Les mollusques sublittoraux du Léman recueillis par M. le Prof. Yung (1913) a 🔗
On peut considérer, au point de vue malacologique, que la zone littorale finit à environ 4-5 m de fond. D’autre part, les véritables caractères de la faune abyssale n’apparaissent qu’à partir d’une profondeur variant entre 30 et 50 m. Entre ces deux régions se trouve une zone intermédiaire, d’un intérêt très particulier et qu’on peut appeler faune sublittorale.
Cette faune sublittorale ne marque pas une transition insensible entre les produits littoraux et les produits profonds. Souvent même le contraste est vraiment frappant entre les résultats des pêches successives pratiquées en ligne droite depuis tel point du rivage. C’est ainsi qu’un dragage de M. le prof. Fuhrmann, effectué devant Neuchâtel par 30 m, a mis au jour des Valvata antiqua, Pisidium nitidum, etc. et pas de Limnées, si ce n’est un exemplaire abyssal et mort, charrié l’on ne sait d’où. Quelque distance plus loin, à 50 m de fond, la même drague dentée de Steinmann relevait toute une colonie de Limnées profondes, de Pisidium abyssaux et point de Valvata lacustris comme on aurait pu s’y attendre. Au rivage vivaient en abondance Limnæa lacustris, patula, etc.
Cet exemple montre déjà que les limnées sublittorales ne sont point une transition entre celles des surfaces et celles des abysses, que la Valvata antiqua ne donne pas nécessairement des lacustris, etc. et c’est précisément ce qui fait l’intérêt faunistique de cette zone intermédiaire.
Je me propose de passer en revue dans cette petite note, le résultat de deux dragages de M. Émile Yung, très intéressants à ce sujet. L’importance de cette pêche résulte également de la nouveauté de ces produits sublittoraux : quelques-uns n’ont jamais été signalés ailleurs que dans la faune littorale et d’autres n’étaient connus que des profondeurs du Bodan. En outre cinq de ces mollusques ont donné en eaux sublittorales des variétés nouvelles et j’ai en plus retrouvé deux formes précédemment décrites, soit du Léman, soit du lac de Neuchâtel.
Qu’on me permette enfin de remercier bien vivement M. Roszkowski, de Lausanne, qui m’a prêté ses Limnæa ovata sublittorales, en vue de mes descriptions.
I. Gastropoda
1) Limnæa (Limnus) stagnalis (L.) var. Bollingeri nov. var. (fig. 1)
Animal albescens.
Testa minima, satis elongata, regulariter acuminata, parum ventriosa, tenuis, fragilis, translucens, pallidissima, paulum cornea, tenuissima et satis regulariter striata. Spira conica, subulata ; anfractus 6 parum convexi, lenissime crescentes, ultimus major, parum ventricosus ; sutura minime profunda. Apertura ovata elongata, parum ampla ; peristoma simplex, regulare ; columella satis arcuata.
Alt. 19 mm. Lat. 8. Apert. 10 × 6 mm.
Animal blanchâtre.
Coquille de taille extrêmement petite, passablement allongée, fortement et régulièrement acuminée supérieurement, à peine ventrue, légèrement atténuée inférieurement, peu brillante, très mince, fort fragile, bien transparente, de couleur très pâle, légèrement cornée, ornée de stries très fines et assez régulières. Spire conique effilée, très étroite, à sommet petit et pointu ; 6 tours de spire très peu convexes, s’accroissant très lentement, régulièrement le dernier grand, peu ventru, très peu bombé, assez arrondi ; suture fort peu profonde. Ouverture assez grande, ovale allongée, assez droite, non ample, occupant environ la ½ de la hauteur totale, très peu échancrée, à angle d’insertion columellaire peu marqué, l’extérieur assez aigu, très net. Péristome à peine épaissi, simple, à bord extérieur peu arqué, le columellaire assez tordu, infléchi, très évasé, décroissant progressivement. Fente ombilicale peu marquée.
Habitat : devant Morges, par 15-30 m (Forel, 1910) ; entre la Belotte et Bellevue, de 20 à 25 m de fond.
Cette L. stagnatis est fort curieuse par sa taille minuscule. La plus petite forme adulte connue jusqu’à présent était la var. Monterosatoi Piag., du Valais, qui a 23 à 25 mm de hauteur. Cette dernière forme, qui vit dans des eaux glacées et courantes, est passablement plus développée, ce qui montre combien les eaux profondes sont peu propices à la vie des mollusques.
2) Limnæa (Gulnaria) limosa (L.) sensu latiore var. sublittoralis Piag. (fig. 2)
Le même dragage, pratiqué entre la Belotte et Bellevue, a mis au jour quelques exemplaires de cette variété. Ils sont peu semblables à la forme que j’ai décrite comme type mais on voit bien que ce ne sont que des déformations plus ou moins accidentelles dans l’ampleur de l’ouverture, la columelle, la régularité de la spire, etc. Ces faits, aussi bien que la taille de la limnée précédente, montrent bien quelles races rabougries donnent les Limnées de surfaces en eaux profondes. La variété suivante est du reste bien caractéristique à ce sujet.
Var. Roszkoivskiana nov. var. (fig. 3)
Ce mollusque est une déformation des Limnæa ovata du littoral, dont M. Yung m’a communiqué un certain nombre d’exemplaires, provenant du port de Lutry. Je ferai remarquer à ce propos que cette forme du Léman est assez curieuse par ses caractères intermédiaires entre les L. ampla et L. ovata types, et qu’elle répond fort bien à la figure 364 de Clessin 1. Mais on sait la confusion qui s’est établie au sujet de ce mollusque, que l’auteur rattache à la L. ovata v. obtusa de Kobelt. Pour le prouver il renvoie à la fig. 1251 de l’Iconographie. Mais il se trouve qu’au sujet de la L. ampla var. obtusa il cite également cette même figure. Cependant il distingue ces deux formes, puisqu’il les répartit dans deux espèces différentes selon lui. Or la forme du lac de Neuchâtel dont parle Clessin (fig. 364) n’est pas la var. obtusa de Kobelt (fig. 1251), mais bien une forme voisine, très parente également de la Limnaea verbanensis Stoll, de Locarno (ex typo) et pour laquelle je propose le nom de var. Clessini.
Cette L. Clessini donne donc dans la faune sublittorale une forme très curieuse, dans laquelle M. Roszkowski a cru voir l’intermédiaire nécessaire par où passent les limnées de surface descendant dans les abysses. Nous verrons dans les conclusions, ce qu’il en faut penser.
Voici la description de cette forme :
Testa elongatior typo, valde et irregulariter acuminata, plus minusve ventriosa, pallida, variabiliter striata, satis fragilis. Spira mutabilis, acuminato conica ; anfractus 5-6, plus minusve convexi, leniter et parum regulariter crescentes, ultimus major ; ventriosus. Apertura ovato rotundata, plus minusve ampla ; peristoma simplex, dilatatum, irregulare.
Alt. 12-22 mm. Lat. circa 7-12 mm.
Coquille de taille moyenne, passablement plus allongée que le type, présentant même parfois des exemplaires à forme de L. stagnalis, fortement et assez irrégulièrement acuminée supérieurement, plus ou moins ventrue, peu atténuée inférieurement, plus ou moins mince, parfois épaisse et martelée, assez fragile, de transparence variable, de couleur très pâle, plus ou moins cornée, ornée de stries fines et irrégulières, parfois plus fortes. Spire très variable, irrégulièrement conique, plus ou moins effilée, peu étroite, à sommet petit et pointu ; 5-6 tours, de convexité variable, s’accroissant lentement et peu progressivement, le dernier très grand, plus ou moins ventru, bombé, peu arrondi, parfois anguleux ou encore très ample ; suture en général très peu profonde. Ouverture des plus variables, ovale arrondie, très irrégulière, ample ou rétrécie, peu échancrée, à angles d’insertion différents d’un individu à l’autre. Péristome simple, en général un peu épaissi, à bord extérieur parfois dilaté ou même étalé, rarement retroussé, toujours fortement arqué, l’inférieur variable, le columellaire fortement tordu, réfléchi, décroissant irrégulièrement en largeur. Fente ombilicale nulle ou très ouverte, avec tous les intermédiaires.
Habitat. — Yvoires, par 30 m de fond (M. Roszkowski) et entre la Belotte et Bellevue, de 20 à 25 m.
Le polymorphisme énorme de cette variété la rend intermédiaire entre un grand nombre de formes : L. ovata, ampla, lagotis, canalis, mucronata, moratensis, etc., dont on retrouve un peu tous les caractères diversement mêlés. Mais les formes monstrueuses prédominent, ce qui indique le même fait que les variétés précédentes, relativement aux conditions d’existence en faune profonde.
3) Valvata antiqua Sow.
Un très grand nombre d’exemplaires dragués entre 20 et 25 m de la Belotte à Bellevue. Plusieurs étaient vivants : l’animal est complètement blanc de lait.
Var. Fuhrmanni Piag. (fig. 4)
Plusieurs spécimens, dont quelques vivants, pêchés dans la même station et entre Bellerive et Versoix, par 30 m. Ils sont semblables à ceux du lac de Neuchâtel et bien distincts des Valvata lacustris de la faune profonde proprement dite. La V. Fuhrmanni est assez voisine des V. opaca Dum. et Mort., du lac d’Annecy.
II. Acephala
4) Sphœrium (Corneola) corneum (L.) (fig. 5 et 6)
M. Yung a ramené d’une pêche pratiquée entre la Belotte et Bellevue (20-25 m) deux beaux exemplaires de cette espèce. Ils sont fort typiques et ne se distinguent des individus de surface que par une taille un peu plus petite (longueur 10 mm, largeur 8 et épaisseur 6 mm) et une couleur plus pâle (gris cendré). Cette forme n’a été signalée jusqu’à présent que jusqu’à 4 m de fond.
5) Pisidium amnicum (Müll.)
Pour ce qui est de la faune profonde, cette espèce n’était connue jusqu’ici que du Bodan (Untersee 20 m) et du lac de Zurich : M. Yung en a ramené 5 bons exemplaires, dont 4 adultes, appartenant à une variété nouvelle, remarquable par sa taille :
Var. Coutagnei nov. var. (fig. 7 et 8)
Animal candidum.
Testa multo minor typo, ovalis, parum angulosa, multo minus ventriosa, fragilis, parum nitens, opaca, cinerea ; umbo paulo obtusior ; margines pæne typicæ, parum angulosæ ; commissura magis tenuis, angustior.
Long. 5-6 mm. Lat. 4-4 ½ mm. Ampl. 2 ½ mm.
Animal complètement blanc.
Coquille de taille beaucoup plus petite que le type, ovale assez arrondie, très peu anguleuse, passablement plus aplatie, un peu fragile, assez mince, peu brillante, opaque, de couleur grisâtre, à zones concentriques annuelles assez marquées, foncées ; épiderme mat, gris cendré, légèrement verdâtre. Sommet légèrement plus gros, large et obtus, normalement placé, assez saillant. Côté antérieur obtus, bien arrondi, peu allongé, non rostré ; côté postérieur très court, arrondi. Bord supérieur assez régulier, fortement arqué, descendant insensiblement en avant, très légèrement anguleux en arrière ; bord inférieur également régulier et arqué, lui aussi un peu régulier à la partie postérieure ; bord antérieur tranchant, très arqué ; bord postérieur moins arqué, descendant rapidement et un peu obliquement. Ligament normal ; charnière moins puissante, plus mince et étroite, sinon typique.
Habitat. — La Belotte-Bellevue : 20-25 m. Versoix-Bellerive : 30 m.
6) Pisidium Henslowianum Shepp.
Espèce actuellement assez rare en Suisse, signalée au Bodan et au Léman. Elle était assez répandue dans le Seeland, peu après l’époque diluvienne. On l’a également trouvée dans la faune profonde du Lac de Brienz (à 45 m) et au lac d’Annecy (M. Le Roux). Dans le Léman, elle n’était connue que jusqu’à 4 m de fond. Les 3 exemplaires recueillis par M. Yung entre la Belotte et Bellevue (20-25 m) appartiennent à une variété nouvelle, à caractères voisins de ceux de la section Clessinia.
Var. Bedoti nov. var. (fig. 9 et 10)
Animal candidum.
Testa minor typo, ovata, rotundatior, paulum antice acuminata, postice normalis, parum angulosa, ventricosior, tenuis, fragilis, translucens. Umbo typicus ; margines paulo arcuatiores. Ligamentum et commissura typica.
Long. 3. Lat. 2 ½. Ampl. 2 mm.
Coquille de taille plus petite que le type, ovale, peu arrondie, légèrement acuminée antérieurement, sinon peu anguleuse, un peu plus ventrue, fragile, très mince, peu brillante, assez transparente, à zones concentriques annuelles visibles mais peu marqués, ornée de stries très fines et régulières ; épiderme un peu brillant, verdâtre, très fin. Sommet normal, à appendices bien développés. Côté antérieur plus court que chez le type, assez anguleux en avant ; côté postérieur court et bien arrondi. Bord supérieur peu arqué, subanguleux en arrière, descendant insensiblement en avant jusqu’à la rencontre avec le bord inférieur, qui est également très arqué en avant, régulier ; bord postérieur assez arqué. Ligament et charnière typiques.
Il est à remarquer que chez toutes les Fossarina de la faune sublittorale la charnière est bien développée, ce qui les différencie des espèces profondes.
7) Pisidium fossarinum Cless.
Très répandu en Suisse, ce Pisidium n’a pas été signalé au Léman, à notre connaissance du moins. Le Dr. Kampmann l’a recueilli en différents endroits des environs de Genève et je l’ai trouvé en Haute-Savoie (lac d’Annecy). La variété découverte par M. Yung dans les deux stations indiquées (la Belotte-Bellevue par 20-25 m et Bellerive-Versoix à 30 m) présente, elle aussi, un faciès légèrement abyssal. J’ai jugé utile de la séparer par un nom spécial pour opposer ces espèces facilement transformables à celles qui, comme la suivante, gardent leurs caractères avec plus de facilité, en suite de leurs habitudes plus lacustres. Le P. fossarinum paraît avoir donné en eaux profondes le P. candidum (et var. Claparedi) découvert par M. Yung. Dans le lac de Neuchâtel il est la souche du P. prolungatum.
Var. Kampmanni nov. var. (fig. 11 et 12)
Animal pallidum.
Testa minor typo, magis regulariter ovalis, minus ventriosa, fragilior et tenuis, satis nitens, translucens, flavescens, umbo minus eminens, obtusus ; commissura tenuis.
Long. 3,5 mm. Lat. 2,5. Ampl. 1,5 mm.
Coquille de taille plus petite que le type, plus régulièrement ovale, très peu anguleuse, passablement plus aplatie, très fragile et mince, assez brillante, transparente, de couleur jaune verdâtre, à zones concentriques annuelles très peu marquées ; épiderme très fin, assez brillant, transparent et verdâtre. Sommet un peu moins proéminent, large, assez obtus, bien arrondi, non anguleux, peu allongé ; côté postérieur régulier, court. Bord supérieur assez régulièrement arqué, descendant insensiblement à ses deux extrémités ; bord inférieur très arqué, tranchant ; bord antérieur également tranchant, régulier, de même que le postérieur, qui paraît plus arqué que chez le type. Ligament normal. Charnière un peu moins forte, plus étroite.
8) Pisidium nitidum Jen. (fig. 13)
Cette espèce est, avec le Pisidium amnicum, la plus lacustre des quelques Bivalves recueillis jusqu’ici dans la faune sublittorale. Elle n’est pas commune en Suisse, mais paraît l’être au Léman et en Haute-Savoie. On l’a trouvée dans la faune sublittorale du lac de Neuchâtel (30 m) et elle était extrêmement répandue au Seeland, peu après l’époque diluvienne.
Trouvée en grande abondance dans les parties peu profondes du lac de Genève (Belotte-Bellevue 20-25 m et Bellerive-Versoix 30 m) elle ne s’y différencie pas des exemplaires littoraux ordinaires. En outre, on trouve dans les mêmes stations le Pisidium pulchellum donné la plupart du temps comme une espèce spéciale, et très voisine par sa sculpture identique. Or, aux endroits où ces deux formes vivent mêlées, il est facile de recueillir une quantité d’intermédiaires entre ces deux types, ce qui empêche de les différencier spécifiquement.
La var. pulchella Jen. (fig. 14), très commune et bien typique dans la rade de Genève (collection du Laboratoire zoologique de l’Université) est même de beaucoup la plus fréquente dans les stations indiquées.
On sait que le P. nitidum est la souche de l’espèce profonde la plus développée partout, le Pis. Foreli et ses nombreuses variétés. Ce P. pulchellum semble être étranger à cette formation. Par contre, il a dû donner le P. Yungi, qui semble assez parent de certaines formes du port de Genève, mais il s’en différencie cependant beaucoup et possède nettement les caractères des Clessinia. D’autre part, il est bien distinct du P. Foreli et je doute qu’on trouve jamais des intermédiaires entre ces deux espèces. On peut expliquer ceci par le fait que le P. pulchellum vit peu fréquemment en compagnie du nitidum. Il aurait ainsi donné une espèce abyssale distincte, peut-être à une époque différente, ou encore par d’autres procédés de formation que dans le cas du nitidum.
Pour conclure, nous constaterons que la zone sublittorale présente, au point de vue malacologique, une faune assez particulière. Elle est formée de la plupart des espèces de surfaces, revêtues d’un faciès profond et présentant dans certains cas une visible diminution de puissance vitale. Cette difficulté d’existence, bien évidente pour ce qui est des Limnées, rend assez douteux que ces animaux aient persévéré dans une migration descendante, et laisse à penser qu’il faut invoquer des phénomènes plus puissants pour expliquer la genèse des sociétés abyssales.
En effet, pourquoi les Limnæa Bollingeri et sublittoralis n’ont-elles pas donné, en faune profonde, de produits dérivés, alors que les L. ovata et palustris — cette dernière purement littorale — ont été les souches de plusieurs formes très répandues ? Il est fort compréhensible que les limnées lacustres subissant déjà dans la zone sublittorale les atteintes funestes des conditions abyssales ont renoncé à toute descente. D’autre part, les L. ovata — seules fluviatiles — ont fort bien pu être précipitées par des crues subites, comme je l’ai montré dans un travail sur le lac de Neuchâtel. La L. palustris, de son côté, n’étant que très exceptionnellement lacustre, et seulement dans des endroits préservés de toute atteinte des vents ou des courants, aura pénétré dans les abysses par des élévations brusques du niveau des lacs, comme il s’en est produit plusieurs siècles après le retrait des glaciers diluviens.
Pour ce qui est du lac de Neuchâtel, j’ai pu retrouver l’époque probable de cette transformation, d’après les gisements quaternaires du Seeland. Ce pays, jadis marécageux et peuplé de L. palustris, a été brusquement recouvert par les eaux des lacs voisins et transformé lui même en une nappe lacustre. Les L. palustris ont nécessairement dû chercher alors dans les eaux profondes (où elles se trouvaient déjà accidentellement) le calme et la vase qui leur conviennent, tandis que les Limnées lacustres ont naturellement pu se développer dans les eaux littorales.
C’est de cette manière qu’il faut interpréter le fait si curieux que de toutes les limnées indigènes, seules une forme fréquemment fluviatile et une forme palustre ont des parallèles dans la faune abyssale, tandis que toutes les Limnées sans dérivés profonds, sont communes sur les rivages des lacs (L. ampla, stagnalis, truncatula, etc.). À ce point de vue, l’examen de la faune sublittorale du Léman a été d’une grande utilité, montrant les transformations funestes auxquelles sont soumises les formes de surface qui s’y aventurent.
Pour les Valvata, le phénomène a été probablement identique, car la V. Fuhrmanni qui est la forme sublittorale des antiqua est assez différente des V. lacustris, et n’est nullement l’intermédiaire nécessaire pour expliquer la formation de cette forme profonde.
Les Pisidium enfin paraissent suivre la même loi, la plupart subissant évidemment dès 20-30 m des atteintes assez graves à leur puissance vitale, comme le prouve la disparition des P. amnicum, Henslowianum, etc. On sait du reste que Clessin attribue l’origine des espèces abyssales à la précipitation par les fleuves. L’autre hypothèse, celle des variations brusques du niveau des lacs, est également assez importante. C’est ce phénomène, en particulier, qui a détruit le Pis. nitidum des environs de Neuchâtel et l’a précipité dans les eaux profondes. En effet, c’était avec le P. Henslowianum, les deux seules espèces uniquement lacustres, au Seeland, lorsque les transformations signalées plus haut se sont produites, et, seules, elles ont disparu de la faune littorale neuchâteloise. Ce fait est extrêmement concluant et doit avoir un certain parallèle dans le Léman.
En résumé, la faune sublittorale n’est pas le passage que suivent les mollusques de surface pour donner les espèces profondes. Elle est cependant intermédiaire par ses caractères, entre les deux zones abyssale et littorale, présentant dans une certaine mesure le faciès de la première et la richesse de la seconde. Cependant, ce fait ne résulte que de sa situation et des conditions biologiques qu’elle comporte.