2008

Comme les bons vins, la chimie d'exception se bonifie avec le temps

Le Professeur Claude Piguet et ses confrères Gérard Hopfgartner et Gérald Bernardinelli viennent d'apprendre la nouvelle : Publié en 1997 dans le journal Chemical Reviews de l’American Chemical Society, un de leurs articles scientifiques fait partie du lot très restreint des documents les plus cités par leurs pairs durant les 10 dernières années.

À l'ère de la rapidité tous azimuts, nombreux sont encore les scientifiques qui savent faire la différence entre recherches de qualité et valeurs fondamentales s'inscrivant sur le long terme, et impératifs de rentabilité à court terme. C'est aujourd'hui le cas avec cette équipe multi-disciplinaire de l'Université de Genève, qui voit son travail couronné de notoriété par le monde scientifique, à l'aune de 10 ans de mûrissement.

Piguet

Bref retour en arrière

En 1987, Jean-Marie Lehn, Donald J. Cram et Charles J. Pedersen reçoivent le Prix Nobel de chimie "pour leur développement et l'utilisation de molécules avec des interactions structuralement spécifiques et à haute sélectivité", selon la formule consacrée. Derrière ce jargon de spécialistes se cachent de nouvelles combinaisons moléculaires –notamment les cryptates, dérivés du mot crypte impliquant une cavité moléculaire particulièrement organisée– qui ont depuis révolutionné le monde de la chimie.
Les hélicates sont les héritiers, mais en plus évolués, de ces assemblages supra-moléculaires organisés à large échelle, synthétisés par la main de l'homme, à l'image de la double hélice d'ADN que Dame Nature produit dans nos cellules. La compréhension du mode d'organisation et d'auto-assemblage des hélicates a ouvert la voie à la préparation d'une myriade de nouveaux composés aux caractéristiques stupéfiantes, et dont certains ont trouvé des applications dans les domaines des cristaux liquides, de l’imagerie biologique et des traitements pharmaceutiques.
De retour à Genève de son post-doctorat dans l'équipe du Prof. Lehn (1989-1990), Claude Piguet développera cet aspect novateur de la chimie supramoléculaire. Ses travaux seront d'ailleurs récompensés par le Prix Werner en 1995, avant sa nomination en qualité de professeur ordinaire à l'Université de Genève en 1999.

La pérennisation et la bonification des savoirs

Lorsqu'ils publient en 1997 leur volumineux état de l'art en matière de connaissances sur les hélicates, Claude Piguet et ses complices pressentent que la somme des connaissances acquises sur ces nouvelles structures moléculaires, dans la décénnie qui suit l'attribution du Prix Nobel, sont susceptibles d'intéresser la communauté scientifique. En effet, l'article scientifique s'attarde sur les concepts chimiques qui tendent à expliquer "comment cela fonctionne-t-il ?" plutôt que sur les contingences du "à quoi cela sert-il ?".
Dix ans plus tard, il s'avère que les chercheurs genevois ont fait plus que mouche, puisque l'article édité par la revue spécialisée Chemical Reviews servira, et sert encore aujourd'hui, de référence sur laquelle des cohortes de chimistes se sont basés pour aiguiser leur créativité et bâtir des assemblages supra-moléculaires défiant les lois admises jusqu'alors.
Comme la déontologie scientifique l'impose, lorsque les scientifiques publient les résultats de leurs recherches, ils citent en toute transparence leurs sources d'inspiration, les travaux fondateurs, les éléments qui contribuent à construire l'écheveau de leurs propres investigations. C'est donc tout naturellement qu'en rendant à Cesar ce qui appartient à Cesar, la communauté scientifique a méticuleusement cité la publication-clé à chaque occasion qui se justifiait, augmentant à chaque occurrence la valeur intrinsèque du travail des chercheurs genevois.
Cette reconnaissance implicite et indirecte de la grande qualité des concepts véhiculés sur le long terme par l'article fondateur se traduit aujourd'hui sous la forme d'une récompense qui ne se mesure ni en espèces sonnantes ni en couronne, mais comme une légitimation offerte par la communauté des chercheurs elle-même : Entre 1997 et 2007, cette publication a accédé au pinacle du tout petit pour-cent des articles scientifique les plus cités (ils ne sont que 20 dans ce domaine), selon les critères rigoureux d'évaluation de l'organisme Thomson Scientific.
Une manière pudique de réaffirmer que la recherche fondamentale pratiquée dans les académies, lorsqu'elle résiste à l'épreuve du temps, contribue à pérenniser les savoirs et intervient comme garde-fou lorsque rentabilité, notoriété à court terme et immédiateté des résultats s'immiscent dans les laboratoires.

Références :
C. Piguet, G. Bernardinelli, G. Hopfgartner, Helicates as versatile supramolecular complexes, Chem. Rev. 1997, 97, 2005-2062. DOI

Contact :
Pour tout renseignement complémentaire, n’hésitez pas à contacter le Professeur Claude PIGUET (Tél: ++41 22 379 60 34).

10 janvier 2008
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