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Stimuler le système immunitaire grâce à des «éponges» de silice

Des nanoparticules de silice développées par une équipe de l’UNIGE et de l’Université Ludwig-Maximilian de Munich parviennent à augmenter significativement l’efficacité et la précision des immunothérapies.


© UNIGE, Carole Bourquin. Image au microscope confocal de cellules immunitaires (en rouge). En vert, des nanoparticules de silice. Les nanoparticules, une fois absorbées par les cellules immunitaires, apparaissent en jaune.

De plus en plus utilisées pour lutter contre le cancer, les immunothérapies visent à stimuler le système immunitaire pour qu’il se défende en détruisant les cellules tumorales. Si ces traitements s’avèrent souvent efficaces, leur impact important sur l’organisme peut générer des effets secondaires difficiles à supporter. Afin d’augmenter leur précision et d’en limiter les effets secondaires indésirables, une équipe de l’Université de Genève (UNIGE) et de l’Université Ludwig-Maximilian de Munich (LMU) a mis au point des nanoparticules de silice qui, équipées d’un dispositif d’ouverture très précis, transportent le médicament dont elles ont la charge exactement là où il doit agir. De plus, au-delà des traitements contre le cancer, ces véhicules microscopiques pourraient en principe être utilisés pour délivrer d’autres médicaments au cœur même de notre système immunitaire, ouvrant la voie à des stratégies thérapeutiques ou préventives entièrement nouvelles. Des résultats à découvrir dans la revue ACS Nano.

En médecine, les nanoparticules servent à encapsuler un médicament afin de le protéger : leur nanotaille leur permet d’être avalées par les cellules dendritiques, qui constituent la première ligne de défense de l’organisme. «Les cellules dendritiques ont en effet pour fonction de phagocyter les éléments étrangers pour les amener dans les ganglions lymphatiques et déclencher la réponse immunitaire», explique Carole Bourquin, professeure aux Facultés de médecine et des sciences de l’UNIGE, qui a dirigé ces travaux. «Nous profitons de ce mécanisme pour faire transporter par ces cellules un médicament inséré dans des nanoparticules, qui parvient ainsi directement dans les ganglions lymphatiques, où l’on désire initier la réponse immunitaire.»  

La silice, un matériau aux propriétés multiples

Si des nanoparticules sont déjà utilisées dans certains traitements — l’exemple le plus récent étant les vaccins à ARN messager contre la Covid-19 — le système est encore perfectible. «Les nanoparticules médicales sont en général composées de polymères ou de lipides», indique Julia Wagner, chercheuse dans le laboratoire de la professeure Bourquin et première auteure de ces travaux. «Or, la solubilité de la substance qui doit être transportée peut s’avérer incompatible avec les caractéristiques propres des nanoparticules. Impossible, dans ces cas-là, de charger les particules avec le médicament.»

Les scientifiques se sont alors tournés vers la silice, un minéral naturellement présent dans l’environnement. «Les nanoparticules de silice se présentent comme de petites éponges dont les cavités peuvent être facilement remplies, et dont les propriétés peuvent être modifiées pour mieux s’adapter à celles du produit», explique Julia Wagner. «Le médicament anti-tumoral que nous avons utilisé avait déjà été testé avec d’autres particules, mais il s’en échappait trop rapidement.»

Un couvercle qui ne s’ouvre qu’au bon endroit

Afin d’améliorer encore les performances de leurs particules, l’équipe de recherche a ajouté une sorte de couvercle qui, en fermant les cavités chargées de médicament, évite que celui-ci ne s’échappe au cours du transport. «Le couvercle réagit en fonction du pH de son environnement: quand les particules sont en circulation dans le sang, dont le pH — autour de 7,40 — est faiblement basique, le couvercle reste fermement en place. Mais, une fois avalées par les cellules dendritiques, les particules se trouvent dans des vésicules à l’intérieur de la cellule dont le pH est lui acide. Et là, le couvercle se descelle et le médicament peut se répandre», rapporte Carole Bourquin.

Cette prouesse technique assure la haute précision du traitement: l’étanchéité permet à la fois de conserver l’intégrité du médicament, et donc sa durée d’action, et d’éviter qu’il se répande dans l’organisme, diminuant les effets secondaires indésirables. De plus,  certains médicaments stimulent le système immunitaire de manière extrêmement forte, mais disparaissent en quelques heures, appelant à l’administration répétée de fortes doses. «Avec nos nanoparticules, le médicament peut faire effet jusqu’à six fois plus longtemps, ce qui permet d’envisager l’administration de doses plus faibles et plus facilement supportables», indiquent les auteur-es, qui apportent la preuve de principe du mécanisme de ces nanoparticules qui pourraient être utilisées contre le cancer, mais aussi contre d’autres maladies, ou dans le cadre de vaccins préventifs ou thérapeutiques lorsqu’il s’agit de stimuler le système immunitaire. «Nos travaux vont maintenant se poursuivre afin de confirmer ces premiers résultats, et d’en reproduire la validité avec une plus large gamme de médicaments anti-tumoraux.»

22 avr. 2021

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