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 Communiqué de presse 

Entre l’UniGe et les HUG, chercheurs et cliniciens collaborent à la découverte du GPS des lymphocytes tueurs de cancers

Pour résister aux cancers, notre corps dispose d’un système immunitaire au sein duquel les lymphocytes jouent un rôle central. Cependant, ces derniers ne peuvent développer une réponse immune anti-tumorale efficace que si le lieu de l’attaque tumorale, que ce soit le cerveau, la peau ou le foie, leur est clairement indiqué. Mais comment cette information leur parvient-elle ? C’est à cette question qu’une équipe de scientifiques de l’Université et des Hôpitaux universitaires de Genève vient de répondre. Dans le Laboratoire d’immunologie des tumeurs dirigé par Pierre-Yves Dietrich, les travaux de Paul R. Walker ont en effet révélé que les cellules présentatrices d’antigènes (dites APC) étaient les véritables ouvrières de ce phénomène de guidage. En effet, les scientifiques genevois ont réussi à montrer que ces cellules, après avoir "avalé" des composants de la tumeur, fournissent aux lymphocytes anti-tumoraux l’adresse à laquelle ils doivent se rendre, agissant comme un GPS naturel. Publiés dans la revue Immunity, ces résultats pourraient avoir des implications importantes pour le développement de vaccins anti-cancéreux. En outre, ils témoignent de façon claire de la productivité des collaborations entre cliniciens et chercheurs universitaires.

Notre système immunitaire nous protège contre les infections principalement grâce aux globules blancs. Parmi ceux-ci se trouvent les lymphocytes, des cellules présentes dans tout l’organisme et en grande quantité dans les ganglions lymphatiques. Lorsqu’une infection de la gorge se développe, nos ganglions du cou grossissent car les lymphocytes, activés par l’agent infectieux, se divisent pour mieux nous défendre.

Or, on sait aujourd'hui que les lymphocytes du système immunitaire nous protègent également contre les cancers. Des recherches ont donc été entreprises afin d’exploiter ce système naturel de défense pour développer des nouveaux traitements contre les cancers. Aussi connues sous le nom d’immunothérapies du cancer, ces traitements se heurtent cependant à un obstacle majeur: comment diriger les lymphocytes anti-tumeur dans l’organisme ? Ou, comment envoyer les secours en quantités suffisantes et aux bons endroits ?

Comprendre les messagers
Les travaux récents menés par l’équipe du Laboratoire d’immunologie des tumeurs du Service d’oncologie apportent un début de solution à cette question cruciale. En effet, en s’appuyant sur des modèles expérimentaux, les scientifiques genevois ont étudié les réseaux de communication qui permettent le développement d’une réponse immune anti-tumorale efficace lorsque le cancer se développe dans différents organes, que ce soit le cerveau, la peau ou les intestins.

Dans le cerveau par exemple, lorsqu’un cancer se développe, une "alarme" se déclenche (cf. figure ci-dessous). C’est alors qu’interviennent les cellules présentatrices d’antigènes (APC). En véritables sentinelles, ces cellules "avalent" des composants de la tumeur, puis quittent le cerveau pour aller dans les ganglions. Elles se changent ainsi en "messagers" qui amènent l’information au ganglion, qui fait office de centre de secours. Là, elles activent les lymphocytes qui se divisent et surtout leur donnent des informations capitales pour aller à l’endroit où le cancer s’est développé. Si la tumeur était apparue dans la peau, les APC auraient expliqué aux lymphocytes qu’il faut aller dans la peau plutôt que dans le cerveau. Les chercheurs ont donc démontré que les APC qui se trouvent au site où se développe le cancer sont capables de fournir aux lymphocytes anti-tumoraux l’adresse à laquelle ils doivent se rendre.

Perspectives d’avenir
Obtenues via des modèles expérimentaux, ces observations pourraient toutefois avoir des implications importantes pour le développement des immunothérapies anti-cancéreuses. Elles démontrent en effet que, pour espérer un effet anti-tumoral des lymphocytes, il faut leur procurer la bonne adresse. Ne pas tenir compte de ce paramètre peut contribuer aux limites actuelles des immunothérapies anti-cancéreuses.

Lorsque l’on tente notamment de vacciner les patients atteints de cancer, l’approche actuelle consiste à essayer de déclencher une réponse des lymphocytes en injectant des composants de la tumeur dans la peau. Selon le modèle proposé par Paul Walker et Pierre-Yves Dietrich, les lymphocytes vont donc préférentiellement se diriger dans la peau, mais iront très difficilement dans le foie, les poumons, le cerveau ou les os, sites fréquents de métastases. Ceci peut expliquer les observations faites dans le cas du mélanome (cancer de la peau), où la vaccination permet parfois la régression des métastases cutanées, mais très rarement des métastases situées dans les autres organes. La suite des recherches menées à l’UniGe et aux HUG consiste donc maintenant à impérativement trouver comment les APC guident les lymphocytes, afin de s’en servir à des fins thérapeutiques.

Un gain fondamental
En outre, ces résultats récemment publiés dans la revue Immunity ont également un intérêt fondamental. En effet, ils fournissent des éléments essentiels expliquant les mécanismes de l’immunité loco-régionale, soit pourquoi et comment les cellules du système immunitaire vont préférentiellement dans la peau si l’infection se développe dans la peau ou dans les poumons en cas d’infection pulmonaire.

Enfin, la portée et les implications pratiques de cette recherche rappellent également l’importance capitale du maintien d’une recherche fondamentale au sein des universités et des hôpitaux. Pour s’avérer fructueux, de tels travaux doivent être intégrés dans la cadre d’une réflexion de soins aux patients, car l’exploration des mécanismes fondamentaux permet d’élucider des énigmes qui ouvrent des portes pour de nouveaux traitements et améliorent à terme le devenir des patients.


Pour tout renseignement complémentaire, n'hésitez pas à contacter:
Pierre-Yves Dietrich au 022 372 98 57 ou 61
ou à Pierre-Yves.Dietrich@hcuge.ch


Genève, le 22 février 2005