Expositions de l'UNIGE

LA HIÉRARCHIE DES SAVOIRS

QUAND LA SCIENCE DÉFINIT LE «NORMAL» ET LE «PATHOLOGIQUE»

Les débats contemporains autour de l’homosexualité et des transidentités rappellent de quelle manière les sexualités sont l’un des lieux paradigmatiques de la construction des savoirs scientifiques. À titre d’exemple, on peut citer la sortie progressive de l’homosexualité de la pathologie mentale durant les années 1980 ou les conflits autour de la «dysphorie de genre» lors de la préparation du dernier Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM 5), ainsi que les dernières décisions au sein de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) d’introduire dans la Classification internationale des maladies (CIM) la notion de «non-cohérence de genre».

CLASSIFIER LES INDIVIDUS

C’est ainsi que l’histoire de la médecine et des sciences nous montre la volonté des scientifiques de classifier le vivant dans des catégories qui cherchent sans cesse à définir la frontière entre normal et pathologique. Médecins et scientifiques deviennent au fil du temps les expert-e-s des corps
et des sexualités: des organes sexuels d’abord, des pratiques sexuelles ensuite, et des identités de genre aujourd’hui. Alors que, dès la médecine ancienne et jusqu’à la Renaissance, on s’intéresse notamment à la diversité des organes génitaux pour tracer des frontières physiques, c’est seulement au cours du XVIIIe siècle que les comportements et les pratiques deviennent aussi des motifs pour classifier les individus. Et c’est sans doute au cours du XIXe siècle, grâce à l’essor d’une nouvelle spécialité médicale, l’aliénisme – l’ancêtre de la psychiatrie –, que l’on commence à s’intéresser aux pratiques sexuelles, aux identités de genre et à ce qu’on appelle – à cette époque – leurs déviances. La sexualité s’inscrit dès lors dans le domaine de l’expertise scientifique qui voit la reproduction humaine et celle des espèces comme une finalité ultime.

LA RÉSISTANCE COMME MOTEUR DE L’ÉLABORATION DES SAVOIRS

La construction de ces nouveaux savoirs établit également de nouvelles hiérarchies entre les corps et entre les savoirs mêmes: certains se retrouvent stigmatisés du côté de l’illégitimité. Toutefois, malgré des normes de plus en plus rigides, les individus n’ont jamais cessé d’expérimenter, dans leurs
pratiques sociales, de nouvelles formes de transgression et de résistance, participant de ce fait à l’élaboration et à la circulation des savoirs autour des sexualités et des identités de genre.


FRANCESCA ARENA, historienne

4 oct. 2018

Savoirs LGBTIQ+