Les discours

Discours du recteur
M. Jacques Weber >>>

Allocution du président
du Conseil de l'Université
M. Roger Mayou >>>

Discours du président
du Conseil d'Etat
M. Charles Beer >>>

Discours prononcé par
Mme Céline Dehavay, étudiante
de la Faculté des sciences >>>

Remerciements par
Mme Collette Rolland,
Docteur honoris causa >
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Laudatio pour le Prix Latsis,
attribué à Mme Valérie Junod >>>

Remise de la Médaille de l'Université au prof. André Maeder >>>

Laudatio pour le Prix
Mondial Nessim Habif,
attribué à M. Vaughan Jones >>>

 

Intervention de Mme Colette ROLLAND
Docteur honoris causa

Monsieur le Président du Conseil d’Etat,
Monsieur le Recteur,
Monsieur le Président du Conseil de l’Université,
Chers collègues récipiendaires d’un doctorat honoris causa,
Chers doyens et professeurs,
Mesdames, Messieurs, Chers amis,

Je suis profondément émue de la distinction dont vous m’honorez aujourd’hui parce que j’en mesure la valeur. Je suis heureuse de la recevoir ici à l’Université de Genève qui a toujours été un trait d’union entre la France et la Suisse, tissant entre ses enseignants et ses chercheurs des liens d’amitié, de solidarité et d’estime réciproque.

Comment ne pas apprécier d’être docteur honoris causa de l’Université de Genève alors qu’elle constitue l’un des grands pôles du savoir au cœur de notre continent ? Je suis fière de faire désormais partie d’une université exemplaire qui a été continûment, et reste encore aujourd’hui, un formidable modèle, une université qui a su constamment s’ouvrir à de nouveaux domaines, s’adapter aux changements du monde tout en maintenant avec force ses valeurs humanistes. Elle offre aux étudiants venus de tous les horizons le fruit d’une histoire tricentenaire et le meilleur des acquis de la modernité. Ce rayonnement, l’université de Genève le doit d’abord à la qualité exceptionnelle de ses recteurs successifs, de ses professeurs et de ses cadres, que je tiens à remercier de leur accueil aujourd’hui.

Je tiens également à saluer les professeurs Viktor PRASANNA, de l’Université de Southern California, Deirdre WILSON, de University College de Londres, Bernard TEYSSIÉ, mon confrère de l’Université de Paris II Panthéon Assas, Lukas VISCHER, de l’Université de Berne, et Paul EKMAN de l’Université de Californie, mes collègues récipiendaires dont la compagnie sur cette scène m’honore au plus haut point.

Au nom de mes collègues dont je me fais ici l’interprète et en mon nom propre, je tiens à vous exprimer notre sincère et chaleureuse reconnaissance pour l’honneur que vous nous faites, que nous fait aujourd’hui l’Université de Genève.

J’ai l’impression d’avoir fait bien peu de choses pour mériter la distinction que je reçois aujourd’hui tout particulièrement au regard des personnes extraordinaires à qui l’Université a, par le passé, accordé cette distinction. Je suppose que mes collègues partagent ce sentiment. Nous sommes honorés, très heureux aussi de recevoir ce doctorat honoris causa et nous vous en remercions chaleureusement.

«Il faut dans la vie partir de là où l’on est arrivé», rappelle Chateaubriand dans ses Mélanges politiques. Or une nouvelle révolution se déroule sous nos yeux. Ce n’est donc pas par hasard que j’ai choisi d’évoquer avec vous les liens qu’entretiennent l’informatique et la formation académique.

C’est à Genève qu’a eu lieu en 2003 le Sommet Mondial sur la Société de l’Information. Je veux vous dire ma conviction : nous vivons un temps de rupture et de profond changement. Aujourd’hui, l’informatique n’est plus seulement un outil mis à la disposition de quelques uns ; elle se conjugue à l’ingéniosité des hommes pour créer les conditions d’une véritable révolution du monde, au service du progrès de l’humanité. Pour que l’Université devienne le cœur de cette révolution, il faut qu’elle subisse l’épreuve de la réalité et que la connaissance abstraite se transforme en action. Car plus que jamais, pour faire de bonnes applications, il faut penser correctement la réalité.

Le monde de l’informatique et de l’ingénierie ancienne est révolu. Il reposait sur l’antagonisme de la technologie et du savoir. Mais l’explosion des connaissances et la multiplication des champs d’application nous poussent aujourd’hui à inventer un nouvel équilibre entre les intuitions et les techniques.

Car en quelques décennies, la complexité de l’informatique s’est démultipliée. Désormais tout fait appel à l’informatique et l’informatique se fait l’écho du monde environnant en permanence : les évolutions techniques se succèdent également à un rythme effréné ; les technologies interagissent et les domaines s’entrecroisent.

La société de l’information mondialisée crée de nouvelles façons d’être et de vivre la technologie, où les relations humaines se redessinent en fonction des réseaux de transmission et de communication dont l’Internet n’est que la partie la plus visible. Ici, à Genève, on peut se trouver plus proche de New York ou New de Delhi que de Prague ou de Naples.

Le monde cherche de nouveaux repères face à l’accélération des innovations. La nécessité de refonder le système de formation face à ces nouveaux défis apparaît au grand jour. Celle de trouver une formation adéquate aux questions nouvelles est pressante.

Aujourd’hui l’Université doit assumer une complexité nouvelle du monde. Elle doit voir les enjeux de l’avenir aussi bien à travers les hommes de talent qu’à travers les innovations technologiques ; elle doit intégrer l’évolution des mentalités mais aussi des pratiques et des TIC.

Dans un monde de plus en plus interdépendant, l’Université doit se placer au centre de cette course de vitesse. Comme la science, l’Université doit devenir réflexive, se penser elle-même et embrasser la technologie qui constitue désormais le socle des identités humaines.

Nous devons redéfinir notre rapport à la formation dans un monde de mutations profondes, mais nous avons aussi un devoir de fidélité à notre histoire et à nos racines. Surtout quand il s’agit des traditions aussi profondes que celles de la ville et de l’Université de Genève.


J’aimerais aussi partager avec vous quelques unes des leçons est-ce que je tire de mes 30 années d’enseignement et de recherche.

La première est sans nul doute, l’importance primordiale du travail d’équipe. J’ai appris à me méfier de ceux qui se prétendent les seuls responsables de la réussite de leur Université. C’est le travail d’équipe et la qualité des enseignants chercheurs dont on s’entoure qui font le succès des grandes institutions. Il est le seul capable d’adapter l’Université à l’environnement évolutif du 21e siècle.

Le travail d’équipe implique le respect des autres. À mes yeux, peu importe où l’on se situe sur la hiérarchie académique, le respect de l’individu est une valeur primordiale. Dans le monde de l’Université, ceux et celles qui mettent leur cœur à la réussite des étudiants méritent notre respect, peu importe leur rang ou leur fonction.

Une autre leçon est que les « performances » d’une Université passent par la capacité et la volonté de ses enseignants chercheurs à être présents sur la scène internationale. On évoque souvent l’internationalisation des universités mais il reste beaucoup à faire pour que le savoir soit réellement partagé entre les meilleures institutions et à tous les niveaux.

Je voudrais aussi dire qu’il faut apprendre à se fier à son intuition. Même si cette affirmation peut paraître poétique en l’ère de la technologie et des prises de décision « informatisées », je maintiens qu’au départ il faut de l’intuition : pour identifier une tendance, pour trouver une solution et choisir la bonne option théorique ou pratique, il faut de l’intuition quoi qu’on en dise.

Et j’ajouterais : il faut être curieux, être créatif, innover de toutes les façons possibles. Personne n’a réussi en faisant comme tout le monde. Il faut oser. On peut faire des erreurs en cours de route, et croyez-moi, j’en ai fait un certain nombre pour en parler aussi librement. L’important, c’est d’apprendre de ses erreurs et de ne pas rester apathique.

Enfin, la leçon la plus importante leçon de toutes: «Hors du travail, point de salut!». La raison d’être d’une université, c’est d’apprendre à réfléchir aux étudiants en les faisant travailler intelligemment et concrètement.

Mais au-delà de tout cela, il faut avoir du plaisir. Plaisir de travailler, plaisir d’essayer et de vaincre les difficultés, plaisir d’innover et de réussir, plaisir de voyager et de partager. Je n’ai jamais pu imaginer mon rôle autrement.

Au nom de notre promotion 2007, permettez moi encore de remercier les Doyens Spierer, Wehrli, Allan, Roth, Dermange et Schneuwly pour l’hommage qu’ils nous ont rendu et qui nous a beaucoup touchés. Qu’ils sachent tout simplement que nous serons toujours à leur disposition.

Au nom de mes collègues de l’Université de Southern California, de L’University College de Londres, de l’Université de Paris II Panthéon Assas, de l’Université de Berne et de l’Université de Californie, et en mon nom personnel, je voudrais pour terminer, réitérer notre plus vive gratitude à L’Université de Genève, à son Recteur et à tous nos parrains de l’honneur qui nous est fait.

Je vous remercie de votre attention.


Colette Rolland