Un mollusque arctique habitant les Alpes suisses (1914) a

Il fut un temps où la Suisse était complètement recouverte de glaciers et où toute vie avait disparu de ses montagnes. Tôt après la fin de cette invasion, un petit nombre d’animaux se sont hasardés dans les parties les mieux exposées du pays et se sont si bien adaptés à la température très rigoureuse d’alors, que les améliorations du climat les ont fait fuir, les uns sur les hauts sommets, les autres dans les pays du Nord. Ainsi s’explique le fait curieux que certaines espèces vivent dans nos Alpes à partir de 1200 à 1500 mètres, environ, et sont communes dans l’Europe septentrionale ou boréale, sans qu’il y ait de relations entre ces deux centres apparents de dispersion.

Les mollusques, en particulier, présentent un certain nombre de ces exemples. Dernièrement encore, M. Karl Holdhaus énumérait dans les bulletins de la Société allemande de malacologie 1, la plupart de ces espèces boréoalpines. Aussi m’a-t-il paru intéressant d’insister quelque peu sur une forme arctique, que j’ai du reste déjà signalée dans les Alpes suisses 2, le Vertigo arctica Wallenberg.

Ce Vertigo est une des plus petites espèces du sous-genre Alæa et présente une grande affinité avec les Vertigo alpestris Ald., Shuttleworthiana Charp. (non Gredl.), leontina Gredl., etc. En voici la description :

Animal 3 de taille extrêmement petite, peu atténué antérieurement, assez acuminé postérieurement, de couleur grisâtre très pâle ; nuque fine et assez longue, blanchâtre vers la coquille ; tentacules supérieurs très courts, cylindriques, un peu plus sombres ; pas de tentacules inférieurs : queue assez en pointe, légèrement translucide : pied très étroit, blanchâtre.

Coquille ovoïde assez cylindrique, bien allongée, peu ventrue, assez progressivement et passablement atténuée à sa partie supérieure, un peu obèse inférieurement, très brillante, assez transparente, brunâtre corné assez foncé, ornée de stries très fines, peu marquées, assez régulières. Spire ovoïde allongée, à sommet petit, obtus, très aplati, peu proéminent ; cinq à cinq tours et demi, très convexes, s’accroissant lentement et assez irrégulièrement, les trois premiers plus rapidement, le dernier assez grand, passablement plus élevé mais pas plus large que l’avant-dernier, bien bombé, assez arrondi, sans aucun bourrelet externe ; suture profonde. Ouverture relativement petite, assez arrondie, un peu plus haute que large, peu échancrée par l’avant-dernier tour, à angle d’insertion columellaire très arrondi, l’extérieur presque autant. Péristome subcontinu, très peu évasé, non réfléchi, à peine bordé, pâle, assez mince, à bord extérieur un peu arqué, l’inférieur arrondi, le columellaire plus large, plus épais, oblique. Un pli supérieur médian, très saillant, allongé ; un columellaire assez proéminent et aigu, un peu immergé, horizontal : un seul pli palatal très inférieur, assez court, aigu, assez saillant. Ombilic très petit, en fente. — Hauteur : 1,5 à 1,6 mm ; diamètre : 0,8 à 1 mm.

Cette espèce diffère du V. alpestris, qui lui est le plus apparenté, par sa spire plus atténuée supérieurement, plus obèse inférieurement, son test plus foncé, ses tours passablement plus convexes, séparés par une suture plus profonde, son ouverture un peu plus petite, moins bordée, et par son pli palatal unique.

On a signalé le Vertigo arctica en Sibérie (contrée du Ienisseï, etc.), en Russie, dans une partie de la péninsule scandinave (en particulier au nord de la Suède), en Finlande, au Groenland, aux îles Féroé, en Islande. Plus au sud on l’a trouvé en Prusse, dans les Sudètes (vers 1600 m), au Tyrol et dans le massif du Tatra.

La station que j’ai observée dans les Alpes occidentales est située à environ 1700 mètres, dans le val d’Hérens (Valais). J’ai trouvé en cet endroit quatre spécimens, dont l’un est représenté par la figure. Ils vivaient sous des mousses et des lichens alpins, sur un énorme bloc erratique, de granit, autrefois charrié par les glaciers.