Présentation des travaux pris en charge par l’Université Savoie Mont Blanc (au 1er juin 2019)

1. Contexte des recherches

L’habitat connaît sur le territoire du Genevois une crise générée tant par les évolutions démographiques que l’évolution des modes de vie. L’envolée des prix immobiliers au regard de la capacité financière des ménages pose des difficultés d’accès à la propriété. 

Le logement coopératif est actuellement peu utilisé en France. En Suisse, en revanche, les fondements du logement coopératif sont davantage ancrés dans la culture des habitants confrontés de longue date à des difficultés d’accès à la propriété. Les coopératives d’habitants représentent dans certaines villes de la Confédération la majorité des réalisations. Elles sont souvent perçues comme étant moins chères et plus innovantes que des logements plus classiques. Dans le canton de Genève, par exemple, le logement coopératif dispose par exemple d’un socle de projets réussis. S’appuyant sur ces expériences, le législateur français a tenté d’importer ce modèle sur son territoire. Toutefois, en raison des différences au niveau du cadre légal, des attelages institutionnels ou en terme d’acceptabilité par les acteurs de la construction, le développement du logement coopératif sur le territoire français s’avère encore problématique. 

En tenant compte des spécificités de la France, notamment en matière d’aménagement du territoire et de parcours résidentiel, l’objectif de DEVCOOP est de faire en sorte que les coopératives d’habitation deviennent une voie naturelle de logement au travers de l’habitat participatif.

2. Objet des recherches

Il s’agit d’une part d’identifier les freins au développement de l’habitat coopératif puis de clarifier les conditions pouvant permettre la généralisation d’un modèle pérenne et attractif de logement. D’autre part, des actions destinées à promouvoir le modèle sont à mener ainsi que des expérimentations sur le territoire du Genevois français. Il convient ainsi de favoriser la prise de conscience par l’opinion publique que l’habitat coopératif est une alternative crédible aux autres formes d’accès au logement. Il est nécessaire enfin de contribuer à faire évoluer la posture encore trop attentiste des opérateurs de marché ou des élus locaux. Il faut rappeler que si le logement constitue le premier poste de dépenses des habitants, pour le territoire c’est une source majeure de valeur, d’activité et d’attractivité mais aussi de paix et de développement sociaux.

Notre approche devra donc tendre à faire évoluer le modèle économique pour :

  • en maîtriser la volatilité induite par le foncier et en assurer le portage,
  • optimiser le coût de construction en évitant la juxtaposition de modèles économiques de courts termes sur un bien dont l’usage peut être mené sur des décennies,
  • proposer une solution en adéquation avec les besoins de tous les habitants,
  • tendre vers une approche durable, porteuse si possible de valeurs utiles à la construction d’une ville agréable à vivre.

Par ses spécificités juridiques - et notamment les démembrements du droit de propriété sur lesquels il repose - et sa philosophie, l’habitat coopératif peut offrir à l’occupant du logement une meilleure qualité d’usage et des services qu’il ne peut pas forcément s’offrir sur le marché locatif ou de l’accès à la propriété classique.

3. Constat: l’absence d’un modèle clair 

Les travaux parlementaires préalables à la loi ALUR (loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové) présentent l’habitat participatif (dont le volet coopératif est l’une des déclinaisons) comme une troisième voie pour la résolution des problèmes récurrents de logement en France, les exemples notamment Suisse, Suédois ou Allemands sont cités en exemple.

Or, paradoxalement, suite à une première recherche réalisée auprès des institutions françaises de référence (Ministères, USH, etc.), on observe que l’habitat participatif/coopératif ne fait pas l’objet d’une attention particulière. 

Par ailleurs, les « remontées » du terrain attestent que beaucoup d’acteurs impliqués dans les questions de l’habitat (HABICOOP, CAUE, EPF de Haute-Savoie) perçoivent de nombreux points de blocages juridiques ou psychologiques pour développer le modèle coopératif pour le logement. L’usage du foncier ou du bien conféré par un bail ou dans le cadre d’une jouissance auprès d’une société coopérative ou d’autopromotion, voire d’un office foncier solidaire, pose des difficultés pour obtenir les conditions d’un montage viable et duplicable.

En l’état actuel le modèle de l’habitat coopératif/participatif ne constitue donc toujours pas une troisième voie qui peut entraîner la mise en place d’une politique durable de l’habitat. A priori, le principal problème est financier (fonds propres, accès aux prêts, garantie financière d’achèvement, assurance). En réalité, la question financière découle d’un manque de confiance et de visibilité dans le modèle coopératif tant par les acteurs économiques (banques, assureurs, promoteurs) que par les élus locaux (encore peu familiarisés). Il manque en somme un modèle clair et crédible. Ces difficultés illustrent le besoin de réaliser un travail détaillé de définition d’un modèle type d’opération d’habitat coopératif/participatif (acteurs, phases, etc.) reconnu par les parties prenantes et qui soit en phase avec les aspirations des ménages. Il s’agit d’offrir une réelle solution pérenne en matière de politique du logement.

4. Actions de recherche engagées : droit, économie, sociologie

Les travaux sont menés en coordination avec les différents partenaires du projet.

Mission postdoctorale : cerner le modèle coopératif

Lionel Pancrazio (lionel.pancrazio(at)univ-smb.fr) a été recruté en tant que post-doctorant par le Centre de recherche en droit Antoine Favre de l’Université Savoie Mont Blanc (2019-2020 - USMB). Economiste de formation, sa mission principale est de travailler à la clarification d’un modèle coopératif. La forme du modèle doit assurer l’optimisation des ressources de l’ensemble, permettre un développement à la fois local et global : à la fois développeur, régulateur et dépositaire d’un modèle durable. Il tiendra compte du fait que les zones de forte tension sur la demande de logements sont caractérisées par une quote-part très importante de la charge foncière dans le prix de revient et par une grande stabilité des marchés immobiliers.

La mission est en lien avec la démarche engagée sur les projets tests potentiels et de l’approche sociologique des coopérateurs. Elle débute par :

  • une étude du potentiel de marché pour le logement coopératif,
  • l’analyse des montages possibles à partir de la loi portant statut de la coopération de 1947 et de la loi ALUR de 2014 mais aussi des contraintes issues du droit de l’Union européenne (concurrence) et des pratiques des financeurs.

Ces travaux sont destinés à permettre la réalisation d’un guide à l’attention des décideurs publics et privés et pourraient être complétés par un ouvrage à diffusion plus large.

La mission consiste aussi à mener des actions de communication notamment à travers la (co)production d’une exposition sur l’habitat coopératif, complétée par une exposition itinérante sur le logement coopératif incluant la dimension locale, nationale et internationale.

Stage en droit public : comment les collectivités publiques peuvent-elles aider les projets de coopératives d’habitants ?

Enseignant référent du stagiaire : Jean-François Joye, Enseignant-chercheur en droit public à l’USMB (Centre de Recherche en Droit Antoine Favre)

Tuteur de stage : Lionel Pancrazio

Étudiante : Pauline Collart, Master 1 Droit public, Faculté de droit de Chambéry

Objet (du 13/05/2019 au 03/07/2019) : l’étude proposée, à caractère juridique, se donne pour objectif d’analyser les possibilités offertes par les institutions publiques pour aider au montage opérationnel de projets :

  • Élaborer un cadre conceptuel autour de l’intervention publique dans l’habitat coopératif (action sur la foncier, subventions possibles, garanties d’emprunt) respectueuse du droit de l’Union européenne
  • Effectuer une revue de la littérature juridique
  • Rédiger une note de synthèse qui sera présentée au comité scientifique du projet DEVCOOP.

Stage en droit privé : quelles sont les conditions juridiques de mise en œuvre des sociétés coopératives ?

Enseignant référent du stagiaire : Jean-François Joye (USMB, Centre Favre)

Tuteur de stage : Lionel Pancrazio

Étudiant : Loric Rattaire, Master 1 Droit privé, Faculté de droit de Chambéry

Objet (du 13/05/2019 au 26/07/2019) : l’étude proposée, à caractère juridique, se donne pour objectif d’analyser les conditions de mise en œuvre des opérations d’habitat participatif par les sociétés porteuses :

  • Préciser la nature juridique des sociétés coopératives (sociétés du code de commerce), des coopérateurs possibles et des contrats coopératifs
  • Effectuer une revue de la littérature juridique
  • Rédiger une note de synthèse sous forme de rapport de recherche qui sera présentée au comité scientifique du projet DEVCOOP.

Stage en sociologie : comment les habitants incarnent ou peuvent incarner cette forme d’habitat coopératif ?

Stage de six mois (1er semestre 2019) par Florien Gaillardin (Master 1 Sociologie et Sciences Sociales appliquées aux métiers des études et de l'enquête) et dirigé par Roland Raymond, Sociologue, Enseignant-chercheur à l’USMB, Pôle Enquête – laboratoire LLSETI.

Objet : réalisation d’une enquête mêlant dimensions diachroniques et synchroniques, relative aux développements de plusieurs habitats coopératifs. Dans une perspective d’historicisation, il s’agit de comprendre avec les habitants comment la forme coopérative s’est mise progressivement en place, comment ils parviennent à incarner cette forme d’habitat coopératif, comment ils s’y s’engagent au fil du temps mais aussi de manière durable ? Il s’agira aussi de comprendre quels sont les aspects et les contingences pratiques et significatives qui peuvent être dégagés des expériences de cette forme d’habiter, des éléments qui peuvent rendre à la fois intelligible et transposable une dimension formelle apportant des éléments de connaissance nourrissant les réflexions sur les projets ou réalisations en cours.