Projets de recherche

Images exotiques du Monde

Le rapport actuel de l’Occident à l’Autre et à l’Ailleurs résulte d’une construction politique et discursive qui s’inscrit dans le temps long, mais a connu une phase cruciale à l’époque coloniale.
L’exotisme, conçu non comme le propre d’un objet regardé mais comme celui d’un sujet et de son regard, s’inscrit dans une histoire sociale et culturelle au sein de laquelle se dégagent un lieu central : les pays (coloniaux) européens, un moment clef : la fin du XIXe siècle, une pratique fondatrice : le voyage, et une représentation privilégiée : l’image, notamment photographique.
Cette recherche, qui a l’exotisme pour objet, vise à nous faire voir l’Ailleurs tel que l’Occident le voyait, au moment où s’y cristallise un imaginaire géographique destiné à perdurer. Pour ce faire, deux fonds exceptionnels s’offrent à nous : d’une part les 1'700 photographies collectées par le Genevois Alfred Bertrand (1856-1924) lors de ces deux tours du Monde (1878 et 1907), déposées au Musée d’ethnographie de Genève (MEG) ; d’autre part les clichés pris par le photographe genevois Fred Boissonnas (1858-1946), notamment en Grèce et en Afrique du Nord entre 1902 et 1930.
 
Pleureuses, FBoissonnas
Fred Boissonnas, Les Pleureuses au cimetière d’Assiout, Egypte 1930, photogravure (in L’Egypte, Genève, P. Trembley, 1932, hors texte n° 7).
La composition de l’image rappelle beaucoup les tableaux orientalistes du XIXe.
La qualité et l’intérêt majeur de ce corpus tiennent à sa cohérence, son accessibilité et sa représentativité. Cohérence car toutes ces images ont été prises et collectées par deux Genevois contemporains, dans un esprit de système et un laps de temps assez court. Accessibilité car toutes les photographies d’A. Bertrand ont été cataloguées et numérisées par le MEG en 2007, et les clichés de F. Boissonnas qui nous intéressent sont rassemblés dans deux fonds d’archives, le Musée de la Photographie de Thessalonique et un fonds d’archives privé genevois. Représentativité car le regard de ces deux personnages reflète bien le point de vue de la bourgeoisie genevoise sur le Monde, et sans doute celui des élites européennes, tant ils sont cosmopolites.
Dans une perspective multidisciplinaire (histoire coloniale, histoire de la photographie et des représentations, géographie culturelle, anthropologie visuelle), ce projet vise à systématiser une analyse iconographique de ce corpus. Celle-ci aidera à mieux caractériser l’imaginaire géographique (notamment colonial, et en particulier en Suisse) et le rôle des images dans sa construction. Au total, il s’agit de voir comment se fabrique l’exotisme.

La recherche, financée par le Fonds National Suisse de la Recherche (FNS), sera réalisée d'octobre 2009 à septembre 2012.

Collaborateurs

Famille malaise, ABertrand

Famille malaise (Batavia) [Java], auteur non identifié, tirage sur papier albuminé vers 1875 (MEG, coll. A. Bertrand, inv. ETHPH 60-02-15).
On note que l’eau est due au pinceau du retoucheur.