2016

Une nouvelle ère pour les matériaux électroniques

Il est aujourd’hui possible de réaliser des cristaux parfaits d’un ou quelques atomes d’épaisseur, dont les propriétés électroniques peuvent être contrôlées avec une précision que nous n’aurions osé imaginer il y a quelques années. L’équipe de chercheurs du Prof. Alberto Morpurgo à l’Université de Genève (UNIGE) est parvenue à réaliser un transistor avec une monocouche de disulfure de molybdène (MoS2) – un matériau isolant – qui s’est transformé en un matériau supraconducteur, laissant passer le courant sans aucune perte d’énergie. Une publication à lire dans la revue Nature Nanotechnology.

La possibilité de produire des matériaux d’un atome d’épaisseur et d’excellente qualité a été démontrée pour la première fois il y a 10 ans, avec la découverte du graphène, qui était considéré comme unique. On pensait, en effet, que les autres matériaux ne conserveraient pas leurs qualités une fois amincis à l’échelle atomique. Ces dernières années, de nombreux composés permettant la réalisation de cristaux de quelques atomes d’épaisseur ont été découverts. L’équipe du Prof. Morpurgo de l’UNIGE, leader dans le domaine des cristaux monocouches, a choisi d’étudier le disulfure de molybdène (MoS2).

Afin de réaliser des transistors supraconducteurs, les chercheurs ont exfolié des cristaux macroscopiques de MoS2, de façon à extraire des monocouches individuelles, qui ont ensuite été déposées sur un substrat adéquat. En utilisant des techniques de nano-fabrication de pointe, ils ont fixé les contacts électriques nécessaires pour injecter du courant dans le cristal et pour mesurer le potentiel électrique. Les dispositifs comprennent une électrode dite « de grille », qui permet l’accumulation d’une densité d’électrons de plus de 1014 électrons/cm2 sur la monocouche, par l’application d’une tension électrique. Ces grandes valeurs peuvent être atteintes grâce à de récents développements techniques, à savoir l’utilisation de liquide ionique comme couche isolante, séparant l’électrode de grille de la monocouche de molybdène.

Comme prévu, à température ambiante, les dispositifs de monocouche de MoS2 ont un comportement de transistor : si aucun potentiel de grille n’est appliqué, les monocouches de molybdène sont isolantes ; en alimentant la grille d’électrodes, elles deviennent conductrices. Les scientifiques ont découvert qu’en refroidissant les dispositifs dans leur état conducteur à très basse température (au-dessous d’environ 2 K), le courant circulait sans appliquer de tension et sans perte d’énergie ; c’est un comportement typique des supraconducteurs. Les expériences ont été réalisées avec les mêmes résultats non seulement sur des monocouches mais également sur des substrats plus épais – de deux, trois couches atomiques, voire plus.

Ces résultats présentent la première observation de supraconductivité dans un cristal exfolié à sa finesse la plus petite, c’est-à-dire atomique. « En plus de sa pertinence scientifique, cette découverte démontre le fait que les matériaux électroniques entrent dans une nouvelle ère. Aujourd’hui, il est non seulement possible de produire des monocouches structurellement parfaites de substances différentes, mais aussi de les manipuler, de contrôler leur comportement électronique et de les combiner entre eux afin de créer des systèmes artificiels avec de nouvelles propriétés. Il s’agit d’un nouveau champ de recherche dont le potentiel pour la recherche fondamentale et pour les développement technologiques est important », explique Alberto Morpurgo.

Même si les progrès sont rapides, la compréhension des lois de la mécanique quantique qui gouvernent les propriétés électroniques de ces nouveaux matériaux ultra minces n’est qu’à ses balbutiements, mais il n’y a aucun doute qu’à long terme le développement de ces matériaux réalisés à l’échelle atomique aura un impact majeur sur les technologies du futur.

L'équipe de recherche, composée par Davide Costanzo, Sang Hyun Joo et Alberto Morpurgo, fait partie du Département de Physique de la Matière quantique ainsi que du Groupe de physique appliquée de l'Université de Genève. Ce projet, qui repose sur des cristaux fournis par Helmuth Berger de l'EPFL, est soutenu par le Fonds national suisse ainsi que par le projet de la Commission européenne "graphène Flagship". Plusieurs groupes de recherche de l'Université de Genève et de différentes universités en Suisse étudient les propriétés électroniques de nouveaux matériaux quantiques à l’échelle atomique - y compris les cristaux avec pour épaisseur un ou plusieurs atomes - et ont un rôle principal dans le domaine de la recherche internationale.

Contact :

Pour obtenir de plus amples informations, n’hésitez pas à contacter le Prof. Alberto Morpurgo (Tél. +41 22 379 35 74).

14 janvier 2016
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