Gaia propose une carte animée en 3D de notre galaxie
Le satellite européen Gaia scrute les sources lumineuses de notre galaxie depuis son poste d’observation, à 1,5 million de kilomètres de la Terre, et livre aujourd’hui sa deuxième moisson de données, d’une ampleur sans précédent. Cette deuxième « Data Release » concerne 1,69 milliard de sources – des étoiles pour la plupart – et permet de dessiner une véritable carte animée en 3D de la galaxie. Cette mission de l’Agence Spatiale Européenne (ESA), à laquelle participe l’Université de Genève (UNIGE), a été lancée fin 2013 dans le but de cartographier notre galaxie et de déterminer la position, le mouvement et la distance des étoiles qui s’y trouvent, ainsi que leurs propriétés physiques et la variabilité intrinsèque de lumière.
Carte des sources variables publiées par Gaia dans DR2. Le plan de notre galaxie est visible, ainsi que les deux nuages de Magellan. Le « courant » du Sagittaire, visible en projection à travers le centre galactique, est ainsi révélé et provient de la fusion pendant plusieurs milliards d’années d’une galaxie naine et de notre galaxie. Crédits : Berry Holl et al. (2018), Gaia variability collaboration
«Avec la mission Gaia, l’idée est de faire littéralement exploser la connaissance des distances en multipliant par 10’000 le nombre d’objets observés et par un facteur 100 la précision de ces observations», détaille Laurent Eyer, chercheur au Département d’astronomie de la Faculté des sciences de l’UNIGE, membre de comité exécutif du consortium Gaia, responsable de la collaboration variabilité. Un demi-millier de scientifiques et d’ingénieurs répartis sur tout le continent européen collaborent à ce projet de l’ESA dont les axes de recherche ont été clairement établis. La Suisse, et en particulier l’UNIGE, est responsable de l’analyse «Variabilité» dans le cadre du Consortium Gaia Data Processing and Analysis Centre. «Nous nous concentrons sur la mesure de la variabilité de la lumière émise par les étoiles», explique Marc Audard, chercheur au Département d’astronomie de la Faculté des sciences de l’UNIGE. «Nous déterminons si les sources sont variables afin de définir le type d’étoile auquel nous avons affaire et d’en mesurer certaines caractéristiques.»
Un demi-million de sources dévoilées à Genève
Pour l’équipe genevoise, le deuxième Data Release de Gaia se traduit par la mise à disposition du public des données de variabilité de plus d’un demi-million de sources, et pour chacune d’elles la classification et la courbe de lumière, avec le détail des données qui la composent. «Nous sommes un peu la NSA de la galaxie, nous collectons de manière régulière des données sur quantité d’objets puis nous en sélectionnons certains selon des critères choisis, et en révélons de très nombreuses caractéristiques», détaille Laurent Eyer. A Ecogia, au cœur de la campagne genevoise, scientifiques et ingénieurs de l’UNIGE, en collaboration avec leurs collègues européens, ont ainsi géré plus d’un milliard et demi de sources lumineuses et près de 120 milliards de mesures, chaque source étant observée à plusieurs reprises par Gaia, qui scanne le ciel en continu. Les données sont collectées dans plusieurs bandes du spectre de la lumière. Gaia capte dans sa bande principale la lumière grosso modo visible pour l’œil humain, tandis que deux instruments obtiennent chacun un spectre à basse résolution dans le bleu et le rouge, permettant aux astronomes de connaître les couleurs des étoiles, et ainsi indirectement leur température. L’élaboration de ce catalogue stellaire sans équivalent jusqu’ici est rendue possible par une approche Big Data de cet énorme flux de données, et par le recours à l’apprentissage automatique (machine learning) afin de les classifier. En répertoriant des étoiles jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’années-lumière de nous, il offre une cartographie précise d’une grande partie de notre galaxie. Il répertorie pour chaque étoile des caractéristiques aussi différentes que sa position exacte dans le ciel, sa distance à la Terre, son mouvement propre dans ses deux composantes – la vitesse radiale à laquelle elle s’éloigne ou s’approche de nous et la composante transverse – ainsi que sa variabilité.
Gauche : Courbe de lumière d’une Cépheide vue par Gaia dans les trois bandes passantes (G en noir, et les bandes rouge RP et bleu BP). Droite : la même courbe de lumière, après l’avoir repliée en utilisant la période trouvée de 6.695 jours. La périodicité de ce type d’étoile est ainsi évidente. Crédits : Berry Holl et al. (2018), Gaia variability collaboration
Un outil pour faire progresser notre connaissance de l’Univers
Ces données, désormais accessibles à l’entier de la communauté scientifique comme aux amateurs éclairés et au grand public, permettront à la science de progresser dans de nombreux domaines. Elles aideront par exemple à calibrer plus précisément l’échelle des distances dans l’Univers en précisant l’un de ses échelons de base, les Céphéides, ces étoiles variables qui enflent et se contractent à un rythme régulier, et sur lesquelles l’équipe genevoise est spécialisée. En septembre 2016, la première Data Release de la mission Gaia, pourtant de moindre ampleur, avait déjà donné lieu à quelque 800 articles scientifiques dans l’année qui l’avait suivie.
Voir le press release de l'ESA
25 avril 2018Actualités