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 Communiqué de presse 

Les neurones du sommeil enfin capturés dans le cerveau

Au terme d'une recherche qui a mobilisé trois équipes en Suisse et en France, les "neurones du sommeil" (cellules nerveuses), situés dans une toute petite zone à la base du cerveau, ont pu être identifiés en éprouvette et étudiés pour la première fois en détails. Coordonnée par le Prof. Michel Mühlethaler et le Dr Mauro Serafin de l'Université de Genève, l'étude a montré que les neurones du sommeil se distinguent complètement des autres cellules nerveuses avoisinantes par leur forme triangulaire, par leur activité électrique particulière, et - caractéristique très surprenante - par leurs réactions inhabituelles face à certaines substances que s'échangent les neurones.

Le neurobiologiste Thierry Gallopin a ainsi découvert que les neurones du sommeil, dont l'activité est nécessaire pour l'endormissement, sont maintenus en inactivité lors de l'éveil par les actions conjointes de la noradrénaline, de l'acétylcholine et de la sérotonine - trois substances pourtant excitatrices qui sont libérées dans le cerveau par les neurones des centres d'éveil, afin de favoriser l'activité cérébrale.

"Les neurones du sommeil et les neurones de l'éveil sont mutuellement capables de s'inhiber, c'est-à-dire de s'influencer pour réduire leur activité électrique", explique le Prof. Mühlethaler. "C'est ce qu'on appelle une inhibition réciproque. Dans notre vie quotidienne, les phases d'éveil et de sommeil doivent de toute évidence dépendre du point d'équilibre qui s'établit entre ces deux types de neurones. Et l'endormissement se produit rapidement, lorsque les neurones du sommeil parviennent à s'activer et à apaiser du même coup les neurones de l'éveil."

Menée en collaboration entre l'Université de Genève et deux laboratoires français de l'INSERM et du CNRS situés respectivement à Lyon (groupe des Drs Patrice Fort et Pierre-Hervé Luppi) et à Paris (groupe du Dr Etienne Audinat et du Prof. Jean Rossier), l'identification du mécanisme d'inactivation mutuelle entre les neurones de l'éveil et les neurones du sommeil est une découverte très importante - d'où la rapide publication des résultats dans le magazine Nature.

Cela fait plus de 20 ans que les scientifiques ont remarqué l'existence de neurones qui sont actifs pendant le sommeil et inactifs pendant l'éveil, sans savoir très bien ni leur rôle ni leur emplacement. Leur position a été repérée il y a quatre ans par l'équipe de l'Américain Chris Saper dans l'aire pré-optique ventro-latérale (VLPO). La même équipe a constaté il y a deux ans que les neurones du sommeil ont des prolongements cellulaires en direction des centres d'éveil, où ils libèrent un neurotransmetteur inhibiteur (apaisant) appelé GABA.

Avec leurs techniques in vitro sur des coupes de cerveau de rat, les chercheurs suisses et français ont non seulement défini la personnalité des neurones du sommeil, mais ils apportent de nouvelles possibilités de les étudier - ce qui permettra peut-être de comprendre bientôt pourquoi l'on doit dormir.
En effet, cette découverte n'explique pas encore pourquoi nous devons dormir, et donc pourquoi l'équilibre entre neurones du sommeil et neurones de l'éveil se modifie. Notre corps subit vraisemblablement deux influences qui, en dernier ressort, doivent s'exercer sur les neurones du sommeil. Premièrement, celle du rythme du jour et de la nuit (les neurones du sommeil sont situés à proximité d'une aire du cerveau qui fonctionne comme une horloge sous l'action de la lumière). Deuxièmement, celle d'un - ou de plusieurs - facteur métabolique qui reste à découvrir. Il s'agit peut-être d'une substance qui s'accumule pendant l'éveil et qui doit être éliminée. Ou, au contraire, d'une substance qui serait utilisée pendant l'éveil et qu'il nous faut reconstituer en dormant. Ce qui expliquerait pourquoi la fatigue, elle aussi, s'accumule, et pourquoi il faut une nuit de sommeil prolongée pour effacer les effets d'une nuit blanche.

Neurones Neurone triangulaire
Photo d'un neurone du sommeil. A gauche, la pointe de la micro-électrode de verre qui permet de mesurer son activité par simple contact, sans endommager la cellule. (Photo: UniGe)

 



Graphique Apaisé par les excitants!
Ces trois tracés représentent l'activité électrique d'un neurone du sommeil:
1. état normal;
2. apaisement rapide sous l'influence de la noradrénaline, de l'acétylcholine et de la sérotonine (qui sont des excitants pour les autres neurones);
3. retour à l'état normal.

 


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Titre de l'article à paraître dans Nature:
"Identification of sleep-promoting neurons in vitro", Thierry Gallopin, Patrice Fort, Emmanuel Eggermann, Bruno Cauli, Pierre-Hervé Luppi, Jean Rossier, Etienne Audinat, Michel Mühlethaler & Mauro Serafin, Nature, 27 avril 2000

Pour tout renseignement complémentaire, n'hésitez pas à contacter:
Michel Muhlethaler
Département de Physiologie, Centre médical universitaire,
tél. +41 78 607 66 74 ou +41 22 702 58 07
fax +41 22 702 54 02