2020

Du désordre pour une batterie idéale

La fabrication de piles plus sûres, plus puissantes et utilisant des ressources géopolitiquement stables, passe par des électrolytes solides et la substitution du lithium par le sodium. Une stratégie chimique est offerte à la communauté.

 

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La symétrie du désordre.Surface tridimensionnelle de diffusion des ions sodium dans un cristal d’hydroborate. Ce nouveau matériau forme une structure désordonnée, et pourtant à haute symétrie, permettant une mobilité du sodium comparable à celle du lithium dans les piles présentes sur le marché. © UNIGE/Brighi

 

Les batteries au lithium qui alimentent nos appareils électroniques et nos véhicules électriques souffrent de plusieurs défauts. L’électrolyte —milieu permettant le mouvement des électrons et des charges positives entre les électrodes— est un liquide inflammable. De plus, le lithium qui les compose est une ressource limitée, au cœur d’enjeux géopolitiques majeurs. Les spécialistes en cristallographie de l’Université de Genève (UNIGE) ont développé un électrolyte solide non inflammable, qui fonctionne à température ambiante et permet de transporter le sodium —présent partout sur terre—, à la place du lithium. Une combinaison gagnante qui permet, en outre, de fabriquer des piles plus puissantes. Des batteries «idéales», dont les propriétés reposent sur la structure cristalline de l’électrolyte, un hydroborate composé de Bore et d’Hydrogène. L’équipe de recherche publie dans le journal Cell Reports Physical Science une véritable boîte à outils contenant la stratégie de fabrication d’électrolytes solides destinée aux développeurs de batterie. 

 

Les enjeux du stockage d’énergie sont colossaux pour les démarches de durabilité. En effet, le développement de véhicules électriques n’émettant pas de gaz à effet de serre repose sur l’existence de batteries puissantes et sûres, tout comme le développement des énergies renouvelables, solaire ou éolienne, dépend des capacités de stockage de l’énergie. Les batteries au lithium sont la réponse actuelle à ces défis. Malheureusement, le lithium nécessite des électrolytes liquides, hautement explosifs en cas de fuite. «De plus, le lithium ne se trouve pas partout sur terre et il crée des problématiques géopolitiques analogues à celles qui entourent le pétrole. Un bon candidat pour le remplacer est le sodium, car il a des propriétés chimiques et physiques proches et est présent partout», indique Fabrizio Murgia, postdoctorant à la Faculté des sciences de l’UNIGE et co-auteur de l’étude.

 

Température trop élevée

En effet, les deux éléments sont proches dans le tableau périodique des éléments. «Le problème est que le sodium est plus lourd que son cousin le lithium. Il a donc des difficultés à se balader dans l’électrolyte des piles», image Matteo Brighi, postdoctorant à l’UNIGE et premier auteur de l’étude. Des électrolytes capables de transporter des cations comme le sodium doivent donc être développés. Dans les années 2013 à 2014, des groupes de recherches japonais et américains ont identifié les hydroborates, comme étant de bons conducteurs de sodium à plus 120 °C. Une température à priori excessive pour un usage courant des batteries, mais une aubaine pour le laboratoire genevois. 

 

Fort d’une expertise de plusieurs décennies sur les hydroborates pour des applications comme le stockage de l’hydrogène, les cristallographes genevois se sont attelés à travailler sur l’abaissement de la température de conduction. «Nous avons obtenu de très bons résultats avec d’excellentes propriétés compatibles avec les piles. Nous avons réussi à utiliser les hydroborates comme électrolyte de la temperature ambiante  à 250 degrés Celsius, sans problème de sécurité. De plus, ils résistent à de plus hautes différences de potentiel et les piles peuvent donc stocker plus d’énergie», précise Radovan Cerny, Professeur au laboratoire de cristallographie de l’UNIGE et responsable du projet.

 

Le désordre comme solution

La cristallographie est une science située entre minéralogie, physique et chimie qui permet d’analyser et comprendre les structures des substances chimiques et prédire leurs propriétés. Grâce à elle, le design des matériaux est rendu possible. C’est cette approche cristallographique qui a permis de mettre en place des stratégies de fabrications publiées par le trio de chercheurs genevois. «Notre publication propose des exemples de structure pour pouvoir créer et perturber les hydroborates», précise Fabrizio Murgia. La structure des hydroborates laisse apparaitre des sphères de bores et d’hydrogène chargées négativement. Ces espaces sphériques laissent suffisamment de place pour le passage des ions de sodiums de charge positives. «Néanmoins, comme les charges négatives et positives s’attirent, il a fallu amener du désordre dans la structure pour perturber les hydroborates et permettre le mouvement du sodium», complète Matteo Brighi.

 

Cette publication est une boite à outils destinée aux développeurs de piles. De nouvelle génération de piles, plus stables et plus puissantes, devraient en découler. En Suisse, une véritable expertise existe grâce à une étroite collaboration entre l’UNIGE et l’EMPA à Dübendorf, qui travaillent actuellement à la création d’une batterie solide au sodium à 4V, soit plus puissante que celle de 3V publiée déjà en 2019. Un véritable produit « Made in Switzerland ».

8 oct. 2020

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