Discours du directeur du Bureau international d’éducation. 30ᵉ Conférence internationale de l’instruction publique (1967) a 🔗
Veuillez tout d’abord me permettre de vous souhaiter une bien cordiale bienvenue au siège du Bureau international d’éducation et de former le vœu que votre travail soit aussi fructueux et utile qu’il l’a toujours été aux conférences internationales de l’instruction publique que nous avons l’honneur d’organiser avec l’Unesco.
Vous recevoir au siège de notre Bureau est pour nous un grand plaisir, auquel se mêle parfois une certaine inquiétude, car, si ce siège est situé en un endroit magnifique et entouré d’un paysage splendide (je ne fais d’ailleurs là aucun nationalisme car toutes les montagnes que l’on aperçoit de notre bâtiment appartiennent à un grand pays voisin et ami), ce même siège ne jouit pas de la réputation de vous présenter un confort extrême. Ce manque de confort me rappelle même parfois celui de ces petits hôtels qui comptent sur la beauté du pays pour faire oublier l’intérieur des locaux. Mais, après avoir une fois de plus dû renoncer à des salles plus belles, celles des Nations Unies et d’autres étant réservées depuis longtemps à leurs propres conférences, nous avons cette année fait un effort, non plus seulement pédagogique, mais si je puis dire d’intention plus directement pratique pour changer les chaises, moderniser l’aération, mieux disposer les tables, bref substituer un moindre mal à ce qui était pire les années précédentes.
Mais revenons aux problèmes d’idées. Vous avez à traiter cette année, à titre de question principale, du grave problème de la pénurie d’enseignants secondaires et vous trouverez à cet égard l’abondant matériel que vos ministères nous ont fourni pour servir de base à vos discussions. Ce sont là des données de fait mais ce que le monde des éducateurs attend de vous, ce sont des recommandations destinées à attirer l’attention sur l’un des plus grands maux de l’époque et sur les remèdes susceptibles de l’atténuer. Veuillez me permettre quelques remarques à ce sujet, prolongeant d’ailleurs simplement celles que j’avais eu l’honneur de vous présenter à propos du recrutement des maîtres primaires.
Je reste convaincu que le problème central en ces domaines est plus sérieux encore qu’une question de traitements : c’est le problème de la valorisation sociale de la profession d’enseignants. Une profession, quelle qu’elle soit, n’attire des vocations que dans la mesure où, non seulement, cela va de soi, elle est utile, indispensable et répond à des besoins collectifs impératifs, mais encore où ceux qui s’y donnent ont la conviction, et la font partager à l’opinion publique entière, d’appartenir à un groupe social en évolution, qui crée des valeurs nouvelles, fait des découvertes et apporte quelque chose de neuf par rapport aux générations précédentes au lieu de conserver simplement des traditions inébranlables. Or, le métier d’éducateur, et peut-être principalement au niveau du second degré, ne répond que sur certains points à cet idéal de rénovation constante et de continuelles recherches productives qui est celui des professeurs de faculté, ou du corps médical, ou des ingénieurs, etc. ; bref, des vocations relevant des sciences appliquées aussi bien que de la recherche fondamentale. Et la raison en est que la pédagogie n’est point encore suffisamment évoluée ou suffisamment structurée d’un point de vue scientifique pour enthousiasmer plus que quelques rares élites.
Et cependant il est quelques problèmes clés, au niveau secondaire, qui donnent déjà lieu à des activités relevant d’un tel esprit. Je pense, par exemple, à l’enseignement des mathématiques modernes qui soulève deux sortes de questions bien distinctes : celle du contenu même de la branche à enseigner, contenu si révolutionnaire à bien des égards qu’il peut déclencher l’ardeur de ceux des enseignants qui s’en font les protagonistes, mais aussi celle de la correspondance entre ces matières nouvelles et l’intelligence de l’esprit des élèves, de manière à trouver les meilleures méthodes de présentation ou plutôt de réinvention qui assurent le succès d’un tel enseignement. Or, il y a là une quantité de recherches encore à faire et qui sont de nature à susciter des vocations.
Je pense également à l’enseignement des sciences expérimentales, en particulier de la physique. Lorsque l’on voit comme en certains pays des physiciens de métier quitter pour quelque temps leur laboratoire afin de mettre au point les meilleures méthodes actives d’enseignement, on ne peut que souhaiter qu’un tel exemple contagionne les éducateurs eux-mêmes en créant des vocations.
En un mot, ce sont de telles rénovations qui seront susceptibles de créer des vocations et de redonner vie au courant appauvri du recrutement des maîtres. Or, les rénovations sont possibles en tous les domaines de l’enseignement et si elles ne sont pas plus nombreuses c’est à nous-mêmes de nous en prendre.
Je ne veux pas allonger ces quelques réflexions mais permettez-moi de faire certaines remarques pratiques sur le déroulement de la conférence.
Le second sujet mis à notre ordre du jour sera, pour la première fois, traité selon une méthode nouvelle. Vous recevrez le rapport de synthèse établi par le secrétariat au lieu d’un projet de recommandation. Deux séances seront consacrées à l’examen de ce rapport : vous pourrez, au cours de la discussion, mettre en évidence tel aspect qui vous paraît important ou apporter des suggestions nouvelles sur le sujet. Un président-rapporteur, assisté de quatre délégués, établira ensuite, à partir du rapport et des résultats de la discussion, un projet de recommandation plus succinct que nos recommandations habituelles qui sera ensuite soumis à votre approbation.
Quant à la discussion des rapports des ministères de l’Instruction publique, la commission mixte a décidé qu’on emploiera cette année le même système que l’année dernière, ses résultats ayant été satisfaisants. Les questions devront être posées par écrit de façon que la réponse puisse être préparée à l’avance par le représentant de chaque pays.
On nous a rappelé qu’il s’agit aujourd’hui de la XXXe Conférence internationale de l’instruction publique. En ce jour anniversaire, je vous souhaite une pleine réussite de vos travaux.