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Une ethnosociographie de familles « polyamoureuses »

11 avril 2018



Une ethnosociographie de familles « polyamoureuses » : structures sociales et vulnerabilités

 Pierre-Yves Wauthier, Discutant : Sandro Cattacin

 

Pierre-Yves Wauthier est doctorant à l’Université catholique de Louvain et à l’Université de Genève. Sa présentation porte sur ses recherches effectuées dans le cadre de sa thèse.

Contexte

Après avoir défini les éléments contextuels , qui caractérisent l’Europe de l’Ouest ces dernières décades (baisse du taux de divorce, augmentation des divorces, augmentation des naissances hors mariage qui sont plus ou moins équivalentes aux naissances dans le mariage, apparition de nouvelles formes de vie en couple (living apart together,…), utilisation de la procréation médicalement assistée, développement de nouvelles normes sexuelles et maritales), Pierre-Yves Wauthier indique que ces éléments, ainsi que le développement de nouvelles formes familiales, affectent la parenté.

La parenté se construit autour de 6 axes:

  • Filiation
  • Alliance
  • Résidence
  • Régulation de la sexualité
  • Conception sur la procréation
  • Terminologie                                                             

La famille est une mise en pratique du système de parenté, qui lui-même s’inscrit dans un système religieux et politique. La parenté est le lieu premier où se transmet l’ordre social à la génération suivante.

Plusieurs construits sociaux existent autour de la famille, comme le fait d’être en binôme hétérosexuel, ainsi que le lien mère-enfant.

Question de recherche

La question centrale de la recherche est comment faire famille sans faire couple et quel est le processus qui fait qu’on en arrive à ce postulat.

Méthode

La recherche se base principalement sur des entretiens approfondis avec 35 informateurs francophones privilégiés, qui ont accepté de parler du fonctionnement de leur famille et de la définition des membres significatifs de leur famille (Family network method).

Polyamour

Le polyamour est défini par le site polyamour.info, amours pluriels, Polyamour Suisse, mais il n’apparaît pas dans le Petit Robert ou le Larousse.  On est confronté à un terme vernaculaire comportant une variété de définitions, qui regroupe une diversité de pratiques et de configurations.

« Le polyamour est une façon d’être, une forme de conscience, et/ou un style de vie qui implique des relations simultanées, de nature romantique et/ou sexuelle, mutuellement reconnues, entre plus de deux personnes…Les polyamoureu.ses.x peuvent très bien être exclusivement lesbiennes, gays, bisexuel.le.s, mais leurs efforts pour dépasser les limites de la monogamie érodent les binarismes établis, en ce compris le mythe que faire partie d’une dyade exclusive est l’unique forme d’amour véritable ». (Anderlini-‐D’Onofrio, in Jo Eadie (Ed.) Sexuality: the Essential Glossary, 2004, p. 165).

La vie sociale est imprégnée par la norme de la monogamie, de la manière dont on construit les logements ou les voitures.

Configuration familiale non monogame

Dans une configuration familiale monogame, un homme et une femme partagent du temps, une sexualité, la charge domestiques et font des enfants.  Les couples polyamoureux ont un temps plus court, ne donnent pas forcément l’attention principale au partenaire sexuel, ne partagent pas automatiquement les charges domestiques avec le partenaire sexuel et peuvent avoir des enfants en dehors des différents partenaires sexuels actuels.

Les caractéristiques principales que l’on retrouve chez la plupart des personnes polyamoureuses sont l’autonomie financière, le fait d’habiter dans une zone urbaine ou périurbaine, une propension à davantage voyager, l’utilisation des nouvelles technologies pour maintenir le contact avec des personnes qui peuvent être relativement éloignées les unes des autres et la pratique du contrôle de la fertilité.

On distingue deux groupes principaux, ceux qui prônent l’émancipation personnelle et ceux qui prônent l’épanouissement personnel.

En règle générale, les polyamoureux ont une meilleure répartition des tâches domestiques que les couples monogames, étant donné que les deux partenaires veulent avoir du temps pour assumer plusieurs relations. Ils pratiquent une communication active et utilisent des moyens efficients de gestion des conflits.

Pour les polyamoureux, faire couple est une épreuve et se trouver dans des relations plurielles permet d’expérimenter une forme de résilience face à la vulnérabilité des familles monogames.  Par contre, l’environnement normé n’est pas adapté aux polyamoureux, ainsi que le droit qui se révèle souvent inadapté à leur cas. Pour augmenter leurs ressources, ils forment des coalitions soudées et s’entraident volontiers.

Questions

Les familles polyamoureuses consomment-elles plus et sont-elles un signe de la société de consommation ? Pierre-Yves Wauthier n’a pas les moyens de répondre, mais indique que la société de consommation affecte toutes les familles et participe éventuellement aux changements de toutes les familles.

Par rapport au stress, une personne de l’assistance estime qu’il y a autant de stress à côtoyer 10 partenaires, qu’un seul.

L’étude porte sur des personnes vivant en France, en Suisse et au Luxembourg, mais il y a des contextes liés aux difficultés de logement, de travail, etc. qui sont différents dans tous ces pays. 

 

Marie-Eve Zufferey, 11 avril 2018

 



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