2013

Le swing des gènes architectes

Interrupteur génétique

Les gènes architectes sont chargés d’organiser les structures du corps pendant le développement embryonnaire. Certains d’entre eux, les Hoxd, sont impliqués dans la formation des membres antérieurs. Ils sont activés en deux vagues successives, permettant la formation du bras, puis celle de la main. Une équipe menée par Denis Duboule, professeur à l’UNIGE et à l’EPFL, et Guillaume Andrey, du Pôle de recherche national Frontiers in Genetics, a mis au jour les rouages de ce processus complexe et publie ses résultats dans la revue Science. Les chercheurs décrivent comment les interactions successives de différents gènes Hoxd avec deux domaines de régulation adjacents aboutissent à l’élaboration du bras et de la main, respectivement. La formation du poignet, quant à elle, provient d’une région à l’interface de ces deux sphères régulatrices, dans laquelle les gènes Hoxd sont inactifs.

Quelques jours. C’est durant ce court laps de temps que se met en place le plan de construction de notre corps, durant sa vie embryonnaire. L’apparition des membres et des vertèbres est orchestrée par une famille de gènes «architectes» nommée Hox, chacun d’entre eux fournissant une instruction précise à un moment donné. Denis Duboule, généticien à la Faculté des sciences de l’Université de Genève (UNIGE) et à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), a démontré que ces gènes se trouvaient alignés sur nos chromosomes en suivant l’ordre des structures qui vont apparaître: d’abord les éléments de l’épaule, puis ceux du bras, pour finir avec les doigts.

Les gènes du groupe Hoxd coordonnent notamment les opérations de formation des membres. Ces gènes sont transcrits en deux vagues successives, ce qui permet l’élaboration du bras, puis celle de la main. «Nous avions déjà découvert que les gènes responsables de la main étaient contrôlés par des amplificateurs, des séquences d’ADN spécifiques situées dans un domaine adjacent, à une extrémité du groupe Hoxd. Ce domaine de régulation adopte une configuration tridimensionnelle différente, selon le degré d’activité des amplificateurs», rapporte le professeur Duboule.

Deux domaines de régulation distincts

Afin de comprendre les processus moléculaires qui président à la formation du bras, ainsi que la transition vers celle du poignet et de la main, les chercheurs ont employé des techniques sophistiquées d’ingénierie génétique, de biologie moléculaire et des lignées d’embryons murins. «Curieusement, certains des gènes Hoxd participent aussi bien à la genèse du bras et de la main, alors que c’est leur absence d’expression qui permet la formation du poignet», relève Guillaume Andrey, ancien doctorant du Pôle de recherche national Frontiers in Genetics et premier auteur de l’article.

Les biologistes ont démontré qu’il existe également un second domaine de régulation. Il est, quant à lui, responsable du développement du bras et situé à l’autre extrémité du groupe de gènes Hoxd. Ils ont déchiffré le dialogue complexe établi entre ces gènes et les deux domaines adjacents: «certains des gènes Hoxd s’associent uniquement avec l’un des deux domaines, alors que d’autres interagissent avec les deux, mais dans des cellules différentes et à des moments distincts», explique Guillaume Andrey.

Le poignet surgit d’une zone-tampon

Au cours de la croissance du bourgeon du membre, certains des gènes Hoxd vont se déplacer vers le domaine de régulation opposé pour y établir de nouveaux contact. Ce swing d’un domaine régulateur à l’autre est l’équivalent d’un interrupteur génétique, signalant la transition entre la création du bras et celle de la main. Il existe toutefois un territoire cellulaire intermédiaire, qui échappe aux deux contrôles régulateurs et dans lequel l’interrupteur n’est pas activé: cette zone va générer le poignet. Ainsi, l’articulation des activités entre les domaines A et B permet l’apparition d’une articulation morphologique entre nos bras et nos mains.

«L’organisation tridimensionnelle de ces deux domaines de régulation, qui leur confère une indépendance physique et fonctionnelle, joue un rôle essentiel pour stimuler les gènes Hoxd. Ces expériences nous ont permis de démontrer qu’il existe donc un niveau d’information supplémentaire, topologique, pour moduler l’expression des gènes. C’est une première!», se réjouit Guillaume Andrey.

Contacts :

Pour obtenir de plus amples informations, n’hésitez pas à contacter le Prof. Denis Duboule (Tél. ++41 22 379 67 71) ou le Dr Guillaume Andrey (Tél. ++41 21 693 97 04).

Référence :

A Switch Between Topological Domains Underlies HoxD Genes Collinearity in Mouse Limbs, G. Andrey, T. Montavon1, B. Mascrez, F. Gonzalez, D. Noordermeer, M. Leleu, D. Trono, F. Spitz, D. Duboule, Science 340, 1234167 (2013).DOI

Communiqué de presse préparé par la Dr Lara Pizurki

7 juin 2013
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