Notre Master en Sociologie

Atelier de recherche 1

Familles recomposées et familles intactes : quelles ressources relationnelles ?

Contact : eric.widmer(at)unige.ch

 

Chaque année, environs 15'000 enfants voient leurs parents divorcer en Suisse. Au total, environ un enfant sur dix vit dans une structure familiale recomposée. Si l’on tient compte du fait que les structures familiales évoluent dans le parcours de vie (une partie des familles monoparentales deviendront des familles recomposées), ce pourcentage augmente encore. Les familles recomposées sont donc devenues une réalité incontournable dans les sociétés contemporaines. Malheureusement, la plupart des résultats de recherches quantitatives sur les familles recomposées proviennent des Etats-Unis et de Grande-Bretagne. Il est frappant de constater que le thème est ignoré en Suisse (pour quelles raisons ?). Cet atelier entend commencer l’exploration de ce vaste et complexe sujet en privilégiant une démarche quantitative, et en se centrant sur la question des ressources relationnelles (ou « capital social ») mises à disposition par ces familles, en comparaison des familles intactes. L’hypothèse généralement suivie dans la littérature scientifique est celle du déficit : les familles recomposées mettraient à disposition de leurs membres moins de soutien, ce qui aurait un effet négatif sur la socialisation des enfants et la qualité des relations conjugales.

L'atelier a mis en place une recherche portant sur 100 familles ayant au moins un enfant entre deux et quinze ans. Le tiers d’entre elles sont des familles recomposées alors que les deux tiers restants sont issus d’une première union. La collecte des données, maintenant terminée, fut une expérience originale pour ceux d’entre nous qui avaient l’habitude de questionnaires standardisés, puisque les questions portant sur les réseaux familiaux tendaient à analyser les insertions sociales dans toute leur complexité, en laissant aux personnes concernées une grande latitude de réponse.

Nous effectuons maintenant l’analyse des données, en faisant l’hypothèse que les configurations familiales recomposées s’assimilent à des réseaux très ouverts, où les connections entre les individus sont largement individualisées et où certains trous relationnels sont apparents (Widmer, 2006). Dans l’exemple suivant, on remarque qu’il n’y a pas de liens directs entre ego (la personne qui répond à l’interview) et la partenaire de son père, ainsi que le partenaire de sa mère. En d’autres termes, les familles recomposées ne souffriraient pas d’un déficit de capital social, mais développeraient des formes de soutien et d’intégration spécifiques (capital social de type « bridging » - ou "pont"-  Burt, 1995; Granovetter, 2000).

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Alternativement nous allons tester l’hypothèse que les configurations familiales qui ne sont pas encore passées par le divorce et la recomposition familiale, s’assimilent à des réseaux beaucoup plus denses dans lesquels les membres de la famille sont très largement interconnectés (capital social « bonding », Coleman, 1988). Le graphique suivant donne un exemple d’une telle configuration.

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Cherchant à vérifier les hypothèses d’Anthony Giddens et d’Ulrich Beck sur l’affaiblissement des structurations collectives de l’intime et du familial, prétendument laissés au bon vouloir des individus, notre équipe cherche aussi à mettre en lumière les contraintes sociales s’exerçant sur les deux types de familles. C’est par le biais des trajectoires de vie (familiales, professionnelles mais aussi migratoires) et la classe sociale que la question sera abordée empiriquement. Loin d’être individualisées, les trajectoires de vie menant à la recomposition suivent des modèles spécifiques, sans doute sensibles au statut social, qu’il s’agira pour nous de découvrir.

 

Références :

  • Burt, R. (1995). Le capital social, les trous structuraux et l'entrepreneur, Revue française de sociologie, 36, 4: 599-628.
  • Coleman, J. (1988). Social capital and the creation of human capital, American Journal of Sociology, 94: 95-121.
  • Granovetter, M. (2000). Le marché autrement. Les réseaux dans l’économie, Desclée de Brouwer, collection « sociologie économique », 239 pp.
  • Widmer, E. D. (2006). Who are my family members? Bridging and binding social capital in family configurations, Journal of Personal and Social Relationships, 23, 6: 979-998. 

 

Pubblications:

 

Recherche reliée à cet atelier :

Lien vers le site de la recherche : Familles recomposées: quelles ressources et quels nouveaux défis?

 

L'équipe (2009/08) :

Julia Pejchova (étudiante de Master), Alexandre Pillonel (étudiant de Master), Mialy Randriamangason (étudiante de Master - IHEID), Jana Vesela (étudiante de Master), Ivan De Carlo (assistant), Eric Widmer (professeur ordinaire).

 

L'équipe (2007/08) :

Ivan De Carlo (assistant), Lucie Marchon (étudiante de Master), Antoine Müller (étudiant de Master), Abadacar Dieng (doctorant), Eric Widmer (professeur ordinaire).

 

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