Des tubules pour stopper la croissance cellulaire
En présence de nutriments, les complexes de protéines TORC1 stimulent la croissance cellulaire. Lorsque les cellules sont privées de sucre, ils deviennent inactifs en s’assemblant pour former d’immenses structures tubulaires qui peuvent atteindre un cinquième de la taille de la cellule.
TORC1 est un complexe enzymatique qui contrôle la croissance de nos cellules, mais il peut devenir hyperactif et entraîner des maladies telles que le cancer. Publiée dans la revue Nature, une étude menée par des biologistes de l’Université de Genève (UNIGE) décrit comment le sucre régule l’activité de TORC1, par un mécanisme inédit. En présence de ce nutriment, les complexes TORC1 déclenchent le processus qui permet aux cellules de croître. En l’absence de sucre, ils s’assemblent sous forme d’immenses structures tubulaires, ce qui les rend inactifs et stoppe la croissance cellulaire. La formation et le désassemblage de ces tubules sont faciles à observer dans les cellules vivantes, ce qui permet d’identifier des composés interférant avec ce processus, pour la mise au point de nouveaux traitements-candidats anticancéreux.
Parmi les trésors de l’île de Pâques, certains sont invisibles. Dans les années 1960, des chercheurs y ont découvert une bactérie produisant un composé doté de puissantes propriétés curatives, baptisé rapamycine, d’après le nom de l’île en langue indigène, Rapa Nui. En effet, cette substance naturelle peut être utilisée comme traitement anticancéreux et immunosuppresseur, car elle inhibe un enzyme intracellulaire nommé TOR (Target Of Rapamycin), qui stimule la croissance des cellules. Le professeur Robbie Loewith, directeur du Département de biologie moléculaire de la Faculté des sciences de l’UNIGE, a découvert que TOR était présent dans deux complexes protéiques distincts, TORC1 et TORC2, pour réguler différents aspects de la croissance cellulaire.
Les sites actifs des enzymes deviennent inaccessibles
Le complexe TORC1 est hyperactif dans plusieurs maladies, dont les cancers, qui constituent un problème majeur de santé publique. «Les tumeurs cancéreuses, de véritables usines de croissance et de prolifération cellulaire, sont particulièrement sensibles à la présence de sucre. Nous avons donc voulu comprendre comment ce nutriment régule l’activité de TORC1», explique le chercheur.
Une collaboration avec des chercheurs de l’UNIGE, de l’Université d’Auckland, en Nouvelle Zélande, et de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), a révélé l’apparition de structures inédites dans les cellules : «Lorsque les cellules sont privées de glucose, les complexes TORC1 s’assemblent entre eux pour former des structures tubulaires pouvant atteindre un cinquième de la taille de la cellule. Ces tubules, que nous avons baptisés TOROIDs, permettent le stockage et l’inactivation de TORC1, stoppant ainsi la croissance cellulaire», expose Manoël Prouteau, membre du groupe genevois et premier auteur de l’article.
Une édification moléculaire filmée en direct
Cette étude, menée dans le cadre du Programme de Recherche National (PRN) ‘Chemical Biology’, a également montré que l’ajout de glucose provoque un désassemblage rapide des TOROIDs, ce qui permet aux cellules de reprendre leur croissance grâce aux complexes TORC1 réactivés. Ces travaux ont été effectués chez la levure, un champignon unicellulaire utilisé comme organisme modèle, car il fonctionne comme une cellule de mammifère. «La plupart des découvertes liées à TOR ont été faites sur la levure avant d’être confirmées chez les mammifères. Il est donc très probable que les TOROIDs existent et fonctionnent de la même manière chez l’être humain», note Robbie Loewith.
La formation et le désassemblage des TOROIDs, les plus grands complexes de protéines observés à ce jour, peuvent être facilement observés grâce aux avancées spectaculaires des méthodes de microscopie. Ceci permettra de tester différents types de molécules pouvant les stabiliser ou, au contraire, les désassembler, et retenir celles qui présenteront un intérêt thérapeutique.
Cette découverte pourrait ouvrir la voie à une nouvelle approche thérapeutique pour traiter les nombreuses maladies associées à la dérégulation de l’activité de TOR. En effet, même si elle existe déjà comme inhibiteur naturel de TOR, la rapamycine peut avoir des effets secondaires importants, et des alternatives sont nécessaires.
Contact :
Pour obtenir de plus amples informations, n’hésitez pas à contacter le Prof. Robbie Loewith (Tél. +41 22 379 61 16) ou le Dr Manoël Prouteau (Tél. +41 22 379 61 18).
4 octobre 20172017