Allégorie_Justice_Beccaria.pngCesare Beccaria : réception et héritage. Du temps des Lumières à aujourd’hui

21-23 février 2013, Université de Genève

Dès sa publication anonyme à Livourne en 1764, l’ouvrage de moins de cent pages de Cesare Beccaria, Dei delitti e delle pene, focalise l’attention des juristes, magistrats, philosophes, publicistes. Enraciné dans une pensée séculière, le traité forge la modernité pénale et judiciaire dans le contexte du réformisme étatique des années 1760-1780. Marqué par le libéralisme et la modération de Montesquieu (Esprit des lois, 1748) et le contractualisme de Rousseau, Beccaria critique la pratique de l’excès pénal enraciné dans l’héritage inquisitorial. Membre de l’Accademia dei pugni, rédacteur ponctuel du Caffè, professeur d’économie politique, puis fonctionnaire de l’État viennois à Milan, Beccaria pense la peine socialement utile et légale dans une cité juste contre les traditions de l’arbitraire et de la rétribution expiatoire. Il ajoute à l’abolition de la peine capitale pour les crimes de droit commun, la dépénalisation des péchés criminalisés.

Après les colloques milanais et genevois consacrés au projet pénal de Beccaria dans le contexte de la culture juridique des Lumières, nous vous proposons de penser la réception critique de Dei delitti e delle pene. Depuis Voltaire, qui dès 1766 adhère au réformisme beccarien (Commentaire sur le Livre Des délits et des peines), jusqu’à la philosophie pénale et les usages répressifs d’aujourd’hui, la réception du réformateur lombard peut s’inscrire dans la continuité de l’histoire intellectuelle et pratique du droit de punir, comme le montrent les réflexions critiques de Michel Foucault sur la généalogie moderne de la punition dans le contexte carcéral (Surveiller et punir. Naissance de la prison, 1975).

Entre histoire des idées et des pratiques pénales, mais aussi tout autour de l’imaginaire de la peine juste, ce colloque associera des historiens, des juristes, des philosophes et des sociologues pour penser l’œuvre de Beccaria dans la durée de son héritage intellectuel sur les plans théoriques et pratiques. Il s’agira notamment de mesurer les adhésions et les critiques envers le réformateur milanais que le positivisme juridique a transformé en précurseur du droit pénal moderne. On évaluera ainsi l’impact du projet beccarien dans la genèse (théorie, pratique) de la modernité pénale depuis la fin de l’Ancien Régime, jusqu’à aujourd’hui, via l’épisode révolutionnaire et le long XIXe siècle.

Discutant le modèle pénal et judiciaire classique (nature du crime, procédure inquisitoire, statut des témoins, puissance des magistrats, droits de l’inculpé, régime et finalité politique de la peine, légalité des délits et des peines, etc.), Beccaria propose à l’Europe des Lumières un nouveau paradigme du droit de punir. Outre le problème universel de l’abolitionnisme de la peine capitale(donc largement celui de la modération pénale), son ouvrage peut soulever quatre problématiques que le colloque vise à expliciter : la fabrique de la légalité ; la proportion et l’utilité des peines ; la criminalisation et la décriminalisation ; la conception sociale du crime et l’État démocratique.

Colloque organisé en partenariat avec l'International Association for the History of Crime and Criminal Justice (IAHCCJ) et le Centre Bentham (Ecole de droit de Sciences po, Paris).

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Illustration: Allégorie de la Justice. Frontispice de la 3ème édition de Dei delitti e delle pene (1765), gravé par Giovanni Lapi.