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Cem Gabay prend les commandes de la Faculté

Le 15 juillet dernier, le professeur Cem Gabay a pris la succession du professeur Henri Bounameaux à la fonction de doyen de la Faculté de médecine. Nommé conjointement par le recteur de l’UNIGE, Yves Flückiger, sur proposition du Conseil participatif de la Faculté de médecine, et par le Conseil d’administration des HUG où il prend la fonction de directeur de l’enseignement et de la recherche, Cem Gabay exercera ce double mandat pour une durée de quatre ans. Premier aperçu des grandes orientations stratégiques qu’il souhaite donner à son mandat.

Tout d’abord, pourquoi avez-vous eu envie de devenir doyen de la Faculté de médecine?
Par enthousiasme pour la recherche et l’enseignement, certainement. Je suis certes clinicien et médecin-chef de service hospitalier, mais je ne me suis jamais éloigné de l’aspect académique de la médecine. Pour moi, la recherche rime avec curiosité et créativité! De plus, la chefferie de service m’a donné une responsabilité supplémentaire: celle de la relève. Ces deux éléments complémentaires m’ont incité à m’engager dans la vie facultaire. Après quelques années comme directeur du Département académique de médecine, j’ai décidé de passer à l’étape suivante en me présentant à la fonction de doyen.

Vous conservez la chefferie du service de rhumatologie?
Oui, en tout cas pour l’instant, car il me paraît important de conserver un lien avec la clinique. Je vais aussi conserver une activité de recherche, d’une part parce que je ne me vois pas abandonner les travaux qui me passionnent depuis des années, et d’autre part pour garder le contact avec la réalité du chercheur et du médecin. Cela ne manquera pas d’éclairer les décisions que je serai amené à prendre dans mes nouvelles fonctions.

Comment voyez-vous le futur de la Faculté? Quels sont les grands axes des actions que mènera votre décanat?
Je citerai en premier lieu le renforcement de la médecine académique. Cela passe par plusieurs actions visant à promouvoir la recherche dès le tout début des études médicales. Il s’agira par exemple de créer une mention spécifique de recherche au Master en médecine humaine pour celles et ceux de nos étudiants qui le souhaiteraient, dans la même idée que la mention en santé globale et médecine humanitaire qui existe déjà. Les étudiant-e-s qui choisiront cette mention pourront ensuite être mieux préparé-e-s à une éventuelle carrière académique. Par ailleurs, nous réfléchissons à la meilleure manière de renforcer la visibilité de la recherche pour tous les étudiant-e-s afin de souligner le rôle essentiel de celle-ci dans le domaine biomédical. Tout médecin qui sortira de notre Faculté sera ainsi conscient de l’importance de la recherche fondamentale comme clinique. Après leurs études, il est tout aussi important de continuer à soutenir nos jeunes collègues qui souhaitent mener une carrière académique. Cela passe par différents mécanismes de mentoring et d’encadrement, l’établissement d’un plan de carrière, ou encore par des mécanismes de soutien spécifiques. Les carrières médicales se construisent en effet dès le départ pour disposer ensuite de médecins-cadres de grande valeur. Ils seront, de même que les forces vives recrutées à l’extérieur, les garants de l’excellence de notre institution.

Au-delà de Genève, quelle est votre vision au niveau régional?
Du fait du bassin relativement petit de population, l’Université de Genève, comme celle de Lausanne, n’atteindra jamais la masse critique suffisante pour exceller dans tous les domaines de la médecine. Nous devons faire preuve d’ouverture et de pragmatisme pour promouvoir la complémentarité et la collaboration dans certains domaines de pointe. C’est d’ailleurs déjà le cas en médecine clinique au travers des Centre universitaires romands actifs dans de nombreux domaines spécialisés comme la médecine légale, la chirurgie cardiaque pédiatrique, la transplantation et bien d’autres. Il s’agit maintenant d’étendre ce concept en termes de recherche et d’enseignement. Renforcer la complémentarité régionale constituera sans doute l’un de mes gros chantiers, et l’on n’échappera sûrement pas à quelques réticences. Néanmoins, si cela nous permet d’avoir une expertise et une visibilité internationales, cela en vaut vraiment la peine. L’exemple de l’oncologie est parlant, avec la création l’année dernière du Swiss Canter Centre Léman (SCCL) qui réunit sous une bannière commune les cinq institutions publiques majeures de la région: l’UNIGE, l’UNIL, l’EPFL, les HUG et le CHUV. D’autres domaines pourraient s’inscrire dans une démarche similaire.

En parlant de réseaux d’excellence, les centres facultaires, axés sur la recherche translationnelle autour d’une thématique, ont été l’un des succès du précédent décanat. Voulez-vous poursuivre dans cette voie? Certaines thématiques se dégagent-elles déjà?
Les deux derniers prix Louis-Jeantet sont en la matière riches d’enseignement: tous deux ont récompensé des travaux alliant clinique et recherche fondamentale. Cela montre bien la nécessité et l’efficacité de telles synergies. L’avantage que nous avons en tant que Faculté de médecine, c’est justement la cohérence des thématiques biomédicales. Et ici à Genève nous avons la chance d’être sur un campus qui réunit des cliniciens, des chercheurs non cliniciens, des médecins-dentistes ou encore des spécialistes des sciences pharmaceutiques. Les possibilités d’interactions sont immenses, tant en recherche bien sûr, qu’en enseignement! Quant aux thématiques possibles, j’aimerais mentionner l’immunologie, pour laquelle j’avoue peut-être un certain biais car le sujet est au cœur de mes travaux! L’immunologie est en effet un domaine présentant de très nombreuses facettes: l’immunologie des réponses hôtes pathogènes, qui est déjà une thématique bien structurée dans notre faculté, ou encore l’autoimmunité de l’inflammation, qui touche de nombreuses spécialités. Nous avons de réelles compétences en la matière, à Genève surtout, mais aussi dans tout le bassin lémanique.

La recherche nécessite d’importants financements. Ces dernières années, des partenariats public-privé ont vu le jour et ont marqué l’engagement fort de fondations de la place. Un effort à poursuivre?
L’un des grands avantages des centres thématiques est leur visibilité externe plus importante. Cela permet d’attirer des financements plus larges, soit au travers de fondations, auprès de partenaires industriels. La réflexion autour des développements industriels de la recherche a en effet pris de l’importance ces dernières années. Cela s’est notamment traduit par la création de l’Accélérateur translationnel et l’ouverture d’un nouveau cursus en sciences biomédicales dont les premiers étudiants obtiendront leur bachelor en 2020. Ces innovations sont importantes: nous n’évoluons en effet pas en vase clos et les découvertes que nous faisons ne seront utiles que si nos patients y ont accès. Et cela passe la plupart du temps par le développement d’applications cliniques qui ne sont possibles qu’au travers de partenariats industriels.

Autre axe stratégique essentiel: la médecine de premier recours…
Effectivement, la médecine de premier recours reste l’une des priorités de notre Faculté et il est évident qu’une proportion importante de nos étudiante-s doit se diriger vers elle pour répondre aux besoins de la société. Il faudra ainsi continuer à stimuler l’intérêt pour cette spécialité tout au long des études de médecine, en évaluant le succès des mesures déjà mises en place. Par ailleurs, les candidat-e-s intéresse-é-s doivent avoir accès à un cursus post-gradué bien établi. Aujourd’hui en effet, la plupart des médecins se forment essentiellement en milieu hospitalier auprès de patients couchés. Or, la plupart de leur travail en cabinet se fera auprès de patients debout, dont la prise en charge diffère considérablement. La formation doit refléter la variété des prises en charge, dans des centres universitaires, dans des centres périphériques et en cabinet de ville. De plus, les médecins de ville doivent participer à la recherche et à l’évolution de la médecine. Le futur Centre de médecine de famille conjoint aux HUG et à la Faculté de médecine, qui deviendra une réalité dans ces prochains mois, sera au cœur de ces actions.

Parlons maintenant du personnel administratif et technique (PAT) qui constitue une part importante du personnel de la Faculté...
Le PAT est de fait un ensemble très hétérogène, qu’il faut pouvoir écouter dans toute sa diversité. De manière générale, j’aimerais promouvoir la formation continue, pour d’une part renforcer l’enthousiasme, et d’autre part maintenir un haut niveau technique, notamment parmi le personnel rattaché aux plateformes. Autre axe important, pour le personnel administratif: le télétravail. L’UNIGE mène actuellement un projet pilote auquel je souscris, dans la limites des possibilités pratiques! Le télétravail peut en effet être bénéfique tant aux employés qu’à l’employeur, en termes d’efficacité et de motivation.

Vous êtes nommé directeur de l’enseignement et de la recherche aux HUG, une fonction conjointe à celle de doyen. Pour vous, qu’est-ce que cela signifie?
Les HUG sont notre partenaire naturel, nous sommes indissociables à tous niveaux – en enseignement pré- et post-gradué, en recherche ou encore dans de très nombreuses activités tournées vers la Cité. Le doyen est le garant académique aux HUG, mais aussi le garant de l’engagement des cadres hospitalo-universitaires, qui jouent un rôle très important tant pour la recherche que pour la relève et l’enseignement. Ce sont des choix stratégiques pour l’avenir.

Voyez-vous par ailleurs des liens à développer auprès des cliniques privées, un autre acteur majeur de la santé à Genève?
Des liens existent déjà, comme le montre la récente nomination de professeurs titulaires de l’Hôpital de la Tour. En effet, il n’y a mécaniquement pas assez de places de stages aux HUG et il faut développer des liens tant en milieu privé que dans des hôpitaux périphériques. Il s’agit aussi d’une autre façon d’exercer la médecine, qui peut être très formatrice. La recherche clinique pourrait aussi bénéficier de liens plus forts avec le privé. En effet, le bassin de recrutement est d’autant plus limité à Genève par le fractionnement des patients entre le privé et le public: étendre certaines recherches à cette population pourrait être riche d’enseignement.

Le mot de la fin?
J’aimerais, en tant que doyen, avoir le temps de lancer des projets, établir des synergies et des stratégies sans me noyer dans le quotidien. La charge est lourde, mais passionnante, et je me réjouis de contribuer à ma manière au futur de la Faculté!