Recherches passées (aperçu)

La Montagne comme autre monde

Maison de l’histoire, séminaire de recherche

Automne 2019

Uni Bastions, salle B001B I 12h15 à 13h45

 

Entrée libre, merci de vous annoncer à : carina.roth(at)unige.ch - 022 379 79 09

 

LA MONTAGNE COMME AUTRE MONDE

 

De manière presque universelle, la montagne est perçue comme un espace à part, recelant danger et risque, mais aussi beauté et pureté. L’élévation purement physique des monts, des rochers, de la glace est souvent perçue comme reflétant en miroir les aspirations à une évolution spirituelle. Selon les époques et les lieux, la montagne fait peur ou attire en proportions changeantes.

Dans un grand nombre de cultures, la montagne figure au cœur des représentations mythologiques et religieuses. Le séminaire de recherche de la Maison de l’histoire porte cette année sur l’histoire de quelques-unes des « montagnes sacrées » dans le monde, en mettant l’accent sur leur dimension transformative de porte d’entrée à un autre monde.

 

Dates :

24/09  Dominique Jaillard (Unige) : Altérités des confins. Montagnes, sacrifice et polythéisme en Grèce ancienne

8/10     Jon Mathieu (Uni Lucerne) : How Sacred the Alps?

15/10    Susanne Berthier-Foglar (Uni Grenoble Alpes) : Mines, tourisme et développement: quel avenir pour les montagnes « sacrées » des autochtones étasuniens?

29/10   Bernard Debarbieux (Unige) : Y a-t-il des formes de sacralité dans les sensibilités  et les pratiques de la montagne des sociétés modernes?        

19/11      Carmen Bernand (Professeur émérite des universités, membre honoraire de l’Institut de France) : Un « archétype » américain? La Montagne sacrée et ses répliques chez les peuples originels des Amériques: ancestralité, fertilité, puissance, sacrifices.

 3/12        James Robson (Harvard University) : Overland and Underland: The Hidden Nature of Sacred Mountains in East Asia

Uni Mail, Salle M1160 I 18h15-19h45

 17/12       Anne Mayor (Unige): Le massif de Bandiagara (Mali) : des sépultures collectives pour les morts et des villages-refuges pour les vivants

Uni Bastions, Salle B216

 

Résumés :

Dominique Jaillard (Unige) : 

Altérités des confins. Montagnes, sacrifice et polythéisme en Grèce ancienne 

Îlot d’âge d’or, lieu d’errance pour les bacchantes possédées par Dionysos, espace inquiétant dont Hermès et son fils Pan ouvrent ou brouillent l’accès ; simple éminence dominant un sanctuaire (le modeste Kronion d’Olympie) ou hauteurs inaccessibles accueillant l’assemblée des dieux, l’oros(montagne) grec et ses paysages composent autant de figures d’altérité, « d’ailleurs » contrastés, dont des fictions mythiques explorent les qualités, dessinant en creux, dans leurs écarts avec la chôra cultivée, quelques traits définitoires des cultures sacrifiantes que constituent les cités grecques.

 

Jon Mathieu (Uni Lucerne) : 

How Sacred the Alps?

At the legendary UN Conference on Environment and Development in Rio de Janeiro 1992, the mountains of the world acquired the status of a major ecosystem besides the oceans and the deserts. In a promotional brochure, published by a pressure group in view of that goal, religion was mobilised as an argument for the mountain case with the following words: „Mountains have entered the inner core of society since the dawn of human awareness. All the major and many minor religions render mountains spiritually significant. And despite the spread of modern skepticism, these emotional, religious or spiritual forces prevail throughout much of the world.“ Does this statement of 1992 apply to two central pillars of the European experience: to Christian beliefs and to the Alpine mountain range? The presentation will give a historical view on these questions from the Late Middle Ages to the present day.

 

Susanne Berthier-Foglar (Uni Grenoble Alpes) : 

Mines, tourisme et développement: quel avenir pour les montagnes « sacrées » des autochtones étasuniens?

 

Les territoires autochtones étasuniens sont concentrés dans l’Ouest du pays, une région plus tardivement colonisée. On y trouve aussi les massifs montagneux de la chaîne dorsale nord-sud du continent, lieux de refuge des Indiens lors de l’expansion blanche. Ces terres incultes, qui n’avaient pas grande valeur au 19e siècle, sont aujourd’hui convoitées par la société majoritaire qui souhaite en exploiter les ressources, principalement minières ou touristiques. Parfois, ce sont aussi les Nations Indiennes qui exploitent leurs terres. La place qu’occupent certaines de ces montagnes dans la cosmogonie des tribus, leur « sacralité », complexifie les arbitrages. Cette présentation propose d’illustrer les choix en matière de gestion du territoire ainsi que l’opposition amérindienne. Peut-on exploiter des montagnes « sacrées »? Comment peuvent-elles être protégées? L’inclusion dans un parc national est-elle une réponse adéquate  Qui a des droits sur ces territoires ?

 

Bernard Debarbieux (Unige) : 

Y a-t-il des formes de sacralité dans les sensibilités et les pratiques de la montagne des sociétés modernes?

L’invocation du caractère sacré des montagnes dans la littérature académique quand elle traite du contemporain, mais aussi dans la documentation produite depuis un quart de siècle pour y promouvoir des formes de protection ou de développement durable, vise presque systématiquement à rendre compte des relations particulières que les populations non-occidentales ont avec ce type de lieu. Faut-il en conclure que les Occidentaux, à la faveur de la révolution culturelle induite par la modernité, ont renoncé à associer les montagnes à l’idée de sacré ? La question mérite d’être posée, quitte à décliner plusieurs acceptions de la notion de sacré. Cette présentation s’attachera à faire la part des motivations et de la symbolique religieuse dans les représentations occidentales de la montagne, et à évaluer la part de sacralité qui est à l’oeuvre dans les nouveaux statuts attachés à ce type d’environnement dans les pratiques et les formes de gestion contemporaines.

 

Carmen Bernand (Professeur émérite des universités, membre honoraire de l’Institut de France) : 

Un « archétype » américain? La Montagne sacrée et ses répliques chez les peuples originels des Amériques: ancestralité, fertilité, puissance, sacrifices.

Depuis des millénaires, les premiers bâtisseurs de cités des Amériques, comme en témoignent les vestiges archéologiques et leur imagerie, ont vénéré certains sommets, d'où les ancêtres de chaque peuple ont émergé, véritables autochtones nés de la pierre. Les monts pourvus de force se détachent dans le lointain en raison de leur béance (volcans), leur éclat magique (glaciers) ou leur morphologie insolite, et ils s'intègrent dans la géographie sacrée (perpective, visà-vis, alignements, jeux de lumière...). La Montagne et ses sources intérieures contenues dans son corps creux, ont permis aux humains de vivre de leur labeur, à condition de s'acquitter du prix de la Vie, par des sacrifices d'êtres vivants. La Montagne matricielle et nourricière est déclinée aussi sous le mode artificiel: tertres, "mounds", "huacas" ou pyramides. Ces constructions antiques, tombées en ruines après la Conquête, reprendront une nouvelle vie à partir du XIXe siècle, grâce à l'archéologie et au tourisme. Mais le caractère sacré de la Montagne, en raison de son abstraction, a survécu à l'évangélisation, moyennant quelques arrangements, ainsi qu'à la sécularisation, et s'impose encore au XXIe siècle dans le monde rural. 

La présentation présentera quelques exemples mésoaméricains et andins, aussi bien archéologiques qu'ethnographiques, et posera la question de la longue durée de ces croyances.

 

James Robson (Harvard University) : 

Overland and Underland: The Hidden Nature of Sacred Mountains in East Asia

Most considerations of sacred mountains rightly focus on their dramatic verticality and how the ascent of mountains is akin to a spiritual ascent. In East Asia, however, it is noteworthy that sacred mountains were not always the highest mountains or most pronounced topographic features on the landscape. This talk seeks to uncover some of the less well-known features of East Asian sacred mountains by both looking up to the firmament of stars above and down into the dark foreboding world of labyrinthine caves below. It will also consider the ways that their sacrality is constituted by what is “in” them rather than just their lofty heights. Finally, this talk will discuss the various ritual methods for entering mountains safely, which at the same time provide us with a glimpse of some of the potential dangers that await those who venture into mountains.  

 

Anne Mayor (Unige): 

Le massif de Bandiagara (Mali) : des sépultures collectives pour les morts et des villages-refuges pour les vivants 

Si le massif de Bandiagara, classé au patrimoine mondial naturel et culturel de l’UNESCO, n’est pas à proprement parler une « montagne », son plateau gréseux terminé par un escarpement constitue néanmoins un élément remarquable dans le paysage plat du delta intérieur du Niger et des plaines sahéliennes environnantes, et a de ce fait attiré diverses populations et favorisé des rituels particuliers au fil du temps. 

A partir des résultats de recherches ethnographiques et archéologiques, cet exposé évoquera les divers rôles joués par ce massif rocheux. Sépultures collectives et lieux de rituels en grottes, villages-refuges perchés, représentations rupestres, masques de bois ou simples poteries sont autant de témoins matériels qui racontent l’histoire du peuplement et le développement de traits culturels caractéristiques des populations pré-dogon et dogon. Par ailleurs, des témoins du patrimoine immatériel, tels que les multiples langues de la famille dogon, les récits oraux de fondation des villages et la création d’une identité ethnique « dogon », complètent cette histoire faite tour à tour de replis et de contacts.