2015

Un peu (plus) de lumière dans l’obscurité

Un brevet fraîchement déposé sur l’optimalisation de la phosphorescence persistante remet au goût du jour les cadrans de montres super-lumineux dans l’obscurité. Ce brevet est le fruit d’une profitable collaboration, soutenue par la Commission pour la technologie et l’innovation, entre un chimiste de l’UNIGE, l’EMPA et une entreprise suisse.

Dès la fin des années 1910, les cadrans de montres phosphorescents, c’est-à-dire émettant une luminosité persistante dans l’obscurité, faisaient fureur partout dans le monde. Jusqu’alors, les pigments utilisés, des sulfures de zinc, ne remportaient pas beaucoup de succès car leur phosphorescence disparaissait rapidement. L’idée lumineuse qui permit d’accroître considérablement la durée et l’intensité de la phosphorescence fut d’incorporer au pigment du radium, un élément extrêmement radioactif dont la désintégration fournissait l’énergie permettant d’activer en continu le pigment.

Alors que le radium, découvert par Marie et Pierre Curie en 1898, se voyait affublé de vertus diverses et était utilisé dans de nombreuses application de la vie courante, il s’avéra rapidement que sa dangerosité avait des effets dévastateurs et son utilisation fut bannie dans la fin des années 1920. Le radium fut alors remplacé par le tritium, autre élément radioactif beaucoup moins dangereux.

Dès les années 1950, de nouveaux pigments plus lumineux furent développés, mais ce n’est qu’en 1993 qu’une entreprise japonaise, Nemoto & Co., proposa l’utilisation d’aluminates de strontium exempts de tritium, appelés Super-LumiNova, éliminant les dangers de la radioactivité et possédant une phosphorescence intense, jusqu’à 10 fois supérieure aux sulfures de zinc. Ces pigments supplantèrent rapidement toutes les formulations disponibles jusqu’alors.

Le projet que la Commission pour la technologie et l’innovation (CTI) a soutenu est une collaboration typiquement helvétique entre la recherche et le développement. Elle implique le Prof. Hagemann, spectroscopiste au Département de chimie physique (UNIGE), la petite entreprise suisse RC Tritec fière de 70 années d’expérience dans le développement de marqueurs photoluminescents, et l’EMPA (Institut fédéral de recherche pour les sciences des matériaux). Par un subtil jeu de synthèse contrôlée des pigments et de formulation de la masse finale de peinture, ces partenaires sont parvenus à accroître d’un facteur 10 l’intensité de la luminescence des aluminates de strontium incorporant des terres rares, à étendre la persistance de cette luminescence jusqu’à une nuit entière, et à allonger la durée de vie des pigments bien au-delà de l’espérance de vie d’une montre. Et la peinture phosphorescente est proposée dans une palette étendue de couleurs émises, allant du blanc au vert en passant par le jaune, l’orange, le rouge et le bleu. Au final, les nouveaux pigments présentent une luminescence 100 fois supérieure aux ancestraux sulfures de zinc, ne présentent pas de toxicité et surtout s’affranchissent de toute source d’activation radioactive, puisqu’ils accumulent l’énergie nécessaire à leur phosphorescence durant la journée, sous lumière du jour ou artificielle.

Le procédé complet de production de ces pigments optimalisés a fait l’objet d’un brevet mondial, et le nom du produit commercialisé s’est naturellement imposé comme Swiss Super-LumiNova. L’entreprise japonaise Nemoto & Co. et l’entreprise suisse RC Tritec ont créé un joint-venture sous la forme de la société LumiNova A.G. Switzerland qui détient l’exclusivité de la production et de la commercialisation des pigments Swiss Super-LumiNova. L’industrie horlogère de luxe s’approprie déjà l’invention, comme l’a démontré l’engouement pour ces pigments lors du récent Salon EPHJ – EPMT – SMT à Genève, qui réunit tous les spécialistes et professionnels dans les domaines de l’horlogerie-joaillerie, des microtechnologie et des technologies médicales. En cette Année Internationale de la Lumière, la lumineuse découverte Swiss Made vient apporter un peu plus d’éclat dans nos nuits.

Contact :

Pour obtenir de plus amples informations, n’hésitez pas à contacter le Prof. Hans Hagemann (Tél. +41 22 379 65 39).

Notice d'information scientifique préparée par le Dr Didier Perret

8 juin 2015
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