter la présence de l’ocytocine.

L'oxytocine, un petit peptide de 9 acides aminés, a fait déjà couler beaucoup d’encre pour ses fonctions dans la régulation des émotions. Jusqu’alors, les scientifiques pensaient que les effets de l’ocytocine étaient uniquement médiés par son action directe sur les neurones. En étudiant son effet au sein de l’amygdale, une structure du système limbique, Wahis et al. ont découverts que l’ocytocine stimule une sous-population spécifique d’astrocytes, qui sécrète ensuite un messager augmentant l’activité des neurones, provoquant ainsi une diminution de l’anxiété et une sensation de bien-être chez le rongeur.

En plus d’identifier un nouvel acteur dans la signalisation de l’ocytocine au sein du cerveau, cette découverte étaye la théorie selon laquelle les neurones et les astrocytes seraient des canaux de communication complémentaires : les influx électriques portés par les neurones sont rapides et localisés tandis que les signaux astrocytaires sont longs et diffus, expliquant ce sentiment persistant de bien-être induit par l’ocytocine.

11 févr. 2021

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