PRESSE INFORMATION PUBLICATIONS
 Communiqué de presse 


Première thèse en études genre défendue à l'UNIGE
L'avortement en Indonésie: recherches autour d'un tabou

C'est sur la question, pour le moins épineuse, de l'avortement en Indonésie que Wening Udasmoro, chercheuse en études genre à la Faculté des sciences économiques et sociales de l'Université de Genève (UNIGE), a choisi de centrer la thèse qu'elle vient de défendre. Il faut en effet savoir que, si l'Indonésie est le pays d'Asie au taux d'avortement le plus élevé, aucun débat ouvert, aucune loi n'ont jamais permis une réelle politisation du phénomène. Pourtant, au niveau des élites politiques, dans le monde médical ou universitaire, des tentatives sont régulièrement menées pour mettre à mal ce tabou. Axée sur l'observation des prises de position des uns et des autres, le travail de Wening Udasmoro est la première thèse à être défendue sous la houlette de l'Ecole doctorale lémanique Genève/Lausanne en études genre. Il est à parier que cet aboutissement inaugure une série de recherches essentielles dont les résultats contribueront à une meilleure connaissance de la dimension sexuée des sociétés humaines.

Indépendante depuis 1945, l’Indonésie n’a pas connu de gouvernement qui se soit penché sur le phénomène de l’avortement. Au quotidien, si l’homosexualité ou la transsexualité sont plus ou moins tolérées, l’avortement est en revanche complètement stigmatisé. Toutefois, les élites politiques et les différents acteurs sociaux tentent d’amener le thème à la lumière d’un débat public. Chercheuse en études genre à l’UNIGE, Wening Udasmoro a examiné, dans le cadre de la thèse de doctorat qu’elle vient de défendre, ce qui rend possible un tel changement, ainsi que la marge de manœuvre des personnalités et institutions engagées sur cette voie pour le moins inconfortable, voire risquée.

Considérant l’évolution du contenu des discours sur l’avortement au regard du développement économique et juridique de son pays, la chercheuse a affiné son étude en la plaçant dans une perspective de genre, c’est-à-dire en la considérant au regard des relations de pouvoir entre hommes et femmes propres à l’Indonésie. Elle a ainsi pu extraire des données précieuses concernant le droit des femmes indonésiennes et dresser un état des lieux de la problématique.

Au terme de sa réflexion, Wening Udasmoro conclut notamment que divers acteurs profitent des opportunités politiques et des événements pour avancer leurs points de vue sur ce thème. Ils utilisent le «bon moment», le «bon endroit» et surtout le contexte politique adéquat pour défendre leur «vérité» sur l’avortement. En outre, les acteurs transforment leur point de vue en fonction du contexte politique. L’interdépendance entre les discours et les contextes est à relier à la politique économique, démographique, intérieure et extérieure du gouvernement. Enfin, bien que beaucoup d’intervenants affirment défendre les femmes par rapport à la question de l’avortement, peu d’entre eux luttent en réalité pour les intérêts des femmes liés au droit de choisir et à l’autonomie. La plupart visent en réalité d’autres facteurs tels que les intérêts de leur groupe, de leur profession ou de la nation.

Un premier pas pour le genre, un grand pas pour l’humanité
Effectué sous la direction de la prof. Thanh-Huyen Ballmer-Cao, le travail de Wening Udasmoro est la toute première thèse défendue en Suisse en études genre. Elle a été élaborée dans le cadre de l’Ecole doctorale lémanique en études genre, fruit d'une collaboration entre les Universités de Genève et de Lausanne à l’intérieur d’un réseau suisse, réunissant également les Universités de Bâle, de Berne et de Zurich. Entre 2002 et 2005, l’Ecole lémanique focalise sa recherche et son enseignement sur l’étude, aujourd’hui indispensable, de deux processus concomitants: la régulation sociale et la mondialisation.

En interrogeant des sujets liés à ces deux phénomènes, les doctorantes et les doctorants en études genre sont notamment amenés, à l’instar de Wening Udasmoro, à examiner la dimension sexuée de savoirs, mais aussi leur production, leurs fonctions, leurs différentes appropriations ou encore leur diffusion dans des cultures données. Au sein des processus de régulation et de mondialisation, le savoir et sa diffusion occupent en effet une place importante. A l'Etat régulateur par exemple, le savoir expert sert de guide de décision, de moyen de consensus et d'instrument de légitimation. A leur tour, les citoyennes et citoyens s'approprient ce savoir expert. L'appropriation citoyenne tend ensuite à transformer les savoirs qui deviennent usuels au niveau quotidien. A travers sa reconstruction médiatique et sa diffusion, le savoir dynamise à son tour la mondialisation, où il est objet d'apprentissage, d'innovation, et d'égalisation.

Attentives à l’image que donnent les savoir des rapports sociaux entre femmes et hommes, les réflexions engagées dans le cadre de l’école doctorale lémanique déboucheront sur une meilleure compréhension de la manière dont nos sociétés construisent la différence sexuelle – établissement de codes vestimentaires ou de contraintes gestuelles, promotion de pratiques sociales données au détriment d’autres, valorisation de certaines valeurs morales et attributs physiques – afin d’assigner des rôles déterminés aux représentants de la masculinité et de la féminité.

L’UNIGE: pionnière en études genre
Pluridisciplinaires, pensées à la manière d’un lieu de rencontres, notamment des sciences sociales et humaines, les études genre de l’UNIGE apportent aux doctorant-e-s, via l’Ecole lémanique, un soutien conceptuel et méthodologique, que ce soit dans le domaine qualitatif, quantitatif ou comparatif. En outre, les enseignant-e-s et les doctorant-e-s, qu'elles ou ils soient économistes, historien-ne-s, juristes, linguistes, politologues, sociologues, spécialistes en communication ou en littérature, etc., y trouveront un espace dynamique d'acquisition de compétences et de construction de savoirs. Enfin, l’école lémanique est également multiculturelle par la participation de doctorant-e-s originaires de pays d’Europe, d’Asie et d’Afrique. La prochaine Ecole doctorale lémanique débutera en automne 2005 sur le thème «La (re-)structuration des sphères publique et privée».

Pour de plus amples informations, n'hésitez pas à contacter
Mme Wening Udasmoro au 022 708 10 24 ou à
weningw@yahoo.com

ou la prof. Thanh-Huyen Ballmer-Cao au 022 379 83 61 ou à Thanh-Huyen.Ballmer-Cao@politic.unige.ch


Genève, le 23 août 2005