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Un gène à l’origine de graves malformations du visage identifié

Une équipe de l’UNIGE et de l’Université Beihang révèle que le gène FOXI3, responsable du développement de l’oreille, est impliqué dans le syndrome de Goldenhar.

Pour déterminer le rôle de FOXI3, les scientifiques ont analysé les profils génétiques de plus de 670 patient-es. © AdobeStock


Le syndrome de Goldenhar est une maladie congénitale rare, qui apparaît à un stade précoce du développement fœtal. Il est responsable de malformations de gravité variable, touchant différentes parties du visage. Ses causes et modes de transmission sont encore mal connus. Une équipe de l’Université de Genève (UNIGE) et de l’Université Beihang, en Chine, a découvert que des variantes pathogènes du gène FOXI3 – responsable du développement de l’oreille – sont des facteurs déclenchants. Les scientifiques sont également parvenu-es à identifier les modes de transmission de la maladie, lorsque ce gène précis est impliqué. Ces résultats sont à découvrir dans Nature Communications.


Décrit pour la première fois en 1952 à l’Université de Genève (UNIGE), par l’ophtalmologue Maurice Goldenhar (1924-2001), le syndrome de Goldenhar ou dysplasie oculo-auriculo-vertébrale est une maladie développementale rare caractérisée par une asymétrie faciale, des malformations de l’appareil auditif et oculaire, et des anomalies de la colonne vertébrale, parfois associées à un retard mental. D’expression et de gravité très variables selon les individus, il affecterait une naissance sur 3500 à 5600 environ.


Ce syndrome survient en raison de mutations qui apparaissent au cours du développement fœtal. Ces mutations apparaissent-elle de manière spontanée ou y-a-t-il une forme héréditaire de la maladie? Le mode de transmission comme les mécanismes moléculaires impliqués sont encore mal connus. Grâce à de récents travaux, une équipe conjointe de l’UNIGE et de l’Université Beihang, en Chine, apporte de nouveaux éléments pour la compréhension du syndrome. Elle a identifié un gène - FOXI3 – dont les variants pathogènes sont impliqués dans l’une des formes de la maladie.


Un gène qui construit l’oreille

«À l’origine, FOXI3 est responsable du développement de l’oreille. C’est un gène architecte: il produit une protéine qui joue le rôle de facteur de transcription. En d’autres termes, il contrôle l’expression d’autres gènes pour démarrer la construction de l’oreille», explique Stylianos Antonarakis, professeur honoraire de la Faculté de médecine de l’UNIGE et co-dernier auteur de cette étude financée par la fondation ChildCare à Genève.


Pour déterminer le rôle de FOXI3, les scientifiques sont parti-es des profils génétiques d’une famille pakistanaise fortement consanguine, impliquée dans un projet plus large de recherche sur les maladies rares. Au sein de cette famille, deux frères sont atteints du syndrome mais pas leurs parents, ni les quatre autres membres de la fratrie. Les deux patients présentent des mutations pathogènes dans les deux copies du gène FOXI3, alors que plusieurs autres membres de cette famille, qui ne souffrent pas du syndrome de Goldenhar, présentent une mutation dans une seule copie du gène.


«Cette première analyse nous a permis de confirmer qu’avec FOXI3 l’anomalie doit toucher les deux exemplaires du gène, chacun hérité d’un parent, pour qu’une forme de la maladie se développe», explique Stylianos Antonarakis. On parle alors de transmission autosomique récessive.


À l’origine d’une forme de la maladie

Pour découvrir si les variants pathogènes de FOXI3 et leur mode de transmission autosomique récessif sont systématiquement impliqués, les chercheurs/euses ont également analysé les profils génétiques de 670 patient-es en Europe et en Chine, sans liens de parenté. «Dix-huit variants pathogènes dans le gène FOXI3 ont été identifiés chez vingt-et-un-e patient-es. FOXI3 est donc seulement l’un des gènes pouvant provoquer la maladie, qui plus est la forme spécifique observée chez nos patients pakistanais», explique Ke Mao, chercheuse à l’Université Beihang et co-première auteure de l’étude avec Christelle Borel, collaboratrice scientifique au Département de médecine génétique et développement de la Faculté de médecine de l’UNIGE, et Dr Muhammad Ansar, maître-assistant au sein de ce même département et responsable du groupe de recherche «Eye Genetics» à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin.


Une autre découverte a déconcerté les chercheurs/euses: le mode de transmission de la maladie peut, dans certains cas, être également autosomique dominant. Il suffit alors qu’une seule des deux copies du gène soit porteuse de la mutation pour qu’elle apparaisse. Plus précisément, en étudiant attentivement le génome autour du gène FOXI3, les scientifiques ont observé qu’il existe une variante fonctionnelle et fréquente, mais spécifique, d’une copie du gène FOXI3 qui, en combinaison avec une mutation sévère dans l’autre copie du gène FOXI3, provoque aussi le trouble.


«Nous avons également créé des modèles de souris présentant des mutations du gène FOXI3 afin de valider les résultats obtenus dans les familles humaines. Ces souris présentaient des malformations faciales équivalentes aux caractéristiques humaines», ajoute le professeur Yong-Biao Zhang de l’Université Beihang, co-dernier auteur de l’étude.


Ces résultats apportent des éléments cruciaux pour la compréhension de ce syndrome et expliqueraient en partie la très grande hétérogénéité des formes de la maladie. Ils ouvrent également la voie à l’étude d’autres gènes qui pourraient être impliqués dans la maladie, mais aussi dans le développement sain de certaines parties du visage, dont les nombreux mécanismes restent encore à découvrir.

4 mai 2023

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