Notre Master en Sociologie

Les familles en réseau

21 mars 2018



Les familles en réseau

Professeur Eric Widmer, Discutant : Jean Blanchard

 

La famille en sociologie

Le groupe que représente la famille est un groupe d’étude primordial en sociologie.

Pendant longtemps, la famille a été définie en sociologie par deux éléments principaux : le mariage et les enfants nés dans le cadre du mariage. Cela rappelle la « famille nucléaire », encore centrale aujourd’hui dans la sociologie quantitative de la famille.

S’intéresser à la manière dont les individus s’inscrivent dans des groupes est indispensable pour comprendre la vulnérabilité individuelle. Dans cette optique, l’analyse des réseaux permet de capter les diversités de configurations familiales, qui intègrent les individus de manière différente dans un groupe, et leur procure par conséquent des ressources et des contraintes variables selon les situations.

La composition des réseaux familiaux

En sociologie des réseaux, il est commun d’utiliser une méthode appelée « générateur de noms ». Cet outil permet de définir les liens qu’une personne (ego) entretiens avec d’autres individus (alters) dans un domaine précis. Dans le domaine de la famille, le Professeur Widmer a créé un générateur permettant de définir les membres significatifs de la famille d’ego. L’idée est de laisser les individus définir eux-mêmes leur famille, sans mettre de bornes ou de contraintes. Les membres ainsi choisis par ego peuvent autant s’inscrire dans des relations de parenté que dans des relations d’amitié. Par ailleurs, il est important de préciser que les membres considérés comme significatifs peuvent aussi bien représenter des liens positifs que négatifs.

Des contextes familiaux très variés

Dans leur définition de la famille, certaines personnes sont très inclusives, d’autres personnes mettent l’accent sur les relations appartenant au passé, ou encore sur les membres de la famille du côté du conjoint. Chez certaines personnes, on remarque également une imbrication entre les liens de parenté et les liens d’amitié. Cela génère des contextes familiaux très variés.

Pour illustrer la diversité de ces contextes familiaux, il est utile de s’intéresser à des études de cas précis. Des exemples de réponses à la question des membres significatifs de la famille de divers cas sont mis en évidence : c’est le cas d’anciens enfants placés (en foyer ou en famille d’accueil) ainsi que d’individus en thérapie longue. Les personnes citées comme significatives et les définitions qu’ont les personnes de leur famille influencent les ressources et les contraintes qui s’imposent à chacun.

Les types de configurations familiales

La sociologie des réseaux s’intéresse aussi aux familles recomposées, dont les logiques et les compositions sont également multiples. Notons d’ailleurs que le terme de « famille recomposée » pose problème, car il ne représente pas très bien cette multiplicité des situations familiales.

Neuf types de configurations familiales peuvent être dégagées : le type « famille restreinte » (nucléaire), « amicale » (basé sur les amitiés), « alliance » (où la parenté du conjoint domine), « frères » ou « sœurs » (prenant une importance décisive dans le réseau), « parenté », « verticale », « post-divorce » (typiquement les familles recomposées), ou encore « sans partenaire » (faisant référence aux familles monoparentales).

De ces différents types, nous retenons encore une fois la diversité des relations familiales, toutefois associée à une certaine constance, puisque ces différentes configurations reviennent systématiquement dans l’analyse de réseaux.

Au sein de ces configurations familiales, deux types de capital social peuvent être mis en avant : le capital social « pont » et le capital social « chaîne ».

Le capital social « chaîne » constitue une forme de relation où le contrôle social est fort et collectif : les différents membres du réseau se consultent et se soutiennent mutuellement.

Le capital social « pont » situe l’enfant au centre du réseau. Cette situation peut être considérée comme bénéfique, puisque cela représente un environnement plus varié et ouvert que dans le cas du capital social « chaîne ». Toutefois, cette variété et cette ouverture peuvent être perçues comme des facteurs de fragilisation de l’individu (notamment de l’enfant), car les relations y sont individualisées, et manquent donc de coordination.

Configurations familiales et parcours de vie

Analyser les réseaux, et plus précisément les familles, sous l’angle du parcours de vie permet de capturer les différentes logiques que suivent les individus dans un groupe. En effet, la famille n’est pas une donnée fixe, mais elle réagit à un contexte avec des contraintes particulières. Par exemple, il est impossible de penser la famille, et de comprendre les parcours de vie, sans prendre en compte les trajectoires professionnelles.

L’analyse des parcours de vie et des configurations familiales sont particulièrement utiles dans l’étude des vulnérabilités. En effet, les configurations familiales représentent des capacités à maintenir des liens, à donner ou à recevoir du soutien émotionnel ou encore à gérer du stress, qui sont des dimensions de la vulnérabilité.

Discussion

Jean Blanchard soulève la question des familles en situation de précarité : quelles sont leurs réalités et comment leur situation diffère de celle des familles plus aisées ?

Selon le Professeur Widmer, les familles en situation de précarité importante ont soit une définition largement nucléaire de la famille, soit des définitions très mouvantes, signe d’un manque de stabilité dans leurs relations. Dans tous les cas, la notion de solidarité est une dimension essentielle dans le cadre des familles faisant face à des situations de vulnérabilité. Jean Blanchard relance en mentionnant le rôle de l’Etat dans l’aide aux familles vulnérables, qui influence largement la diversité de composition des familles.

 

Marion Aberle, 21 mars 2018



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