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 Communiqué de presse 

Quelques gènes manquent et les bras en tombent

Comment se fait-il que l’on ait une forme, que chaque être vivant pluricellulaire s’organise selon des axes, qu’il ait un devant, un arrière, un haut, un bas? A la base de cette organisation, on trouve des gènes architectes, parmi lesquels les gènes HOX. Dans une étude à paraître dans le magazine Nature, deux chercheurs du Pôle de Recherche National (PRN) Frontiers in Genetics à l’Université de Genève, Marie Kmita et Denis Duboule, démontrent qu’en réduisant au silence une vingtaine de ces gènes HOX chez des souris, on empêche le développement de leurs membres, et cela même à un stade précoce de l’embryon.

L’histoire de la vie, c’est l’histoire des formes. La variété est immense. A croire que l’évolution s’est permis toutes les extravagances possibles. Mais cette débauche créatrice n’est riche qu’en apparence. Plus en profondeur, au niveau de l’ADN, on s’aperçoit que des gènes liés au développement sont souvent similaires d’une espèce à l’autre. C’est que ces outils génétiques n’ont cessé d’être réutilisés, réaffectés parfois, au cours de l’évolution. C’est le cas des gènes HOX, aussi appelés gènes homéotiques, qui sont d’une importance cruciale puisque l’on peut dire qu’ils décident du destin de chaque cellule pendant le développement embryonnaire et partant, de l’emplacement des divers organes selon l’axe antéro-postérieur.

Dans un article à paraître dans le magazine Nature du 24 juin 2005, Marie Kmita et Denis Duboule, du Département de biologie animale et zoologie de l’Université de Genève et membres du PRN Frontiers in Genetics montrent toute l’importance de certains de ces gènes dans le développement des membres chez la souris, un rongeur qui reste le meilleur des modèles pour illustrer ce qui se passe chez l’homme.

Un bras peut en cacher un autre
«Grâce à une collaboration avec des collègues de l’Université d’Harvard, nous avons réussi à inactiver une vingtaine de ces gènes HOX. D’ordinaire, c’était un gène, voire deux que l’on inactivait. Mais on n'avait alors qu’une partie du tableau, explique Marie Kmita. En outre, nous avons procédé à cette inactivation dans une seule région de l’embryon murin, là où se développe une patte. Ainsi, la souris a pu continuer son développement, rester viable et nous montrer quelles conséquences entraînaient l’inactivation locale de ces gènes.»

Si les chercheurs s’attendaient bien à constater des problèmes dans le développement des membres, ils ont été surpris de voir l’ampleur de ceux-ci. Non seulement le squelette de la patte ne s’est pas mis en place, mais le bourgeon embryonnaire dont le membre est issu n’a pas suivi sa croissance normale.

Cette précision, qui peut sembler affaire de spécialistes, recèle néanmoins une information essentielle sur l’évolution anatomique de la vie sur Terre et, plus spécifiquement, sur l’apparition des membres. Si les gènes HOX se sont initialement concentrés sur la segmentation du tronc, ils ont bientôt été mis à contribution pour le développement des membres.

«Dans une première étape de l’évolution, les organismes avaient des petits membres, sortes d'extensions du tronc, comme chez les insectes, les arthropodes etc., explique Denis Duboule, directeur du PRN Frontiers in Genetics. Plus tard, les gènes architectes ont été recrutés pour construire une structure plus compliquée, les bras. La limite - génétique - entre l’extension primitive et le bras, plus tardif, se situe donc au niveau de l'humérus et elle ne correspond à aucune articulation particulière. Ce que nos anatomistes définissent comme «bras», n'est donc pas notre bras «génétique», ce dernier commençant vraiment au milieu du biceps.»

Le Pôle de Recherche National Frontiers in Genetics est un instrument de la politique de la recherche mis en place par la Confédération en 2001. Si le PRN est principalement engagé dans la recherche fondamentale, il promeut également le transfert de savoir et de technologie dans le domaine de la génétique. Il réunit plus d’une vingtaine de laboratoires suisses d’envergure internationale et environ 250 chercheurs spécialisés dans l’étude des gènes, des chromosomes et du développement.

Hébergé par l’Université de Genève, le PRN Frontiers in Genetics compte dans son réseau des membres appartenant aux Universités de Lausanne et de Zurich, à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, au Biozentrum et au Friedrich Miescher Institute (FMI) de Bâle, ainsi qu’à l’Institut Suisse de Recherche sur le Cancer (ISREC) de Lausanne.

PRN Frontiers in Genetics
Quai Ernest Ansermet 30
1211 Genève 4
Tél. 022 379 67 87
www.frontiers-in-genetics.org


Pour obtenir de plus amples informations, n’hésitez pas à contacter
Marie Kmita (marie.kmita@zoo.unige.ch) au 022 379 32 38
ou le prof. Denis Duboule (denis.duboule@zoo.unige.ch) au 022 379 67 71


Genève, le 22 juin 2005