NCCR-Synapsy

The Synaptic Bases of Mental Diseases

Les interactions sociales détournent le système établi de la motivation

Une étude de Synapsy démontre que la première étape nécessaire à la mise en place d’une interaction sociale, l’orientation vers autrui, emprunte une voie neuronale hors du système de la motivation connu jusqu’ici pour être au cœur des comportements sociaux.

Les interactions sociales sont régulées par des circuits neuronaux du système de la motivation. Ces circuits dits « de la récompense » impliquent l’aire tegmentale ventrale du cerveau et ses neurones dopaminergiques. Cependant, les zones cérébrales qui transmettent des informations sur les interactions sociales à l’aire tegmentale ventrale sont encore peu connues. En étudiant la première rencontre entre deux souris mâles, une équipe de recherche de l’UNIGE et du Pôle de recherche national Synapsy a pu identifier deux voies neuronales distinctes. La première, provenant du Colliculus supérieur, montre une élévation de l’activité neuronale lorsque les souris s’orientent l’une vers l’autre. La seconde, en provenance du cortex préfrontal médian, s’active après le début du contact entre les deux rongeurs. Les deux voies sont importantes pour l’initiation et le maintien de l’interaction. Les résultats, à découvrir dans la revue Nature Communication, montrent que deux sous-circuits distincts contrôlent différents aspects du comportement social et bousculent les schémas neuroanatomiques connus. Une découverte d’intérêt pour la compréhension des troubles mentaux impliquant des déficits sociaux, notamment l’autisme.

Contact

Camilla Bellone

Professeure associée
Département des neurosciences fondamentales

Faculté de médecine
+41 22 379 54 33
Camilla.Bellone@unige.ch

 

DOI

https://doi.org/10.1038/s41467-022-28512-4

Une étude de Synapsy démontre que la première étape nécessaire à la mise en place d’une interaction sociale, l’orientation vers autrui, emprunte une voie neuronale hors du système de la motivation connu jusqu’ici pour être au cœur des comportements sociaux.

Les interactions sociales sont régulées par des circuits neuronaux du système de la motivation. Ces circuits dits « de la récompense » impliquent l’aire tegmentale ventrale du cerveau et ses neurones dopaminergiques. Cependant, les zones cérébrales qui transmettent des informations sur les interactions sociales à l’aire tegmentale ventrale sont encore peu connues. En étudiant la première rencontre entre deux souris mâles, une équipe de recherche de l’UNIGE et du Pôle de recherche national Synapsy a pu identifier deux voies neuronales distinctes. La première, provenant du Colliculus supérieur, montre une élévation de l’activité neuronale lorsque les souris s’orientent l’une vers l’autre. La seconde, en provenance du cortex préfrontal médian, s’active après le début du contact entre les deux rongeurs. Les deux voies sont importantes pour l’initiation et le maintien de l’interaction. Les résultats, à découvrir dans la revue Nature Communication, montrent que deux sous-circuits distincts contrôlent différents aspects du comportement social et bousculent les schémas neuroanatomiques connus. Une découverte d’intérêt pour la compréhension des troubles mentaux impliquant des déficits sociaux, notamment l’autisme.

Qu’elles soient agressives, pacifistes ou constructives, les interactions entre deux individus qui ne se connaissent pas nécessitent plusieurs étapes. La première consiste simplement à repérer l’individu et à se tourner vers lui. Le contact est ensuite recherché pour finir par le maintien d’une interaction sociale. Ces étapes dépendent du système de la récompense, prenant naissance dans l’aire cérébrale tegmentale ventrale (VTA). Elles impliquent les neurones dopaminergiques, largement reconnus comme les neurones « sociaux » du cerveau. Les troubles mentaux caractérisés par une difficulté à interagir socialement, comme les troubles du spectre de l’autisme, pourraient impliquer un dysfonctionnement de ces systèmes neuronaux. Pour mieux les cerner, l’équipe de Camilla Bellone, Professeure en neurosciences à l’Université de Genève (UNIGE), a mené une étude visant à définir les voies neuronales entrantes et sortantes du VTA, lors des différentes étapes de l’interaction sociale.

Une étude nourrie par la clinique

« Nous échanges avec les chercheurs et chercheuses du pôle de recherche national Synapsy impliqués dans des recherches cliniques nous ont permis de démarrer cette étude réalisée sur la souris en nous basant sur des faits concrets observés chez l’humain. Les travaux de Marie Schaer, chercheuse à l’UNIGE, montrent que les personnes avec des traits autistiques ont l’incapacité de s’orienter vers autrui », précise Camilla Bellone. Une des trois étapes requises pour mettre en place une interaction sociale n’est donc pas remplie. « Peut-être parce que les neurones dopaminergiques de l’aire tegmentale ne reçoivent pas correctement l’information? », s’est interrogée Clément Solie, coauteur de l’étude et postdoctorant à l’université de Genève au démarrage de cette étude. Mais, avant de connaître les dysfonctionnements cérébraux, encore faut-il en connaître les mécanismes de base. En l’occurrence, quelles sont les voies neuronales concernées?

Deux voies distinctes

L’équipe de recherche fondamentale s’est lancée dans l’identification des neurones actifs lors d’une interaction sociale, grâce à des souris. « D’abord, nous avons placé une souris dans une arène en mesurant son activité cérébrale et en lui laissant juste la possibilité de regarder à gauche ou à droite lorsqu’une seconde souris était introduite », indique Alessandro Contestabile, doctorant à l’UNIGE et coauteur de l’étude. Une voie neuronale multisensorielle, connue pour être impliquée dans la vision et l’audition et dont l’implication dans les comportements sociaux était inconnue jusqu’ici, a d’abord été identifiée par les chercheurs et les chercheuses. « Elle provient du Colliculus et ses neurones dopaminergiques s’activent quand la souris s’oriente pour chercher l’autre souris », poursuit-il. Ensuite, en interférant avec l’activité des neurones de cette voie, les neuroscientifiques ont été capables d’empêcher la souris de s’orienter, donc d’initier l’interaction.

En affinant leur analyse, les scientifiques ont ensuite placé les souris dans une arène favorisant les interactions sociales, sans restriction de mouvement, et ont confirmé leurs observations premières. « Il existe donc une voie neuronale dopaminergique jusqu’ici inconnue dans ce contexte et importante pour l’orientation lors d’interactions sociales », se réjouit Camilla Bellone. Une autre voie neuronale a en outre été identifiée, elle semble jouer un rôle crucial lorsque les souris initient et maintiennent le premier contact social typique de l’espèce : le nez à nez.

Une application pour l’autisme?

Ainsi, deux circuits distincts sur le plan anatomique, dont l’un ne correspondant pas aux voies traditionnellement connues pour être impliquées dans le comportement social, ont des implications spécifiques et distinctes dans différentes étapes des interactions entre individus. Le laboratoire de Camilla Bellone va désormais s’intéresser à savoir si des modèles animaux de l’autisme, à savoir des souris modifiées génétiquement avec un des gènes connus de l’autisme, ont des altérations dans les voies neuronales identifiées pouvant expliquer leurs troubles sociaux. « Nous aurions alors des pistes concrètes pour, à long terme, cibler des traitements ou affiner des diagnostics », se réjouit la chercheuse.

Légende : Lors d’une interaction sociale, les souris n’activent pas exclusivement les voies cérébrales du système de la motivation, connu jusqu’ici pour être l’unique récipiendaire des comportements sociaux. ©Bellone/UNIGE

Contact

Camilla Bellone

Professeure associée
Département des neurosciences fondamentales

Faculté de médecine
+41 22 379 54 33
Camilla.Bellone@unige.ch

 

DOI

https://doi.org/10.1038/s41467-022-28512-4

Want to share this news ?