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Urgence humanitaire en Afghanistan

La prise de pouvoir des Taliban en Afghanistan et la reprise des combats armés qui l’accompagne sonnent le glas de l’accès aux soins pour une très grande partie de la population.  Dans un article à lire dans le Lancet, des spécialistes de la santé publique internationale, dont le Centre d’études humanitaires de l’UNIGE, de la University College de Londres et de l’Université St-George et de l’Université de Londres, lancent un appel à la communauté internationale afin d’éviter la catastrophe sanitaire et humanitaire qui se profile. En effet, en l'absence de soins de santé ou d'aide humanitaire d’urgence, les conséquences sanitaires du conflit et des déplacements de population, combinées à la pandémie de COVID-19, risquent d'être effroyables.

Photo credit: David Mark/Pixabay

En août 2021, les capitales provinciales afghanes, puis Kaboul, sont tombées aux mains des talibans. Les Afghanes et les Afghans qui ont lutté pour la santé et la justice dans leur pays en tant que fonctionnaires, professionnel-les de la santé, membres d’ONG, activistes, artistes ou journalistes sont à nouveau la cible de persécutions. Toutes et tous vont probablement redevenir la cible d’intimidations, de menaces et même d’emprisonnement ou d’exécution. De plus, l'avenir est incertain pour les ONG, en particulier pour celles qui défendent la santé et les droits des femmes et des populations marginalisées. Tous les efforts de ces dernières années pour renforcer le système de santé risquent d'être réduits à néant.

Près de 20 millions de personnes vont souffrir de la faim

Actuellement, la capacité à répondre aux besoins humanitaires est presque nulle.  Au vu de la situation sécuritaire qui conduit à l’évacuation de la majorité de personnel, les Nations Unies et les agences humanitaires ne sont plus en mesure de poursuivre la livraison de l'aide, notamment des fournitures médicales et de la nourriture. Les besoins sanitaires des personnes touchées par le conflit et le déplacement s'inscrivent également dans le contexte d'une crise de la faim due à la récente sécheresse en Afghanistan, avec 17 millions de personnes confrontées à l'insécurité alimentaire et 2 millions d'enfants risquant de souffrir de malnutrition.

Avec le gel des avoirs internationaux de l'Afghanistan, la situation financière du pays va se détériorer rapidement, les civils faisant les frais d'une pauvreté accrue.  Les gouvernements et les organisations internationales doivent apporter une réponse rapide et efficace aux besoins sanitaires et humanitaires urgents de la population afghane et de celle qui tente de quitter le pays.  Le commentaire présente d'autres points d'action clés pour empêcher l'aggravation de la crise sanitaire et humanitaire en Afghanistan.

L’inquiétude de la communauté académique

Le professeur Karl Blanchet, directeur du Centre d'études humanitaires de l'Université de Genève, exprime son inquiétude pour un pays qu’il connaît bien : « Nous, la communauté de santé publique et de recherche, avons une responsabilité de solidarité vis-à-vis de tous nos pairs afghans qui ont consacré leur vie à la santé de la population. Nous devons tout mettre en œuvre pour protéger nos collègues qui ne peuvent quitter Kaboul. »

Le Dr Mohammad Haqmal de l’Université de Londres, ajoute : « Il est essentiel de garantir un accès humanitaire durable et une augmentation de l'aide internationale, avec des voies d'approvisionnement sécurisées pour les agences humanitaires. Des itinéraires alternatifs pour l'acheminement de l'aide doivent être sécurisés immédiatement pour éviter une catastrophe humanitaire, et des mécanismes mis en place pour l'allocation de fonds directement aux agences humanitaires dans le pays. »

La Dre Ayesha Ahmad de l'Université St George de Londres souligne pour sa part : « Parmi les autres besoins urgents en matière de santé figurent ceux des enfants en Afghanistan. Le personnel des ONG luttent contre les mariages des enfants ou la violence sexiste a toujours continué à travailler malgré les menaces et la violence. Le travail de ces militantes et militants a permis de sauver des vies, et de donner une voix à celles qui sont encore généralement réduites au silence. Il est également essentiel de prendre en compte, dans nos réponses sanitaires, la santé mentale et les impacts traumatiques à long terme de l'exposition des enfants à la guerre et à la violence liée aux conflits. »

La Dre Miriam Orcutt, de l'Institut de santé mondiale de l'University College de Londres, conclut :  "Afin de répondre aux besoins des personnes déplacées, les gouvernements internationaux devraient immédiatement offrir un refuge à celles et ceux contraint-es de quitter l'Afghanistan, en garantissant des itinéraires sûrs et des visas humanitaires urgents, en mettant fin aux déportations vers l'Afghanistan et en ne criminalisant pas les personnes cherchant asile dans d’autres pays. Il faudra également, à plus long terme, mettre en œuvre des programmes de réinstallation.  Les organisations humanitaires et internationales doivent également accorder la priorité aux besoins des personnes déplacées à l'intérieur de l'Afghanistan. »

27 août 2021

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