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Une spin-off de l’UNIGE régénère les cartilages abîmés

Depuis bientôt deux ans, l’Accélérateur translationnel de la Faculté de médecine (ATFM), un partenariat entre la Faculté de médecine et la Fondation Inartis, construit des liens entre la recherche académique et le monde entrepreneurial. Mais comment, concrètement, l’ATFM agit-il auprès de ceux qui désirent se lancer dans l’aventure du développement industriel? Vannary Tieng, fondatrice de la startup Vanarix, l’une des premières bénéficiaires, et Vincent Wagner, qui suit le projet pour l’ATFM, livrent leurs éclairages.

Vanarix_titre.pngPasser de la recherche académique à l’application industrielle, un processus complexe?

Vannary Tieng: J’étais jusqu’à il y a peu chercheuse à la Faculté de médecine et aux HUG, où je travaillais sur les thérapies cellulaires; la création d’une startup marque ainsi une étape nouvelle dans ma carrière. Pour moi, la recherche translationnelle se conçoit surtout en bénéfices pour les patients et cela passe forcément par la concrétisation d’une innovation, dans mon cas la régénération du cartilage articulaire grâce à une thérapie cellulaire très novatrice.

L’une des principales difficultés est d’apporter la preuve de l’efficacité de l’innovation proposée par rapport à ce qui existe. Et pour cela, il faut pouvoir réunir des fonds importants, ce qui n’est pas toujours évident lorsque l’on ne connaît pas les codes du monde industriel, ni les personnes qui pourraient y donner accès. Les financeurs potentiels ne sont en effet pas des mécènes, mais bien des investisseurs. Le projet doit donc avoir une application concrète, et être suffisamment visible et séduisant. En outre, il faut être très investi et savoir motiver les gens, quoi qu’il arrive. Mon équipe compte pour l’instant trois personnes, nous sommes vraiment dans l’esprit startup!

Où en est Vanarix aujourd’hui?

VT: Les résultats précliniques ont dépassé toutes nos espérances, et les essais cliniques vont bientôt commencer. Avec notre brevet, déposé en août dernier, nous sommes les premiers à proposer une telle solution. La suite dépendra notamment des fonds qui pourront être levés. Le financement est assuré pour une étude clinique de phase 1 mais il faudra ensuite faire une étude clinique plus large pour convaincre de la supériorité de notre traitement – nous comptons ainsi entre 3 et 5 ans de travail avant la mise sur le marché. Nous sommes pour l’instant en avance sur nos concurrents, mais dans le domaine de l’innovation médicale il faut être rapide pour ne pas se faire souffler une bonne idée. Il faut ainsi savoir déléguer certaines tâches à des spécialistes – dans les domaines de la propriété intellectuelle ou de la production par exemple – pour se concentrer sur notre coeur de métier, la recherche scientifique.

Quel a été l’apport de l’ATFM?

VT: L’ ATFM m’a permis de tester la viabilité de mon projet, et m’a conseillé sur plusieurs points: quand déposer un brevet, à quels écueils juridiques faire attention, etc. L’ATFM m’a aussi ouvert son carnet d’adresses en me présentant à des personnes susceptibles de m’aider ou de me financer.

Vincent Wagner:Vannary a participé, en mars 2018, à la première «table-ronde» (il y a en a eu, depuis, plus de 40) réunissant des représentants des secteurs industriels, juridiques et financiers. Ce système d’accélération spécifique, mis en place par la Fondation Inartis, permet de tester une idée rapidement grâce à un panel d’experts ayant chacun son expérience propre. L’ATFM a soutenu Vannary dans l’affi-nage de son projet et continue de l’accompagner au quotidien: mise à disposition de son réseau de spécialistes pour conseiller sur la structuration, le développement et la future valorisation de sa société, espace de travail, conseils en matière juridique, assistance dans la recherche et location d’espaces de laboratoires ou encore mise en contact avec des investisseurs. La collaboration mutuelle s’est avérée très fructueuse!

Et pour l’ATFM, quelles sont les qualités qui indiquent un succès probable?

VW: Nous ne sommes pas là pour juger, mais pour aider au développement de projets. L’implication personnelle est néanmoins l’une des clés de la réussite et Vannary a su dès le début s’engager pleinement dans son aventure entrepreneuriale. D’un point de vue commercial, le positionnement choisi par Vannary est à la fois unique et prometteur. Si les études cliniques démontrent le potentiel, on sait qu’il y a un marché et que cela peut aider beaucoup de gens.

La valorisation industrielle est-elle le nouveau Graal ?
VW: A l’heure actuelle, la création de startups constitue en effet une bonne alternative à la carrière académique, où les places sont de plus en plus chères. Cependant, les parcours professionnels sont moins linéaires qu’autrefois, et les deux aspects ne sont pas antinomiques. On peut très bien passer par la création d’une startup et revenir, plus tard, à l’université. Plusieurs professeurs de la Faculté de médecine en ont d’ailleurs déjà fait l’expérience! J’aimerais aussi insister sur le fait que l’échec n’est pas négatif: même si la startup ne fonctionne pas, elle reste une expér-ience très enrichissante

VT: Le plus bloquant reste le financement, et c’est là que peut intervenir l’ATFM, grâce à ses réseaux et à sa connaissance à la fois du monde académique et de l’industrie.

Vannary, comment voyez-vous votre futur, en tant qu’entrepreneuse et chercheuse?

VT: Ma passion reste la recherche, et mon défi la régénération du cerveau. Si ma startup a le succès escompté, mon idée est de réinvestir les gains de deux manières. D’une part pour développer une médecine vraiment personnalisée au travers de thérapies cellulaires, et d’autre part agir à mon tour comme Business Angel auprès de jeunes chercheuses, en termes financiers mais aussi comme mentor. Les femmes dans la recherche ont, encore aujourd’hui, la vie plus dure que leurs collègues masculins et j’aimerais apporter ma pierre à un édifice plus égalitaire.

Vanarix: un nouveau cartilage en trois étapes

cartilage_web.pngLe cartilage articulaire permet de faire glisser les os l’un sur l’autre sans dommage. En son absence, les os frottent et la douleur apparaît. Les lésions du cartilage articulaire sont très courantes mais difficiles à soigner et peuvent évoluer rapidement en une ostéoarthrose douloureuse et invalidante. Pour pallier ce problème, Vanarix vise à recréer en laboratoire un cartilage de remplacement en utilisant les cellules du patient pour sécréter un cartilage quasiment identique à l’original et sans risque de rejet.

Habituellement, pour amplifier les cellules, il faut leur faire perdre leurs caractéristiques d’origine pour revenir à un état de quasi cellule souches. Elles se renouvellent ainsi facilement, mais ne sont plus capables de se remettre à fabriquer du cartilage. Le processus unique breveté par Vanarix se déroule en trois temps – déspécialisation – multiplication des cellules à volonté – respécialisation et repousse du cartilage. Grâce à cette technique unique au monde, une infime quantité de cartilage – de l’ordre de 30 mg – suffit à reconstituer le cartilage des deux genoux. L'opportunité de marché en Europe est évaluée à un milliard d'euros et dix milliards dans le monde.

Ce premier pas constitue en outre une preuve de principe industrielle de la thérapie cellulaire. La technique d’ingénierie tissulaire proposée par Vanarix pourrait ensuite s’appliquer à de nombreux tissus, dans l’esprit d’une véritable médecine régénérative.