Notre Master en Sociologie

Les inégalités sociales face à la santé en Inde et en Suisse

24 avril 2017



Ce mercredi 12 avril, nous avons eu la chance d’entendre l’organisatrice du Forum 2017, Claudine Burton-Jeangros, nous présenter ses travaux sur les inégalités sociales face à la santé en Inde et en Suisse, dans le cadre d’un projet commun entre les deux pays. Membre du NCCR LIVES et professeure au département de sociologie de l’UNIGE, Claudine Burton-Jeangros nous présentait une étude visant à répondre à des questionnements sur la mesure et la distribution de la vulnérabilité et du bien-être en comparant notamment des données de santé autoévaluée récoltées dans les deux pays.

Claudine Burton-Jeangros a commencé par exposer la problématique liée à la mesure de la santé d’une population : comment mesure-t-on la santé d’une population dans des contextes aussi différents que celui de l’Inde et la Suisse ? En effet, les deux pays ont des différences socio-économiques et culturelles immenses mais les inégalités de santé restent néanmoins importantes dans les deux pays.

Pour l’Inde, les données du World Health Survey ont été utilisées et pour la Suisse, celles de l’enquête nationale sur la santé de 2007. Pour mesurer l’état de santé ou la morbidité d’une population, il existe différents types de mesures, dont celle de la santé autoévaluée (« comment évaluez-vous votre santé aujourd’hui ? ») Cet indicateur est celui qui a été utilisé dans cette recherche et celui qui est le plus proche de la définition de la santé de l’OMS (« un état de complet bien-être physique, mental et social »).

La sociologue a expliqué que les chercheurs indiens étaient très sceptiques au départ par rapport à la valeur des mesures auto-reportées qui seraient en décalage avec l’espérance de vie observable. Ce projet commun a cependant permis de développer un dialogue enrichissant entre les chercheurs d’Inde et de Suisse, et notamment de mettre en évidence la pertinence des mesures de santé autoévaluée.

La sociologue et l’un de ses collaborateurs, Stéphane Cullati, ont mis en place un indicateur qui combine santé autoévaluée et cinq autres dimensions (santé physique, maladie chronique, santé mentale, santé fonctionnelle et comportements de santé). Ils ont ainsi montré à travers celui-ci que la santé autoévaluée est un indicateur solide, en Inde comme en Suisse, puisqu’il existe un lien direct entre état de santé « objectif » et santé autoévaluée. La chercheuse nous a toutefois rappelé que les attentes en matière de santé varient en fonction des contextes, ce qui a un impact sur la comparaison entre deux pays. En effet, l’Inde et la Suisse possèdent des systèmes sanitaires très différents en termes de qualité et d’accès et les pratiques de santé des individus sont négociées en fonction du contexte socio-culturel. Ainsi, il existe des attentes différentes en matière de santé dans les deux pays.

Ensuite, Claudine Burton-Jeangros a exposé que les résultats tendent à montrer que la santé autoévaluée est meilleure en Suisse qu’en Inde mais que le gradient social face à la santé est persistant dans les deux contextes (en fonction de l’âge, du niveau d’éducation, etc.), malgré des distributions très différentes entre l’Inde et la Suisse. Par exemple, les femmes et les personnes âgées se disent en moins bonne santé dans les deux pays.

Au final, Claudine Burton-Jeangros a souligné que le projet vise plus globalement à comprendre les mécanismes sous-jacents aux inégalités sociales face à la santé. Elle a rappelé que mesurer la bonne santé a une importance particulière car cela a une implication sur un grand nombre de politiques publiques, au-delà de la seule politique sanitaire. Elle a conclu par le fait que ce sont les hiérarchies sociales qui expliquent la persistance du gradient social de santé, que ce soit en Suisse ou en Inde.

La discutante, Clémentine Rossier, membre de NCCR LIVES et de l’Institut de démographie et socioéconomie de l’UNIGE, a rappelé les principaux enjeux suscités par la présentation de Claudine Burton-Jeangros. Elle a souligné la possibilité et l’importance d’aller encore plus loin dans la recherche et a suggéré des pistes pour le faire. Ses interrogations et celles du public ont mis en évidence qu’il était important de non seulement s’intéresser à ce qui était comparable mais également ce qui était différent entre les deux contextes.

Lauriane Favez, étudiante de master, 22 avril 2017



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