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Le Centre facultaire du diabète fête ses quatre ans

En octobre 2015, la Faculté de médecine de l’UNIGE lançait son Centre du diabète, un mécanisme novateur visant à renforcer la recherche translationnelle autour d’une thématique commune. Après 4 ans d’activités, où en est-il? Aperçu de ses succès et de ses objectifs avec les coordinateurs du Centre, les professeurs Roberto Coppari (Département de physiologie cellulaire et métabolisme) et Valérie Schwitzgebel (Département de pédiatrie, gynécologie et obstétrique et responsable de l’Unité d’endocrinologie et de diabétologie pédiatriques des HUG).

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En 2015, vous prenez la tête d’un tout nouveau Centre du diabète, une innovation pour la Faculté. Quelle en était l’idée?
Roberto Coppari:
Quand je suis arrivé ici il y a quelques années, médecine clinique et fondamentale travaillaient de manière relativement séparée. Mais l’impulsion vers la médecine translationnelle était là, et nous avons saisi cette occasion pour créer un réseau, au départ très informel, dont l’objectif était de réunir l’ensemble de l’éventail des compétences autour d’une thématique commune, du chercheur le plus fondamental aux cliniciens traitant des différents aspects de la prise en charge de la maladie pour améliorer l’enseignement et la recherche autour du diabète. Ce Centre met ainsi l’accent sur l’importance des réseaux entre spécialistes afin de complémenter les expertises et de favoriser l’émergence d’idées nouvelles au travers de la confrontation des idées.

Valérie Schwitzgebel:
Et d’ailleurs cette synergie se traduit aussi par le fait que le Centre est dirigé par un chercheur en sciences fondamentale – Roberto, et une clinicienne-chercheuse – moi-même. Aujourd’hui, nous comptons 19 groupes de recherche, ce qui est à la fois beaucoup et peu. Le Centre permet d'aborder le sujet par des approches, des spécialités et des points de vue très différents pour atteindre un objectif commun.

Quels en sont les axes principaux?
RC: Tant de choses se passent qu’il est difficile de les résumer en quelques mots.Le fil conducteur est de s’attaquer au diabète au travers d’une constellation de domaines. Certains chercheurs ayant rejoint récemment le Centre y ont amené leur sujet d’étude – la santé mondiale, par exemple. Pour d’autres, le diabète n’est pas à proprement parler au cœur de leurs travaux, mais ils contribuent à nos recherches grâce à une expertise très originale, comme Emmanouil Dermitzakis sur les analyses multi-omiques du risque individuel, ou encore Francesco Negro, spécialiste des virus hépatiques. La forme volontairement évolutive du Centre permet ainsi d’accueillir des compétences très diverses, qui peuvent varier au fil des collaborations, des découvertes ou des financements.

En termes de visibilité et de collecte de fonds, cela aide-t-il?
RC: Bien sûr! Un centre qui fonctionne sur un sujet bien défini assure une visibilité et une attractivité supplémentaire, y compris en termes de financement. Nous commençons aussi à avoir une reconnaissance internationale auprès de nos pairs: preuve en est, l’organisation d’un symposium important en 2018, où nous avons invité les plus grands noms du domaine. De tels événements nous permet aussi de faire connaître nos équipes; l’une de nos anciennes doctorantes effectue ainsi un séjour postdoctoral aux Etats-Unis grâce au réseautage que permet un tel symposium. Il s’agit aussi d’une reconnaissance de la qualité de l'enseignement et de la recherche réalisés ici.

VS: L’excellence de nos membres est de plus en plus reconnue, comme le démontrent les nombreux prix reçus récemment, notamment par Roberto Coppari, par David Beran, par Charna Dibner, ou encore par Anne-Claude Gavin, qui a rejoint la Faculté et le Centre depuis quelques mois seulement comme professeure Louis-Jeantet.

Les chercheurs sont éparpillés sur tout le campus de la Faculté et des HUG. Comment parvenez-vous à créer ce sentiment d'appartenance?
VS: Au travers notamment de nos séminaires mensuels, qui nous donnent l’opportunité de se voir tous régulièrement. De plus, un nouveau budget supplémentaire nous permet d’inviter des orateurs externes et enrichir ainsi nos débats. Nous travaillons également à «recruter» plus de cliniciens pour encore renforcer ce pôle de recherche.

RC: Notre action est donc double: attirer des fonds grâce à une thématique clairement identifiable et interagir davantage avec les cliniciens. Sur ce dernier point, les résultats de recherches communes constituent des premiers résultats tangibles.

VS: Aujourd'hui, l'un des objectifs est aussi de donner de l'espoir aux patients. Nos travaux sur la prévention, le diagnostic précoce ou encore de nouvelles interventions sont passionnants et nous voulons aussi leur montrer ce qui se passe.

 Le nombre de diabétiques ne diminue pas, et pour autant, cela reste une maladie assez mal comprise …
VS: Effectivement, le diabète, qui touche plus de 400 millions de personnes dans le monde, soit 9% des adultes selon les derniers chiffres de l’OMS, constitue encore et toujours un problème majeur de santé publique. Et la Suisse n’est pas en reste avec près de 500 000 personnes concernées. Si on parle communément du diabète, il ne s’agit pas d’une seule et même maladie, mais plutôt d’un groupe de maladies métaboliques ayant pour caractéristique commune une hyperglycémie non régulée. Le diabète de type 1, par exemple, frappe dès l’enfance. Constituant environ 3.5% des cas à l’échelle mondiale, il est en augmentation nette. Pourquoi? Nous l’ignorons. Par contre, nous comprenons de mieux en mieux le diabète d’origine monogénique (en tout cas 1% de tous les cas de diabète), qui implique au moins une quarantaine de gènes.

RC: Nous ignorons même s’il s’agit réellement d’une maladie autoimmune, comme beaucoup le pensent. L’inflammation est certes présente, mais est-elle le facteur déclencheur ou une conséquence secondaire? De plus, l'hyperglycémie est à mon sens un symptôme de dérèglement métabolique, comme peut l’être la fièvre, dont les causes peuvent être multiples. L'hyperglycémie devrait donc être considérée comme un symptôme de diverses maladies plutôt que comme une maladie en soi, et nous devons donc viser à traiter la cause plutôt que simplement le symptôme.

VS: Et là nous sommes au centre de la médecine de précision: ne pas s'attaquer uniquement à l'hyperglycémie, mais comprendre pourquoi cette personne a un diabète, et traiter le dérèglement chez cette personne en particulier. En médecine, nous continuons à penser en termes d'organes et de maladies, mais le paradigme est en train de passer à une approche plus systémique, cherchant les causes chez chaque individu et un traitement adapté.

Qu'en est-il de la recherche clinique?
VS: Nous développons actuellement un MOOC, dirigé par notre nouveau membre Giaccomo Gastaldi, destiné à l'éducation des patients. Nous avons aussi fait des études d’impact pour notre application WebDia, développée avec l’aide du père d’une petite patiente afin d’aider les enfants à mieux gérer leur maladie et être acteurs de leur santé. Et ces nouvelles technologies sont très efficaces et très appréciées! De plus, nous venons de terminer une étude qui montre que 3.5% de jeunes diabétiques sont atteints de diabète d’origine monogénique, souvent faussement diagnostiqué comme diabète de type 1, et donc faussement traité avec de l’insuline. Notre étude montre qu’un grand pourcentage de jeunes répond bien aux antidiabétiques oraux, ce qui permet d’arrêter les injections d’insuline et améliore énormément la qualité de vie. Nous avons ainsi développé, avec Jean-Louis Blouin du Département de médecine génétique, un outil de diagnostic rapide du diabète monogénique.

RC: A propos de MOOCs, nous en développons également un pour les étudiants en médecine. L'éducation fait bien sûr aussi partie des missions du Centre.

Vous avez, il y a quelques semaines, organisé avec le Geneva Health Forum un symposium scientifique dont l’un des sujets concernait l’accès à l’insuline et le fardeau mondial de la maladie. Cette ouverture vers la santé globale constitue-t-elle un nouveau périmètre?
VS: En effet, surtout depuis l’arrivée de David Beran, du Département de santé et médecine communautaires et du Service de médecine tropicale et humanitaire des HUG. Nous sommes, de plus, à Genève, au cœur de l'écosystème mondial de la santé, ce qui facilite. la collaboration avec les instances internationales. Nous voulons être partie prenante d’une dynamique qui se met en place, comme le montre la récente prise de position de l’OMS pour promouvoir un accès facilité à l’insuline. Des dizaines de millions de personnes ont besoin d’injections d’insuline quotidiennes et nous, scientifiques et médecins, œuvrons à proposer des thérapies innovantes, plus faciles d’accès. Ce que nous faisons à Genève pourrait ainsi avoir un impact partout dans le monde.

Revenons en Romandie: de plus en plus de collaborations Vaud-Genève se créent, dans l’idée de mettre en commun les talents et les ressources pour atteindre une masse critique d’expertises de niveau international. Le Swiss Cancer Center – Léman a ainsi vu le jour l’année dernière. Qu'en est-il du diabète?
RC: De tels partenariats sont à mon sens indispensables, quel que soit le domaine considéré. Ce n’est qu’en joignant les forces de nos institutions que nous pourrons pleinement réaliser notre potentiel. Dans cette optique, nous explorons les possibilités de partenariat avec LIMNA (Lausanne Integrative Metabolism and Nutrition Alliance), une initiative de l’UNIL, de l’EPFL et du CHUV. Des partenariats ponctuels existent bien entendu entre les différents acteurs académiques et cliniques romands; il s’agit maintenant de formaliser nos liens pour créer une alliance encore plus forte.

Vos perspectives d’avenir?
VS: Un axe que j’aimerais développer concerne les patients: comment mieux communiquer, et comment mieux les inclure dans nos activités de recherche et d’information. Nous voulons construire avec eux un véritable partenariat.

RC: Par ailleurs, nous voulons encore renforcer la collaboration avec les médecins et les chercheurs. Avec l’avènement de la médecine de précision, nous aurons plus de moyens de cibler les traitements, mais il faut une interface entre la médecine fondamentale et la médecine clinique ainsi que, pourquoi pas, vers l’industrie. Et avec les patients, bien sûr, qui restent tout de même les premiers concernés.