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 Communiqué de presse 

- Une astronome de l’UNIGE dans Science -
Deux énigmes de la physique stellaire résolues
grâce à une collaboration internationale

Jusqu’à présent, en astrophysique, aucun modèle ne pouvait expliquer en même temps et de façon satisfaisante, la rotation du Soleil et l’abondance du lithium à sa surface et dans les étoiles d’amas. Ce défi est désormais relevé grâce à Corinne Charbonnel, astronome à l’Observatoire de l’Université de Genève (UNIGE), chargée de recherche du CNRS. En collaboration avec une physicienne de l’Université de Montréal, la scientifique de l’UNIGE a en effet développé un modèle d’évolution stellaire qui explique simultanément ces deux phénomènes. Dans leur modèle, les deux chercheuses ont pris en compte les ondes internes de gravité générées au sein de l’enveloppe de l’étoile. Similaires aux ondes de gravité existant dans l’atmosphère terrestre, elles créent une zone de turbulence entre les zones radiatives et convectives, ce qui permet de freiner la rotation du cœur. Fruit d’une collaboration internationale, ce résultat de recherche sera publié vendredi dans la revue Science.

Comme toutes les étoiles, le Soleil est en rotation. Cette propriété universelle est fondamentale, car elle engendre de nombreuses instabilités au sein de l’étoile, qui s’ajoutent aux réactions nucléaires pour modifier sa composition chimique et qui influencent fortement sa destinée. Dans les étoiles dites de faible masse, comme le Soleil, qui tournent très vite à leur naissance pour être ensuite freinées à cause de leur champ magnétique, deux indicateurs nous renseignent sur ces phénomènes. Le premier est la mesure de l’abondance en lithium1 observée à la surface du Soleil et des étoiles peuplant les amas ouverts galactiques et qui décroît au cours du temps. Le second est la façon dont tourne l’intérieur du Soleil, à la manière d’une toupie2. La reproduction de ces données fondamentales a pendant longtemps constitué un véritable défi aux modèles classiques.

Pour la première fois, un modèle d’évolution stellaire est capable d’expliquer simultanément la rotation solaire ainsi que l’abondance du lithium dans les étoiles de faible masse. L’ingrédient, essentiel et nouveau dans ce modèle, est la prise en compte des ondes internes de gravité.

Ces ondes sont bien connues en géophysique. Elles sont par exemple présentes à l’interface atmosphère-nuages, ou lorsqu’un vent est comprimé à la rencontre d’une montagne. Dans l’atmosphère terrestre, elles génèrent la «turbulence en air clair», tant redoutée par les pilotes d’avion. Elles jouent également un rôle clé dans le renversement périodique des vents stratosphériques au-dessus de l’équateur, phénomène connu sous le nom d’oscillation quasi-biennale (QBO) qui influe sur les quantités d’ozone aux latitudes moyennes et élevées et concourt peut-être à l’activité cyclonique.

En physique stellaire, les ondes internes émises à la base des enveloppes convectives (l’endroit où l’énergie est transmise par mouvement de matière), sont étudiées depuis les années 1980 pour leur capacité à transporter les éléments chimiques. Très récemment, une étape théorique cruciale a été franchie grâce à la modélisation d’une propriété essentielle de ces ondes. A l’interface entre les zones radiatives (où l’énergie est transmise par rayonnement) et convectives, elles créent une zone de turbulence similaire à la QBO atmosphérique et baptisée par nos chercheuses SLO (shear layer oscillation) qui oscille sur une échelle de temps de quelques années. Cette région permet aux ondes de freiner efficacement le cœur de l’étoile.

C’est la prise en compte de ce phénomène dans un modèle d’évolution stellaire en rotation qui vient de permettre d’expliquer simultanément la rotation du Soleil et le comportement du lithium dans notre étoile et ses analogues de faible masse. Ce formalisme très prometteur, développé par Corinne Charbonnel, astronome à l’Observatoire de l’UNIGE, en collaboration avec Suzanne Talon, physicienne de l’Université de Montréal, pourrait résoudre d’autres énigmes de l’évolution stellaire. Seront ainsi prochainement étudiés le rôle des ondes internes dans les étoiles les plus vieilles de notre Galaxie dont l’abondance en lithium est une énigme cosmologique, ainsi que leur impact dans les étoiles géantes qui contribuent à l’évolution chimique de l’Univers.

Pour de plus amples informations, n’hésitez pas à contacter
Corinne Charbonnel, au 022 379 24 52 ou à Corinne.Charbonnel@obs.unige.ch
http://obswww.unige.ch/~charbonn/

Genève, le 30 septembre 2005

1Le lithium est un élément fragile, détruit par réaction nucléaire à relativement basse température (pour un intérieur stellaire, environ 2,5 millions de degrés). Son abondance à la surface des étoiles est un excellent traceur des processus hydrodynamiques dont elles sont le théâtre.

2Le soleil est une gigantesque boule de gaz de 1,4 millions de kilomètres de diamètre, soit environ 110 fois la Terre. Son intérieur est divisé en trois zones : le noyau, la zone radiative et l’enveloppe convective. Le noyau est la région où se produisent les réactions nucléaires qui créent l’énergie du soleil, et qui représente environ 25% de son diamètre. Ce noyau est au centre de la zone radiative qui s’étend sur environ 70% du diamètre du soleil. Dans cette région, l’énergie crée dans le noyau est transportée vers l’extérieur par les photons. Les données d’héliosismologie obtenues avec le satellite SOHO ont montré que la zone radiative est en rotation solide, à la manière d’une toupie. Finalement on arrive à la couche extérieure, l’enveloppe convective, qui représente environ 30% du diamètre du soleil et où l’énergie est transportée par les mouvements d’ensemble de la matière présente. Cette enveloppe a une rotation différentielle semblable à la rotation de surface.