Les associations italiennes en Suisse. Mondes, visions, divisions
Film sociologique de Morena La Barba
V.O. français et italien
Sous-titres : français, italien, allemand
Durée: 35'
Le coffret DVD contient aussi un autre film de 58' en italien: "L'altra cosa", avec les images des débats issus des projections organisées par les associations italiennes qui ont collaboré au projet de recherche, ainsi que des associations espagnoles et portugaises de six villes suisses.
Le coffret est disponible au Département de sociologie. Contact:
Le film est aussi disponible sur artfilm.ch.
Le film dans la presse :
Les associations italiennes en Suisse : une recherche, un film
Une culture associative structurée et organisée est une des fondations d’un système démocratique. La présence d’un fort mouvement associationniste est indéniable en Suisse. Le fédéralisme, l’autonomie communale, la démocratie directe, la Landsgemeinde qui caractérisent la politique suisse, ont probablement déterminé l’épanouissement, l’importante présence sur tout le territoire, des associations des migrantes.
Le mouvement associatif italien est le plus ancien et le plus riche en Suisse. Confrontant la présence italienne en Suisse avec celle dans d’autres pays européens comme l’Allemagne, la France ou la Belgique, autres bassins de forte émigration italienne, on peut affirmer que l’associationnisme italien en Suisse est un phénomène historique et social, quantitativement et qualitativement considérable, pas encore suffisamment étudié. La longue tradition d’émigration politique et économique, a connu un développement d’organisation communautaire, de masse, qui a favorisé les liens associatifs de solidarité et syndicaux parmi les Italiens de la deuxième après-guerre et surtout depuis les années soixante. En 1979 une étude de l’Ambassade d’Italie à Berne parle de 699 associations qui sont inscrites au RAIS (Registro delle Associazioni Italiane in Svizzera). Ce chiffre représenterait seulement deux tiers de celles existantes, selon « Emigrazione Italiana », le journal des Colonies Libres Italiennes de l’époque (n° 43 du 1979). En 2004 l’Ambassade invite 747 associations italiennes à élire leurs représentants au Conseil Générale des Italiens à l’Etranger (CGIE).
Le réseau de solidarité et de protection sociale vis-à-vis de la première génération des émigrés et les liens avec la culture d'origine étaient en première instance une activité des Missions Catholiques, de la Croix Rouge Italienne, des patronages, des syndicats et des partis politiques, des Colonies Libres Italiennes. L'associationnisme régional naît et se développe en forte cohésion avec le précédent associationnisme, mais montre aussi une nouvelle dimension identitaire de la dynamique migratoire. Elle ajoute en effet à la logique syndicale des années 1960 une logique de sauvegarde identitaire.
Cet associationnisme régional qui apparaît donc dans les années 1970 (aussi pour gérer le phénomène du retour causé par les contingences économiques négatives) est au même moment, pour ceux qui étaient restés en Suisse, désorientés par les événements xénophobes de ces années, un lieu à forte référence symbolique.
Grâce à leur activisme culturel orienté vers la société de résidence et celle d’origine, ces associations ont permis le développement d’un certain prestige social des émigrés et aussi une reconnaissance dans le champ culturel. Au cours des années, fonctions et structures des associations se sont redéfinies et on n’a pas toujours eu conscience de la logique évolutive du changement.
Il faut aujourd’hui vérifier si les associations italiennes en Suisse développent toujours les diverses et importantes fonctions sociales et identitaires. Notre documentaire tente d’y répondre en entrant dans ce monde nouveau et ancien des associations italiennes. Il met en évidence une situation de crise. Un malaise diffus et confus semble circuler parmi les dirigeants et les membres des associations. Une veine de pessimisme, et aussi de rancune se rencontre régulièrement dans les discours des vieux présidents. En attendant, les activités continuent, les locaux se renouvellent, les anniversaires viennent célébrés avec un faste renouvelé.
Certes, le lien entre première et deuxième génération est toujours plus symbolique, toujours moins lié à un territoire d’action commun. Mais ceci est un processus physiologique. On hurle au manque de changement générationnel mais aucun jeune de deuxième génération ne nie la valeur historique et symbolique des associations des pères et des mères. Au contraire, ils revendiquent avec orgueil leur double appartenance, mais la réalise dans une logique renouvelée, comme le montre les associations de “secondos”.
L’associationnisme a changé, les associations politiques évoluent vers des formes d’engagement culturel, vers une différentiation des objectifs, non sans une dispersion des forces due à l’incapacité de gérer les processus de changement. Mais ils restent des lieux d’identification et de participation, même s’ils sont résiduels.
Peut-être ce ne sont plus des lieux de solidarité, ni d’assistance, mais dans les associations, l’on gère des ressources humaines, symboliques, politiques, culturelles et financières. La confrontation entre les membres, entre les associations, est symptôme de vitalité, la rancune de nombreux dirigeants est symptôme de participation affective, d’investissement émotif.
Le renouveau s’est rendu nécessaire pour une grande partie des organisations qui vivent les doutes liés à « l’italianité », au projet même de défense d’une tradition ou d’une communauté. Il convient certes de revoir les dynamiques associatives et d’en créer des nouvelles. Les liens traditionnels avec les partis italiens et avec les organisations syndicales s’affaiblissent pour céder la place à de nouveaux éléments d’agrégations qui pourraient être liés à des événements et non plus aux formes d’organisation traditionnelle. Comment les associations vivent-elles aujourd’hui cette transformation, comment se préparent-t-elles au renouveau ou au retour ?
La recherche tente d’y répondre. C’est à travers des témoignages historiquement situés qu’on ouvre une porte à la compréhension d’un lent déclin du monde associatif italien – tout en donnant des perspectives à ceux qui restent (Morena La Barba et Sandro Cattacin).