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Emmanouil Dermitzakis: « Produire quelque chose ensemble est tellement gratifiant ! »

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Emmanouil Dermitzakis est originaire d’Héraklion en Grèce. Après avoir étudié la biologie à l’Université de Crète, il obtient un doctorat en génétique à l’université d’état de Pennsylvanie aux États-Unis. Il rejoint ensuite l’Université de Genève en tant que post-doctorant au laboratoire du généticien Stylianos Antonarakis, aujourd’hui retraité et ancien membre de Synapsy. Emmanouil Dermitzakis quitte la cité de Calvin en 2001 pour créer son propre laboratoire à l’Institut Sanger, un centre de génomique près de Cambridge, avant de revenir à Genève en 2009 en tant que professeur au Département de médecine génétique et développement de la Faculté de médecine. Son laboratoire étudie les variants génétiques et leurs liens de causalité avec des maladies complexes, comme le diabète ou le cancer. Il est membre affilié de Synapsy depuis 2018 et entend aider le consortium grâce à son expertise de généticien. Nous l’avons rencontré en marge de son séminaire à l’occasion de la retraite annuelle 2019 de Synapsy.

Pourquoi avez-vous choisi d’étudier la génétique ?

J’ai toujours été très intéressé par la structure de l’ADN. Quand j’étais en dernière année du secondaire, j’ai découvert un livre sur le génie génétique qui m’a totalement fasciné. Les deux pages centrales décrivaient comment cloner des gènes dans des vecteurs et comment transformer génétiquement des cellules et des mouches. J’ai réalisé qu’il était possible de faire de l’ingénierie avec l’ADN ! Comme j’hésitais entre la biologie et l’architecture, j’ai trouvé que cela réconciliait les deux domaines et j’ai opté pour la biologie. Je savais, dès lors, que la génétique allait être mon sujet de prédilection.

Vous vous intéressez au cerveau ?

Pour être honnête, pas particulièrement ! Mon « organe » d’intérêt est l’ADN. Mes premières études portaient sur la fonction de l’ADN et sur la façon dont elle est modifiée par des variants génétiques. Mon but était d’utiliser le modèle le plus simple possible, que ce soit en matière de complexité ou de disponibilité des échantillons. Le cerveau est loin d’être le modèle le plus simple. Les premières expériences ont été faites avec des lignées cellulaires et, progressivement, avec des tissus et des organes. Je travaille beaucoup sur le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires et le cancer. De la même manière qu’un cardiologue étudie le cœur, les généticiens étudient le génome. Mais le génome est partout, y compris dans le cerveau !

Est-ce que la perspective de travailler sur les troubles psychiatriques avec les membres de Synapsy vous inspire ?

Produire quelque chose avec un collectif est vraiment gratifiant, je suis très enthousiaste ! J’aime travailler avec des gens qui ont des idées et des compétences complémentaires. Ce n’est pas bon quand on est la personne la plus intelligente dans la pièce. Il est important de faire partie d’un groupe dans lequel chacun est constamment en difficulté intellectuelle. Je ne parle pas d’intelligence, mais de l’expertise et des informations que chacun peut apporter. Au début, les choses seront forcément difficiles parce que nous ne partagerons pas le même langage. Je me réjouis d’en apprendre davantage, car l’apprentissage est toujours l’intention du scientifique, c’est la mienne en tout cas.

Les collaborations et les synergies sont importantes pour la recherche. Que faut-il faire de plus pour les stimuler ?

Les fonds sont toujours une bonne motivation pour faire les choses. Ils forcent les gens à travailler ensemble pour obtenir de l’argent. En quelque sorte, les fondations nous disent, et c’est une bonne chose : « Montrez-moi que votre collaboration est fructueuse et voici l’argent. » La communauté suisse, bien qu’extrêmement forte en sciences fondamentales ainsi qu’en individualités, ne l’est pas autant pour la recherche en équipe. La Suisse n’a pas l’habitude de financer des projets où une équipe doit travailler sur un seul problème. Même la subvention Synergia du FNS n’a pas été aussi rentable que prévu, car les montants alloués ne sont pas assez élevés. Le FNS et d’autres organes de financement devraient forcer davantage le travail collaboratif, car c’est ainsi que l’argent produit le plus de connaissances. Les scientifiques tendent à être égoïstes et leurs instincts les poussent à être les premiers à découvrir quelque chose. Être le premier à faire une découverte est incroyable et provoque une montée d’adrénaline ! Cependant, la vitesse à laquelle les découvertes sont faites augmente considérablement avec les approches collaboratives. ●

10 sept. 2019

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