Les groupements de la multiplication bi-univoque des classes et de celle des relations (1941) a 🔗
Nous aimerions chercher en cette note, à quelles conditions les « multiplications logiques » (A × B = AB, où AB désigne la « partie commune » à A et à B) peuvent être ordonnées en « groupements » logistiques.
Hypothèses🔗
Soit A1 une classe donnée : multiplier Z par A1 consiste à trouver la classe ZA1 contenant tous les individus qui sont à la fois Z et A1. Supposons que tous les A1 soient des Z mais sans que la réciproque soit vraie : il existe alors une classe ZA’1 contenant tous les Z qui ne sont pas des A1. D’où ZA1 + ZA’1 = ZB1. Tous les Z sont alors B1 et réciproquement. Soit maintenant une autre classe B2 telle qu’on ait aussi Z × B2 = ZA2 + ZA’2. Multiplier B1 par B2 consistera, selon ce même principe, à associer chaque classe de B1 à chaque classe de B2, d’où B1 × B2 = A1A2 + A1A’2 + A’1A2 + A1’A2’ = B1B2. Si l’une ou l’autre de ces quatre associations (par exemple la classe A1A2 comprenant tous les individus qui sont à la fois A1 et A2) ne correspond à aucun élément (la classe étant alors nulle) l’ensemble des B2 sera cependant le même que l’ensemble des B1 et des Z. Soient encore B3B4B5, etc., formées de la même façon et dont les deux classes élémentaires A et A’ (= non A) sont associées entre elles et aux précédentes selon toutes les combinaisons possibles. Nous pouvons alors admettre que chacune de ces classes B contient la totalité des éléments logiques donnés (par exemple A1 = les animaux et A’1 = les non-animaux, c’est-à-dire « tout sauf les animaux »). Au lieu de considérer ce « tout » comme un « Univers du Discours » (symbole 1) ainsi qu’on le fait souvent, nous nous servirons simplement du symbole Z en lui attribuant la signification de : « une classe positive et non nulle plus générale que toute autre classe arbitrairement désignée », de même que le symbole ∞ désigne l’itération toujours possible de + 1 (nous ne disons donc pas la « classe de toutes les classes », ce qui soulève les antinomies bien connues). L’expression ZA1 désignant les éléments qui appartiennent à la fois à la classe Z et à la classe A1 équivaut donc à A1 soit ZA1 = A1. Inversement toute classe K1 équivaut à ZK1.
Si B1 × B2 = B1B2 signifie ainsi « je classe tous les B1 dans les classes de B2 et réciproquement » nous pouvons conférer à l’opération B1B2 : B2 = B1 (ou B1B2 : B1 = B2) le sens de « je supprime en B1B2 tous les emboîtements de B2 pour ne laisser les éléments que dans les emboîtements de B1 » ou plus brièvement : « je fais abstraction en B1 B2 des emboîtements d’ordre B2 ». De même que la multiplication logique ne consiste pas à augmenter le nombre des éléments, mais seulement celui des classes, de même la division logique ou « abstraction » ne consiste pas à diminuer le nombre des éléments mais celui des classes seules (des emboîtements).
Définition🔗
Nous appellerons « multiplication complète » de deux classes ou de deux suites de classes, telles que tous les éléments de l’une des deux classes totales appartiennent aussi à l’autre, l’association de chacune des sous-classes disjointes de l’une à chacune des sous-classes disjointes de l’autre. Par exemple B1 × B2 = A1A2 + A’1A2 + A1A’2 + A’1A’2 (= B1B2).
Théorème X🔗
Toutes les équations vraies portant sur un système de multiplications complètes de classes forment un groupement.
En effet, l’opération directe sera la multiplication complète par l’équation de forme B1 × B2 = B1B2 où (B1B2 × B3 = B1B2B3 ou B1 × B3 = B1B3, etc. L’opération inverse la division membre à membre par une même équation.
L’identique générale, produit de l’opération directe par l’inverse sera Z × Z = Z puisque (B1 × B2 = B1B2) : (B1 × B2 = B1B2) donne (B1 : B1 = Z) + (B2 : B2 = Z) = (B1B2 : B1B2 = Z).
Les identiques spéciales sont différentes de ce qu’elles sont dans les groupements additifs : chaque équation joue en effet le rôle d’identique par rapport à elle-même (les signes × ou : étant les mêmes) et par rapport à celles d’ordre inférieur et de même signe : il y a donc tautologie et absorption (et non plus résorption). Par exemple B1 × B1 = B1 (tautologie) et A1 × B1 = A1 (absorption). Par contre B1 : B1 = Z ; B1B2 : B1 = B2 et B1 : B1B2 = Z.
L’associativité est immédiate pour les suites homogènes et médiate pour les suites hétérogènes, les règles de calcul correspondant (la résorption une fois remplacée par l’absorption) à celle des groupements additifs.
La correspondance bi-univoque qualitative🔗
Le caractère propre de ce groupement est d’engendrer la relation de correspondance bi-univoque qualitative. En effet, aux classes A1A2 et A1A’2 correspondent les classes A’1A2 et A’1A’2 ; et aux classes A1A2 et A’1A2 correspondent les classes A1A’2 et A’1A’2. Or, au lieu de se borner à des suites d’ordre B comme nous l’avons fait pour simplifier, rien n’empêche de multiplier « complètement » l’une par l’autre deux suites ou classifications simples A1 + A’1 = B1 ; B1 +B’1 = C1 ; C1 + … + Z et A2 + A’2 = B2 ; B2 + B’2 = C2 ; C2 + … + Z. En chacune des classes A1A’1B’1 … on retrouvera donc toutes les classes A2A’2B’2… et réciproquement. C’est cette opération générale qui intervient dans la construction des « tables à double entrée » dont on se sert dans les sciences comparatives et qui fonde ainsi une « correspondance qualitative » entre A1A’2 ; A1A2 ; A1B’2… etc., et A’1A2 ; A’1A’2 ; A’1B’2… etc., opération distincte de la correspondance bi-univoque d’ordre mathématique, qui peut être effectuée entre unités « quelconques ».
Ces correspondances constituent, comme il est évident, des « équivalences multiplicatives », par opposition aux équivalences précédemment étudiées (exemple A B= A’) qui sont des équivalences additives.
Hypothèses🔗
Supposons maintenant qu’entre des termes donnés existe une série qualitative de relations a’1→ ; a’1→ ; b’1→ etc., et qu’entre chacun de ces termes et ceux d’une autre série constituée par les mêmes relations existe, d’autre part, la relation ↓a’2 puis, entre cette dernière série et d’autres semblables encore, les relations ↓b’2 ; ↓c’2 etc. Chacun des termes de cette table à double entrée sera donc déterminé par la multiplication ↓x1 y2→ ou y2→↓x1, x et y représentant un ordre a, a’, b’…
Théorème XI🔗
Toutes les équations vraies portant sur un système de multiplication complète de relations asymétriques qualitatives constituent un groupement.
En effet, il existe en vertu du théorème VI une correspondance bi-univoque entre les opérations de la classification simple et celles de la sériation qualitative bien que ces opérations diffèrent de signification. Il sera donc toujours possible de multiplier complètement l’une par l’autre les relations de deux séries qualitatives groupées selon les règles tirées du théorème IV, puisque l’on peut multiplier l’une par l’autre deux suites additives de classes (théorème X). Cette multiplication complète des relations asymétriques constituera donc également un groupement, correspondant à celui de la multiplication complète des classes 1.
Théorème XII🔗
L’égalisation, par substitution généralisée, des classes élémentaires A1 ; A’1 ; B’1… et A2 ; A’2 ; B’2… d’une multiplication complète des classes ; et l’égalisation correspondante des relations élémentaires d’une multiplication complète de relations asymétriques transforment simultanément ces deux groupements dans le groupe multiplicatif des nombres entiers et fractionnaires positifs.
En effet, selon le théorème VII la substitution généralisée des classes A ; A’ ; B’… dans une classification simple donne à cette classification la forme A = + A ; B = A + A ; C = A + A + A… et la substitution généralisée des relations élémentaires d’une série lui donne la forme : a→ = 0 a→ A ; b→ = a→ + a→ ; c→ = a→ + a→ + a→… Chaque classe élémentaire étant ainsi transformée en unité, il deviendra alors possible de multiplier deux classes quelconques, par exemple une classe (B = A1 + A1) par une classe (C = A2 + A2 + A2) en associant chaque unité de l’une à chaque unité de l’autre et en considérant ces A1A2 comme des unités d’association. En effet, la multiplication logique B1 × C2 donne (A1A2 + A1A’2 + A1B’2) + (A’1A2 + A’1A’2 + A’1B’2). Or, si chaque classe élémentaire de B1 et de C2 équivaut à × A1 et à × A2, on a B1 × C2 = 6 (A1A2), le nombre des associations constituant alors le produit de la multiplication.
Cela équivaudra, d’autre part, à multiplier, selon les mêmes associations, les rangs (devenus vicariants) de ces unités, soit ↓b1 par c2→, car, pour distinguer les couples, il faut bien les ordonner, d’où la table suivante :
Les multiplications logiques des classes et des relations sont ainsi transformées simultanément en multiplication arithmétique, c’est-à-dire que, pour (B1 = 2A1) × (C2 = 3A2), les associations A1A2 ainsi que les différences de rang ↓a1 a2→, une fois égalisées, perdent leurs caractères qualitatifs et se réduisent alors à l’opération 2 × 3 = (1 × 3) + (1 × 3) = (1 × 2) + (1 × 2) + (1 × 2) = 6. La tautologie ne substituera donc que dans le cas A × A = A, soit 1 × 1 = 1, tandis que les multiplications B × B = B, etc., donneront le carré n × n = n2 puisque (A + A) × (A + A) = 4(A1A2), etc. L’absorption sera exclue pour la même raison. Les identiques spéciales se réduisant ainsi à la seule identique × A (= × 1), il en sera de même de l’identique générale logique Z × Z = Z, car si les classes ne sont formées que d’unités × A = × 1, on aura toujours × nA : nA = × 1A. Dès lors, l’opération inverse consistera en une dissociation des couples d’association, c’est-à-dire en une division devenue purement numérique, et sa généralisation engendrera les rapports fractionnaires, inconnus des groupements logiques.