Institut de recherches sociologiques

Objets transmissionnels - Liens familiaux à la Shoah

L'exposition est issue d'une enquête ethnographique sur la mémoire familiale de la Shoah auprès d'une quarantaine de personnes - dont la famille a été touchée par ces évènements - et dont la plupart résident aujourd'hui dans la région genevoise.

EXPOSITION OBJETS TRANSMISSIONNELS : SÉRIE DE QUARANTE PORTRAITS...

Qu’est-ce qui relie un minuscule éléphant moulé dans de l’or, un cintre cassé, un petit avion, une nappe, une poupée qui pleure, un bloc de verre jaune-sable, une cuillère avec les insignes du Troisième Reich ou encore une pile de chapeaux ? 

Ce sont des objets transmis ou récupérés, et conservés par des personnes dont la trajectoire familiale et personnelle est liée la Shoah.

Chaque objet constitue une énigme qui relie son détenteur à un passé situé au carrefour entre histoires familiales et Celle - politique - des plus terribles violences de masse du XXème siècle.

Chaque histoire, si poignante et originale soit-elle, chaque photographie peut prêter à sourire, à réfléchir et à s'émouvoir... Plus encore qu'un "travail" ou qu'un "devoir de mémoire" elles résultent très souvent d'un réel "besoin de mémoire". Enfin, il s'agit d'un témoignage fort contre la négation et l'oubli !

LES OBJETS DE FAMILLE : UN LIEN HISTORIQUE ET AFFECTIF 

Réalisée sous l’impulsion du Cercle Martin Buber et dans le cadre de l’Institut de Recherches Sociologiques (IRS) de l’Université de Genève, le projet «Objets Transmissionnels» interroge le rapport au passé et le regard sur le monde de descendants de survivants de la Shoah et d’anciens enfants juifs cachés ou nés durant la Seconde Guerre mondiale.

Pour composer cette série de portraits et d’amorces de récits familiaux, Michel Borzykowski, photographe, et Ilan Lew, chercheur en sociologie, ont proposé aux sujets photographiés de retrouver un objet de famille qui les relie à la Shoah et de le raconter…

Ces objets, qui peuvent nous sembler si familiers à première vue, ont été le plus souvent extirpés du quotidien d’alors, et ils offrent au visiteur autant d’entrées inédites et tangibles vers des histoires de survie et de disparitions tragiques propres à cette période totalement bouleversée.

MÉMOIRE LOCALE DE LA SHOAH ET FUTUR DE LA MÉMOIRE

Une intention forte de cette recherche est d’envisager l’avenir de la mémoire de la Shoah, à une époque où les témoins directs des évènements disparaissent.

En travaillant sur un souvenir vivant, transgénérationnel et bien réel, elle construit une enquête sans précédent sur la mémoire familiale de la Shoah. Aussi, elle fait résonner un univers affectif et mémoriel qui, jusque-là, était rarement perçu et exprimé en dehors de la sphère privée.

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Fig. 1 : "Pour l'obtention de son diplôme de médecin, ma tante, la Dr. Rachela Brüll, originaire comme moi de Stanislawów, avait reçu de ses parents une montre Omega qui - fait rare à l'époque - comportait une aiguille des secondes. Cela l'aidait à prendre le pouls de ses patients. Je suis née en sa présence le 26 juin 1941, dans une cave de cette ville de Galicie orientale, alors que les Allemands bombardaient la ville. A peine six semaines plus tard, mon père, Isaac Brüll, disparaissait après avoir été convoqué par les nazis avec la liste des biens familiaux… Lors de notre fuite du ghetto de la ville, et peu avant qu'elle ne disparaisse, elle aussi, dans la Shoah par balles, ma tante Rachela a confié sa montre à ma mère Irène qui l'a conservée durant toute la guerre dans une poche secrète de son manteau."

LE RÉSEAU DEUXIÈME GÉNÉRATION

Ce projet, à la croisée des sciences sociales et des arts, a pris forme à l'initiative des deux auteurs et dans le cadre du "Réseau Deuxième Génération" de Genève, qui tient des rencontres mensuelles depuis plus de trois ans

Les activités du R2G ont débuté au sein de la Communauté Israélite de Genève le 27 janvier 2015, une date qui coïncide avec les 70 ans de la "libération" des camps d'Auschwitz-Birkenau.

Il s'agit d'un espace de réflexion, de partage et de création, qui promeut la prise de parole de descendants de survivant-e-s, qui n’ont pas souvent eu l'occasion de réfléchir à cette parcelle d’eux-mêmes, et encore moins collectivement.

RECUEIL DE RÉCITS, OUVRAGE VISUEL ET ACADÉMIQUE

Ces quarante trajectoires personnelles et familiales, incursions dans le passé et visions du monde ont été regroupées dans un grand recueil de portraits et récits, "Objets transmissionnels - Liens familiaux à la Shoah", paru en novembre 2019 aux Éditions Slatkine.

Préfacé par le neuro-psychiatre Boris Cyrulnik, il s'agit d'un ouvrage à portée transdisciplinaire qui thématise les résultats de cette enquête à partir d'un objet, et nous plonge dans les enjeux de la mémoire familiale de la Shoah aujourd'hui.

En plus des auteurs, ont contribué par leur regard et leur réflexion à cet ouvrage les chercheurs suivants : Abram de Swaan (sociologue), Katy Hazan (historienne spécialiste des enfants cachés), Marion Feldman (psychologue), David Sander (psychologue et directeur du Centre Interfacultaire en Sciences Affectives, UNIGE).