Media

Une méthode douce pour percer les mystères du cerveau profond

Des chercheurs de l’UNIGE ont pu prouver que l’électroencéphalogramme permettait d’étudier avec précision l’activité des zones profondes du cerveau. La voie vers la compréhension de leur fonctionnement et de traitements idoines est ouverte.

© UNIGE. L’électroencéphalogramme enregistre d’une façon non-invasive l’activité électrique du cerveau grâce à 256 électrodes placés sur le cuir chevelu. A l’aide d’algorithmes mathématiques combinés à l’imagerie anatomique, on arrive à voir ce qui se passe au plus profond de notre cerveau, sans que l’on ait besoin d’y entrer directement.

Les zones sous-corticales du cerveau, situées dans sa partie la plus profonde, sont encore un mystère. Les scientifiques connaissent leur rôle crucial dans l’activité motrice, émotionnelle et associative, tout en ignorant leur fonctionnement. Plusieurs maladies graves y sont directement associées, comme Parkinson, le syndrome de Gilles de la Tourette ou les troubles obsessionnels compulsifs (TOC). Aujourd’hui, les traitements existants pour réguler et mesurer l’activité des zones sous-corticales sont très invasifs et fonctionnent parfois sans que l’on sache vraiment comment. Des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) et de l’Université de Cologne (Allemagne) se sont alors demandés si une méthode externe non invasive, l’électroencéphalogramme (EEG), couplée à des algorithmes mathématiques, permettrait de mesurer cette activité cérébrale de l’extérieur. Pour la première fois, ils ont prouvé que cette technique d’approche est aussi efficace que l’implantation d’électrodes dans le cerveau. Ces résultats, à lire dans la revue Nature Communications, ouvrent la voie à de nouvelles applications cliniques de précision.

Les zones sous-corticales du cerveau, situées dans sa partie la plus profonde, sont très difficiles à étudier et à approcher. Aujourd’hui, on sait que ces zones, constituées notamment du thalamus et du nucleus accumbens, communiquent entre elles et avec le cortex pour contrôler l’activation motrice, émotionnelle et associative (la pensée supérieure), via des oscillations électriques. «Un dysfonctionnement de cette communication provoque chez l’homme de très graves maladies, comme le syndrome de Gilles de la Tourette et des TOC qui débutent en général à l’adolescence, lorsque le cerveau termine son développement, ou encore la maladie de Parkinson», explique Christoph Michel, professeur au Département des neurosciences fondamentales de la Faculté de médecine de l’UNIGE.

Très invasifs, les traitements actuels contre ces maladies sont basés sur la stimulation cérébrale profonde, soit l’implantation d’électrodes au coeur du cerveau, stimulés électriquement par un stimulateur externe. «Cette technique a fait ses preuves pour Parkinson, mais elle ne fonctionne malheureusement pas aussi bien pour les TOC et le syndrome de Gilles de la Tourette», déplore Martin Seeber, chercheur au Département des neurosciences fondamentales de la Faculté de médecine de l’UNIGE et premier auteur de l’étude.

Un outil d’analyse non invasif fait ses preuves
Pour améliorer les traitements existants, il devient impératif de comprendre le fonctionnement de ces zones sous-corticales et leur mode de communication. Toutefois, ces maladies ne concernent que l’homme et ne peuvent être étudiées que sur des patients humains. L’implantation d’électrodes étant très invasive, il faut donc trouver une nouvelle méthode qui permettrait d’augmenter le nombre de sujets étudiés. «Nous avons naturellement pensé à l’électroencéphalogramme (EEG), qui enregistre l’activité électrique du cerveau grâce à 256 électrodes placés sur le scalp», continue Christoph Michel. Mais est-il réellement possible de mesurer l’activité cérébrale profonde depuis l’extérieur du crâne ?

Grâce à leur collaboration avec l’équipe de la professeure Veerle Visser-Vanderwalle, neurochirurgienne à l’Université de Cologne, les chercheurs de l’UNIGE ont pu mesurer et enregistrer l’activité électrique des zones sous-corticales de quatre patients atteints de TOC ou du syndrome de de Gilles de la Tourette, chez qui on a implanté des électrodes. En parallèle, ils ont muni ces mêmes patients d’un EEG et ont mesuré l’activité de ces mêmes zones depuis la surface. «Grâce aux algorithmes mathématiques que nous avons développés, nous savons comment interpréter exactement les données fournies par l’EEG et dire d’où provient l’activité cérébrale», détaille Martin Seeber. Verdict: les résultats sont parfaitement corrélés. «En arrivant aux mêmes résultats que ceux apportés par les implants, nous avons enfin prouvé que l’EEG de surface permet de voir ce qui se passe au plus profond de notre cerveau, sans que l’on ait besoin d’y entrer directement !», se réjouit Christoph Michel.

La voie vers de nouveaux traitements de précision est ouverte
«Maintenant que l’on sait que l’EEG permet une étude de précision des zones sous-corticales, on cherche à comprendre comment celles-ci communiquent entre elles et avec le cortex, dans l’idée de trouver les causes des maladies comme le syndrome de Gilles de la Tourette et les TOC», continue Martin Seeber. Les scientifiques souhaitent également utiliser cette méthode pour améliorer les traitements actuels, fondés sur la resynchronisation des neurones via un très léger choc électrique, et les appliquer à d’autres maladies comme l’obésité, l’addiction ou Alzheimer. «Enfin, nous espérons qu’à terme, nous pourrons stimuler les zones profondes du cerveau depuis la surface, grâce à un traitement électromagnétique, et nous passer définitivement des implants d’électrodes dans le cerveau !», s’enthousiasme Christoph Michel.

26 févr. 2019

Media