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La régénération de l'insuline au rythme des horloges cellulaires

Des scientifiques de l’UNIGE et des HUG identifient le rôle essentiel des horloges circadiennes dans la régénération des cellules productrices d’insuline.

Image d’îlots pancréatiques montrant les marqueurs de prolifération (en rouge) dans les noyaux (en bleu) des cellules bêta productrices d’insuline (en vert). ©UNIGE/Dibner

 

Certaines parties de notre corps, comme la peau ou le foie, peuvent se régénérer après une affection. Les cellules encore fonctionnelles prolifèrent pour compenser les pertes. Ainsi, depuis une trentaine d’années, les scientifiques se penchent sur le potentiel de régénération des cellules bêta du pancréas, responsables de la production d’insuline. Leur atteinte étant en grande partie responsable de l’apparition du diabète, la possibilité de les régénérer constitue un espoir de traitement. En étudiant des souris diabétiques, des scientifiques de l’Université de Genève (UNIGE) et des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) ont observé que leur mécanisme de régénération était sous l’influence des rythmes circadiens - les horloges moléculaires régulant les fonctions métaboliques cellulaires selon un cycle de 24 heures. De plus, les scientifiques ont identifié le rôle essentiel d’un composant clé des rythmes circadiens, la molécule BMAL1. Ces résultats, à lire dans la revue Genes and Development, permettent d’envisager de nouvelles perspectives pour favoriser la régénération des cellules bêta.

La prolifération compensatoire, durant laquelle des cellules se divisent activement pour remplacer leurs sœurs disparues après une affection, est un mécanisme biologique connu, mais encore mal résolu. «C’est particulièrement vrai en ce qui concerne les cellules bêta pancréatiques, dont le mécanisme de régénération reste peu compris, malgré des décennies de recherche,» explique Charna Dibner, responsable du laboratoire d’endocrinologie circadienne aux Départements de médecine et de physiologie cellulaire et métabolisme ainsi qu’au Centre facultaire du diabète de la Faculté de médecine de l’UNIGE et aux HUG. «Cependant, décrypter ce phénomène et surtout trouver comment l’encourager pourrait changer la donne dans le contrôle thérapeutique du diabète.»

Une alternance jour-nuit indispensable

Afin de mieux comprendre la connexion entre l’horloge biologique et la régénération des cellules bêta, l’équipe de Charna Dibner a tout d’abord observé deux groupes de souris ne disposant plus que de 20% de cellules bêta après ablation. Le premier groupe était une lignée de souris génétiquement modifiée pour être arythmique, alors que le second groupe, utilisé comme contrôle, disposait d’horloges parfaitement fonctionnelles. « Les souris dépourvues d’horloges sont incapables de régénérer leurs cellules bêta et souffrent d’un diabète sévère. Les cellules bêta du deuxième groupe se régénèrent et leur diabète est sous contrôle en quelques semaines seulement,  » détaille Volodymyr Petrenko, chercheur à l’UNIGE et investigateur principal de ces travaux. En mesurant le nombre de divisions des cellules bêta sur une période de 24 heures, les scientifiques ont en outre noté que la régénération est plus importante la nuit, lorsque les souris sont actives.

Le gène BMAL1, métronome de l’activité cellulaire

Les souris arythmiques utilisées dans l’étude sont dépourvues du gène BMAL1, codant pour la protéine du même nom, qui est un facteur de transcription connu pour son action essentielle dans le fonctionnement des horloges circadiennes. «Nos analyses montrent que ce gène est indispensable à la régénération des cellules bêta», ajoute Volodymyr Petrenko. De plus, grâce à des analyses transcriptionnelles effectuées sur une durée de 24h, réalisées en collaboration avec Bart Vandereycken du Département de mathématiques de l’UNIGE, les chercheurs/euses ont mis en lumière le fait que les gènes responsables de la régulation du cycle et de la prolifération cellulaire, étaient non seulement surexprimés, mais avaient également acquis la rythmique circadienne. « Ainsi, BMAL1 semble bien être au cœur de notre enquête », souligne Charna Dibner. «Cependant, on ne sait pas encore très bien si, pour que la régénération s’opère, il faut des horloges circadiennes fonctionnelles proprement dites, ou si seul BMAL1, dont l’étendue des fonctions va au-delà des horloges, est nécessaire. C’est ce que nous voulons découvrir à l’avenir». Les scientifiques veulent aussi explorer, dans ce modèle, le comportement des cellules alpha productrices de glucagon, l’hormone antagoniste de l’insuline. Les souris arythmiques présentaient en effet de très hauts niveaux de glucagon dans le sang. La compréhension de ces mécanismes permettra peut-être de déclencher la régénération des cellules bêta chez l’être humain, un espoir de traitement pour les personnes diabétiques.

12 nov. 2020

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