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Quatrième partie
La Suisse, dans l’avenir européen

[p. 277] Le régime que l’on vient de décrire est, dans l’Histoire, l’un des derniers venus. Si l’on représente par une journée la période des civilisations un peu connues et qui va des peintures de Lascaux, pièges magiques, jusqu’aux pièges cosmiques de nos laboratoires, le fédéralisme n’apparaît qu’au cours des cinq dernières minutes.

Quelques instants d’histoire locale, dans le temps ; et dans l’espace, quelques arpents de relief rude situés vers le milieu de cette péninsule européenne de l’Asie qui occupe à peine 4 % des terres du globe : c’est à quoi j’ai borné mon attention. Les avions de demain survoleront la Suisse en si peu de temps que la plupart des voyageurs ne s’en apercevront même pas. Cet objet de mon étude, ce petit corps politique, n’est-il pas destiné à tomber rapidement en désuétude, dans un monde en pleine mutation démographique, technologique et culturelle ? C’est ce que nous porterait à croire une forme de pensée certes courante encore, mais qui est elle-même anachronique : celle du propriétaire terrien, gérant d’un État national. Or, nous avons vu que la Suisse n’est pas d’abord un territoire mais une fonction. Son importance n’est pas celle d’un domaine, mais d’une structure de relations. Elle ne se mesure pas en kilomètres carrés, en tonnes de blé ou de minerai, en divisions mobilisables : elle dépend de l’efficacité et de la fécondité d’une formule d’organisation, d’une méthode d’articulation des groupes humains de toute nature et de leurs activités différenciées.