RECHERCHE

Possession européenne

Groupe d’étude et séminaire Convulsionnaires.

Coordination : Andrea CARLINO (historien, iEH2)

Membres du groupe : Francesca Arena (historienne, iEH2 et MdH), Vincent Barras (historien, ihm CHUV-UniL), Andrea Baldassarro (psychanalyste, Rome), Caroline Bernard (chercheuse et artiste, ENSP Arles et CEPV Vevey), Philippe Borgeaud (historien de religions, UniGE- Lettres), Anaïs Bourgeat (historienne, iEH2), Léonard Dolivo (Médecin, Lausanne), Camille Jaccard (historienne, ihm CHUV-UniL), Dominique Jaillard (historien de religions, UniGE-Lettres), Serge Margel (philosophe, iEH2-UniGe et UniNE), Ruth Marshall (journaliste, UNHCH), Stephen Perrig (neurologue, Clinique du Sommeil HUG), Philip Rieder (historien, iEH2), Louis Schild (musicien, Lausanne), Federica Tamarozzi (anthropologue, MEG), Edoardo Pierini (historien, doctorant iEH2), Eva Yampolsky (historienne, iEH2-UniGe).

Pourquoi un groupe d’étude interdisciplinaire sur les convulsions et/ou les possessions ? Parce que  les convulsions sont le dénominateur commun d’une série de phénomènes diffus dans le continent européen sur une très longue durée et ont questionnés et défiés les cadres interprétatifs autant dans le domaine de la médicine, que de la religion et de l’anthropologie. Au cours des siècles et encore jusqu’aujourd’hui, les phénomènes convulsionnaires – individuels et collectifs – constituent un terrain de confrontation et de discussion ouvert qui mène à la frontière entre rationalité et irrationalité, entre volonté et automatisme, entre nature et culture, entre pathologie et falsification.

Ils sont indiqués par des étiquettes nosographiques différentes, qui apparaissent et disparaissent dans les textes médicaux et dans le langage commun. Pour en nommer quelques-uns : convulsionnaires de Saint Médard, hystérie, épilepsie, tarentisme, dance de St. Guy, hydrophobie, ensorcellement, possession démoniaque ou divine, extase mystique.

Plusieurs de ces catégories ainsi que les éléments qui ont amené́ à les construire partagent un air de famille (dans le sens indiqué par Ludwig Wittgenstein dans ses notes sur
le Rameau d’or de Frazer). En effet, plusieurs auteurs en médecine en ont proposé́ des rapprochements anatomiques, physiologiques, pathologiques ou plus généralement morphologiques : pour donner juste trois exemples, Thomas Willis met ensemble tarentisme, dancemania, rage et hydrophobie ; Robert Burton a essayé́ de comprendre l’ensemble des phénomènes mélancoliques y compris ceux avec des manifestations convulsives ; Paul Richer insère dans son traité sur la grande hystérie, un annexe de Hecker sur les chorées épidémiques aux Moyen-âge, y compris le tarentisme.

Objectif du groupe d’études et d’essayer de penser les phénomènes convulsifs dans leurs ensembles, dans une perspective qu’on appellerait histoire de la possession européenne, à cheval entre médecine, religion et culture.

Pour faire cela, nous discutons de convulsions et convulsionnaires à partir d’une multiplicité́ de perspectives et de compétences : histoire de la médecine, histoire des religions, histoire de la littérature, psychiatrie, neurologie, musicologie, ethnomusicologie, arts visuelles et performatives.

Ce séminaire se déroule à Genève (parfois à Lausanne) une fois par mois dans un lieu non-institutionnel et chaque séance dure plusieurs heures.

Thématiques abordées (2019-22):

  • Le tarentisme dans la médecine du XVIIe siècle : autour de Giorgio Baglivi 
  • Les convulsionnaires de Saint Médard ;
  • Voyage dans le candomblé́ au Brésil ;
  • Chèvres et épilepsie en Grèce Ancienne ;
  • Lecture de Les maitres fous de Jean Rouch ;
  • Musique/trance ;
  • Histoire de l’opium (médecine, pharmacie, rituels et récréations) ;
  • Maladie mentale et jeune thérapeutique en Russie (un projet d’artiste).

 

Dans le cadre du séminaire Convulsionnaires, les projets suivants ont été discutés et développés :  

- Possession FNS (2021-25) – n. 100011_204309.

Observer la folie. Les possessions démoniaques au 17e s. en France, entre médecine et religion.
 

Équipe : Andrea Carlino (résp.), Anaïs Bourgeat, Serge Margel et Eva Yampolsky.

Ce projet, entièrement financé par le Fond National Suisse (FNS), porte sur les nouvelles pratiques d’observation, telles qu’elles se sont développées au 17e siècle en France sur les phénomènes de possession démoniaque. L’objectif est de montrer comment ces observations ouvrent de nouvelles perspectives théoriques et pratiques, qui permettent au regard médical de s’élargir et d’intégrer dans son champ d’étude des objets qui appartenaient traditionnellement au champ du religieux, comme le mal moral, la question des mœurs et les croyances, produisant ainsi un renouvellement du regard sur la folie.

Ces pratiques d’observations médicales ont permis de développer une approche naturaliste des troubles de l’esprit. Afin de démontrer cette hypothèse, nous étudions 7 cas de possessions démoniaques :

1) 1599 – Romorantin – le cas Marthe Brossier ;

2) 1609-1611 – Aix-en-Provence – Madeleine de Demandolx ;

3) 1632-1640 – Loudun – les ursulines de Loudun ;

4) 1634-1640 – Chinon – Catherine Aubin et Jeanne Le Tailleux ;

5) 1642-1647 – Louviers – les hospitalières de Louviers ;

6) 1658-1663 – Auxonne – les ursulines d’Auxonne ;

7) 1681-1682 – Toulouse – les pensionnaires de la Maison de l’Enfance.

 

Ces phénomènes ont été principalement étudiés du point de vue socio-historique et en histoire du religieux. Or, la question médicale les traverse de part en part.

Ce projet comporte :

1) Écrire une histoire de l’observation médicale des possessions démoniaques.

2) Établir une édition critique des écrits du médecin François Bayle sur les possessions démoniaques, et constituer le dossier du cas de Toulouse (1681-1682).

3) Étudier comment s’est élaboré le naturalisme des troubles de l’esprit, au tournant du 17e s., entre médecine et religion.

Ces 7 cas de possessions démoniaques sont étudiés conjointement aux grandes controverses médicales sur la folie au 17e s., mais aussi aux débats et compromis entre médecine et religion sur le statut des troubles de l’esprit.

Les retombées scientifiques de ce projet concernent trois champs principaux. Il ouvrira, dans le champ de l’histoire de la médecine, de nouvelles pistes de recherche sur l’observation médicale, et en particulier sur l’observation de la folie et des troubles de l’esprit. De plus, la question des récits médicaux et de l’analyse des discours et des témoignages, au cœur de ce projet, offrira de nouvelles perspectives en humanités médicales. Enfin, ce projet s’inscrit au coeur des recherches récentes sur les liens entre médecine et religion. Il apportera une nouvelle approche et des outils épistémologiques pour aborder les influences, les échanges et les controverses entre ces deux types de savoir et de pratique.

 

- Ciné-radio performance

At the End you will love me.

(En)quête sur l'(im)possible guérison de Caroline Bernand.

Théâtre Saint-Gervais (Genève), 12-21 mai 2022.

Pour comprendre Valério, un ami rappeur déclaré tour à tour "schizophrène" ou "border-line", et face à l’inefficacité des traitements psychiatriques classiques, Caroline Bernard est partie en quête de solutions de guérison alternatives. Depuis Open Dialogue récemment importé en Suisse, jusqu’aux pratiques du jeûne thérapeutique au bord du lac Baïkal en Sibérie, elle enregistre, filme et interview des médecins, des patients, des écrivains...Bientôt, son voyage fait escale au Théâtre Saint Gervais à Genève. Cette enquête est alors racontée au public au printemps 2022, après trois années de recherche.

Sur scène, tous les personnages sont là et jouent leur propre rôle. A droite de la scène, on distingue un plateau radio encore vide. Bientôt des voix vont se faire entendre. Des histoires imprévisibles, des tentatives inespérées, des paroles sincères vont essayer de se frayer un chemin pour déjouer le diagnostic dʹune impossible guérison.

 

 

 

 

 

Adaptation radio et mise en ondes par Clara Alloing :