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 Communiqué de presse 

Quand le noyau des cellules fait taire les gènes

Si chaque cellule de notre corps contient bien l'intégralité de notre patrimoine génétique, elle n'utilise pourtant qu'une partie des gènes, ceux qui sont utiles à son métabolisme et à sa fonction dans le corps. Mais comment fait-elle pour savoir quels gènes utiliser ? C'est ici qu'intervient la chromatine, alliance de protéines et d'ADN. Quand celle-ci est très compactée, elle porte le nom d'hétérochromatine et elle est connue pour empêcher certains gènes de s'exprimer. Susan Gasser, membre du Pôle de Recherche National Frontiers in Genetics basé à l'Université de Genève, et directrice du Friedrich Miescher Institute (FMI) de Bâle, montre dans un article publié dans la revue Cell du 29 décembre dernier, que cette hétérochromatine n'a pas besoin, comme on le croyait auparavant, de s'ancrer à la paroi intérieure du noyau cellulaire pour réduire les gènes au silence.

Déroulé, l'ADN humain contenu dans une seule de nos cellules, forme un très mince filament long de deux mètres. Or, le noyau d'une cellule ne mesure qu'une fraction de micromètre. Il a donc fallu que la nature trouve le moyen de compacter cet immense spaghetti de vie dans un volume minuscule. Pour cela, elle utilise des protéines, notamment des histones, autour desquelles l'ADN peut s'enrouler. Cet ensemble forme la chromatine. Si cette compaction est importante, on parle alors d'hétérochromatine.

On a longtemps pensé que l'hétérochromatine ne servait qu'à compacter l'ADN. Cette vision a vécu. On sait désormais qu'il y a plus, bien plus. L'hétérochromatine servirait aussi à réprimer l'expression de certains gènes afin que la cellule spécialisée n'en vienne pas à fabriquer des protéines qui ne lui serviraient à rien, pire, qui pourraient la mettre en danger.

A étudier les levures sous toutes les coutures, Susan Gasser et son équipe qui viennent de quitter l'Université de Genève pour se joindre au Friedrich Miescher Institute de Bâle, ont souvent observé que l'hétérochromatine de ces unicellulaires eucaryotes se rassemble en certains lieux bien précis de la périphérie intérieure du noyau. Or, ces mêmes régions attirent également les télomères, extrémités des chromosomes, toujours adjacents à l'hétérochromatine. La question se pose donc de savoir si l'adressage à la périphérie de l'hétérochromatine dépend de la proximité des télomères ou de la composition de la chromatine silencieuse.

Pour répondre à cette question, l'équipe helvétique a d'abord forcé des petits morceaux de chromatine à sortir de leur contexte chromosomique. Un marqueur fluorescent permet de suivre leur trajectoire dans le noyau par microscopie. Lorsque le fragment est constitué de chromatine silencieuse, il se place de lui-même à la périphérie du noyau. A l'inverse, lorsque le fragment porte des gènes exprimés, il se déplace dans tout le volume nucléaire. Dans un deuxième temps, les chercheurs ont modifié les protéines qui attirent les segments d'hétérochromatine et les ancrent dans le noyau. Les segments d'hétérochromatine, bien que silencieux, se déplacent alors librement dans le noyau. Le positionnement nucléaire des gènes dépend donc de l'état silencieux de la chromatine, mais aussi de protéines ancrées à la périphérie du noyau capables de reconnaître l'hétérochromatine.

Ces travaux ont également permis d'apporter de nouveaux concepts sur l'organisation dynamique des chromosomes à l'intérieur du noyau.

Pour obtenir de plus amples informations, n'hésitez pas à prendre contact avec La prof. Susan Gasser au 061 697 50 25, 061 697 55 83 ou à Susan.Gasser@fmi.ch

Genève, le 4 janvier 2005