Notre Master en Sociologie

La santé nous est chère, certains doivent y renoncer

19 mars 2017



Le forum de recherche sociologique a continué d’explorer les inégalités sociales face à la santé en se penchant, ce mercredi 15 mars, sur le renoncement aux soins. Pour cela, l’Institut de recherches sociologiques avait invité Idris Guessous, médecin responsable de l’unité d’épidémiologie populationnelle des HUG.

Idris Guessous analyse l’état de santé de la population du canton de Genève à l’aide du Bus Santé, une unité mobile médicalisée qui sillonne le canton. L’arc lémanique est une région riche et dotée de technologies médicales de pointe, si bien que certains iraient même jusqu’à l’appeler la « health valley ». Cependant, malgré cette prospérité, un constat se dégage des recherches d’Idris Guessous : une partie de la population se prive de soins, alors même qu’elle est assurée.

Les raisons d’un tel renoncement sont multiples, mais l’intervenant explique que le facteur économique est primordial, et c’est sur cela qu’il a concentré ses recherches. A Genève, une personne sur sept ne profite pas de l’offre sanitaire par manque de moyen et ce chiffre monte à 28% pour les personnes qui gagnent moins de 3'000 francs par mois ! L’inégalité sociale face à la santé est ici indéniable, puisque l’on observe alors que le renoncement aux soins est inversement proportionnel au revenu.

Cette situation touche la région genevoise mais tout laisse à penser qu’il en est de même ailleurs. En Suisse, cela s’explique notamment par le système de santé en place. Chaque habitant doit être assuré, mais cette obligation ne serait pas toujours respectée sans l’aide de l’Etat. En effet, les primes sont élevées et l’assurance dont bénéficie l’individu ne prend pas tout en charge. En conséquence, les prestations dentaires et ophtalmologiques sont celles qui sont le plus délaissées. Le prix est donc bel et bien ce qui dissuade les gens, qui, selon une étude, finissent par payer 30% des soins qu’ils consomment, peu importe leur couverture, un pourcentage très élevé par rapport aux autres pays européens.

Idris Guessous termine sa présentation en précisant que si le renoncement décrit ci-dessus est troublant en soi, ce phénomène ne deviendrait vraiment problématique que si cela avait un impact réel sur la santé des personnes concernées. Mesurer l’effet d’un renoncement est désormais la prochaine étape des recherches d’Idris Guessous et de ses collègues, qui prévoient de comparer des individus ayant renoncé à des soins à d’autres qui ne s’en sont pas privés.

La deuxième partie de cette conférence a été consacrée à la discussion, initiée par Sabrina Roduit, assistante et doctorante au département de sociologie. Après avoir confirmé le phénomène observé, elle a élargi la problématique en se penchant sur les dynamiques transfrontalières, à savoir, des habitants suisses allant se faire soigner en France. Par la suite, il a été question de la responsabilité individuelle ainsi que celle du corps médical face aux renoncements constatés. Puis, la recherche de solutions concrètes a été abordée. Encore une fois, le facteur économique a été mis en avant pour expliquer les difficultés de changer la tendance. En effet, des coûts élevés n’incitent pas la population à anticiper ses potentiels problèmes de santé, alors que cette dernière reste une priorité pour tout le monde. La discutante et le public ont cependant souligné l’importance de considérer d’autres facteurs que les barrières économiques pour expliquer le renoncement aux soins. Tous se sont accordés pour appeler à la poursuite des recherches concernant le renoncement aux soins, un domaine encore trop peu investigué à ce jour. Avis aux épidémiologues, médecins ou sociologues en herbe !

 

César Humerose, étudiant du Master en sociologie, 20.03.2017



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