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L’existence de la matière noire et de l’énergie noire remise en question

En 1933, l’astronome suisse Fritz Zwicky fait une découverte qui laisse le monde incrédule : il y aurait dans l’Univers beaucoup plus de ma- tière que celle que l’on voit. Les astronomes nomment alors cette matière inconnue «la matière noire». Ce concept allait prendre encore plus d’ampleur lorsque, dans les années 70, l’astronome américaine Vera Rubin doit elle aussi faire intervenir cette mystérieuse matière pour expliquer les mouvements et les vitesses des étoiles. Depuis, les scientifiques cherchent à identifier la matière noire grâce à la mise en place de moyens très importants (dans l’espace, au sol, et même au CERN) pour la trouver, sans succès. En 1998, deuxième coup de tonnerre, une équipe d’astrophysiciens australo-américaine découvre l’accélération de l’expansion de l’Univers, ce qui lui vaut le prix No- bel de physique en 2011. Or, malgré des moyens considérables mis en œuvre, aucune théorie ni observation ne permet de définir cette énergie noire qui serait plus forte que l’attraction gravitationnelle de Newton. Matière noire et énergie noire sont ainsi deux mystères sur lesquels buttent les astronomes depuis plus de 80 ans et 20 ans respectivement.

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La galaxie spirale M81, photographiée par les télescopes Subaru et Hubble.

Crédits : Roberto Colombari & Robert Gendler

Notre représentation de l’Univers et de son histoire est décrite par les équations de la relativité générale d’Einstein, de la gravitation uni- verselle de Newton et de la mécanique quantique. Le modèle faisant l’unanimité à ce jour est celui d’un Big-Bang suivi d’une expansion. «Dans ce modèle, il y a une hypothèse de départ qui selon moi n’a pas été prise en compte», explique André Maeder, professeur honoraire au département d’Astronomie de la Faculté des sciences de l’UNIGE, «C’est celle de l’invariance d’échelle du vide, ou en d’autres termes, que le vide et ses propriétés ne changent pas suite à une dilatation ou une contraction», précise-t-il. Or, le vide joue un rôle primordial dans les équations d’Einstein en intervenant dans une grandeur nommée constante cosmologique et dont dépend le modèle d’Univers qui en découle. En se basant sur cette hypothèse, André Maeder reconsidère donc aujourd’hui le modèle de l’Univers et rappelle que l’invariance d’échelle du vide est aussi présente dans la théorie fondamentale de l’électromagnétisme.

Après avoir fait passer à son nouveau modèle les tests cosmologiques et constaté qu’il correspond aux observations, il découvre que celui-ci prédit l’accélération de l’expansion de l’Univers sans qu’aucune particule ni énergie noire ne soit nécessaire pour expliquer l’accélération. En d’autres termes, l’énergie noire n’existerait pas puisque l’accélération de l’expansion est contenue dans les équations de la physique.

Dans un deuxième temps, il s’intéresse à la loi de Newton, un cas particulier des équations de la relativité générale. Celle-ci se trouve également légèrement modifiée lorsque le modèle intègre la nouvelle hypothèse d’André Maeder. En effet, elle contient un très petit terme d’accélération vers l’extérieur, particulièrement significatif aux faibles densités. Cette loi modifiée, appliquée aux amas de galaxies, conduit à des masses des amas en accord avec celle de la matière visible (contrairement à ce que disait Zwicky en 1933), ce qui fait qu’aucune matière noire n’est nécessaire pour expliquer les grandes vitesses des galaxies dans les amas. Un deuxième test montre que cette loi prédit aussi des vitesses élevées pour les étoiles dans les régions extérieures des galaxies (comme l’avait observé Vera Rubin), sans qu’aucune matière noire ne soit nécessaire pour les expliquer. Enfin, un troisième test concerne la dispersion des vitesses des étoiles oscillant autour du plan de la Voie Lactée. Cette dispersion, qui croît beaucoup avec l’âge des étoiles considérées, est très bien expliquée avec l’hypothèse du vide invariant alors qu’aucun accord n’existait sur l’origine de cet effet.

La découverte d’André Maeder ouvre la voie à une nouvelle conception de l’astronomie, propre à soulever questions et controverses. «L’annonce de ce modèle, qui finalement résout deux grands mystères de l’astronomie, reste fidèle à l’esprit de la science: rien n’est jamais acquis, ni sur le plan de l’expérience ou de l’observation, ni sur celui du raisonnement de l’être humain», conclut l’astronome genevois.

Voir l'article sur arXiv

Voir l'article sur ApJ

22 novembre 2017
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