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Connaissez-vous vos microbiotes ?

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© biotechnocentre.fr

Dans un contexte de recherche scientifique mondiale jugée exponentielle, les experts des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et de l’Université de Genève (UNIGE) tissent des collaborations fructueuses. Florilège des études en cours.

Le ventre

Le microbiote intestinal – où la concentration de bactéries est la plus forte – est impliqué dans de nombreux processus, dépassant la seule sphère intestinale. Son rôle dans la santé digestive, métabolique, et donc dans la prise de poids et l’obésité, suscite beaucoup d’intérêt.

Des études ont montré que l’obésité peut être transmise d’une souris à l’autre par transplantation de son microbiote. Mais est-ce l’obésité qui modifie le microbiote ou l’inverse? Probablement les deux. Concernant le diabète, des études chez l’homme suggèrent que la résistance à l’insuline pourrait être due à des bactéries intestinales. «La prochaine étape serait d’agir sur l’obésité ou le diabète en modifiant le microbiote pour diminuer l’absorption calorique, améliorer la sensibilité à l’insuline ou réduire la glycémie», indiquent Mirko Trajkovski, professeur de métabolisme et physiologie à la Faculté de médecine de l’UNIGE, et Ozren Stojanovic, post-doctorant à l’UNIGE.

Leurs travaux consistent à trouver la composition du microbiote la plus bénéfique pour la santé métabolique, avec un focus sur les graisses : «L’exposition au froid induit des changements dans la composition du microbiote, avec pour conséquence une meilleure métabolisation des graisses, dans la mesure où une partie de la graisse blanche (lieu de stockage d’énergie sous forme de triglycérides) se transforme en graisse brune ou beige (celle qui brûle les calories et les transforme en chaleur)», indique le Pr Trajkovski. Mais quelles bactéries contribuent spécifiquement à la modification du profil de ces graisses? C’est ce qu’ils tentent de découvrir…

Foie gras et foie alcoolique, même combat

Les maladies du foie gras et du foie alcoolique, dont les mécanismes sont semblables, influencent la composition de la flore intestinale, comme l’explique le Dr Nicolas Goossens, chef de clinique au Service de gastro-entérologie et hépatologie des HUG: «Dans la maladie du foie gras, les bactéries intestinales produisent de l’alcool, ce qui entraîne des lésions de cet organe similaires à celles des individus souffrant du foie alcoolique». Mieux caractériser le microbiote de ces patients et établir des corrélations avec leurs paramètres cliniques sont les objectifs d’une étude à venir: «Nous souhaitons poser des diagnostics plus fins et prédictifs pour les personnes à risque afin d’améliorer leur prise en charge», affirme le spécialiste.

La cachexie

De leur côté, la Pre Laurence Genton Graf, médecin adjointe agrégée au Service d’endocrinologie, diabétologie, hypertension et nutrition des HUG, et son équipe tentent de mieux comprendre le rôle du microbiote dans la dénutrition et la perte de masse musculaire (cachexie) qui y est associée. Cette perte engendre notamment une diminution des fonctions physiques et une augmentation du risque infectieux. Leur étude interventionnelle analyse les effets sur le microbiote de composants nutritionnels connus pour augmenter la masse musculaire. Le but: identifier les bactéries associées justement à une meilleure masse musculaire.

Dénutrition ou obésité, l’idée est de mieux cerner l’impact de l’alimentation sur le microbiote. Sa modulation pourrait donner lieu à de nombreuses perspectives thérapeutiques. À terme, «nous espérons mieux nourrir et mieux traiter l’individu en fonction de ses caractéristiques propres», conclut la Pre Genton Graf.

 

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Le cerveau

De récentes études chez l’animal ont montré la possible influence du microbiote sur le comportement, ouvrant ainsi des perspectives inédites. Des souris élevées dans des conditions stériles étaient moins sociables que leurs congénères du groupe contrôle. Aussi, il a été démontré que le transfert de microbiote entre des souris anxieuses et des souris aventureuses a modifié leur comportement, ces dernières devenant plus craintives, et vice versa. Ces résultats ont stimulé la recherche, qui tente d’explorer les relations entre les bactéries intestinales et les maladies psychiques (anxiété, dépression), neuro-développementales (autisme) ou neurologiques (maladie d’Alzheimer et de Parkinson).

Plusieurs hypothèses se dessinent, parmi elles: «Les bactéries intestinales, en agissant directement sur la muqueuse et la paroi digestive, produiraient de la sérotonine, un neurotransmetteur impliqué dans la régulation de l’humeur», explique Stephan Eliez, professeur au département de psychiatrie de la Faculté de médecine de l’UNIGE. Autre explication, « les bactéries pousseraient les cellules immunitaires à produire des cytokines, des molécules susceptibles d’influencer la neurophysiologie et le fonctionnement cérébral ». Parmi les autres théories, la production au niveau intestinal de métabolites, des substances véhiculées par le sang qui atteindraient le cerveau et modifieraient nos comportements.


Auteure : Élodie Lavigne, Pulsations, HUG Magazine >

2 juil. 2018

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